Chapitre 57

 

 

Au terme de la matinée, l’Adhan et son guide arrivaient au bout de leur périple. Un chemin s’ouvrait entre deux dunes, ils l’empruntèrent.

Une petite vallée allongée se découvrit sous leurs yeux. Indétectable de loin, elle s’étalait au milieu d’un contrefort de dunes, offrant son oasis à ceux qui sauraient l’atteindre.

Deux rangs de palmiers aux troncs courbés, une mare d’eau qui se révéla pure, les vestiges d’un village, sous forme de murets de pierre écroulés.

Ils firent halte auprès de la mare pour s’abreuver, remplir leurs gourdes et déjeuner.

Depuis qu’il était descendu dans la vallée, Cellendhyll sentait une insistante pression lui enserrer le crâne. Pas assez puissante, toutefois, pour l’empêcher de se concentrer sur ce qu’il l’attendait.

Auryel mena l’Ange vers le fond de la vallée. Un bâtiment rectangulaire en pierre grise, intact, les attendait. Quelques marches descendaient jusqu’à l’entrée qui se découpait dans la pierre en un trou sombre.

La migraine de l’Ange s’était intensifiée. Elle lui enserrait les tempes et pulsait à l’arrière de son crâne.

Ils posèrent leurs sacs à l’entrée, se défirent de leurs houppelandes, et pénétrèrent dans un couloir. Ils descendirent encore quelques marches  – ils étaient à présent sous le niveau du sol  –, pour finalement gagner une salle plus longue que large, d’environ trente mètres de diamètre.

Les murs étaient décorés d’une frise complexe qu’on ne pouvait détailler d’un simple regard. L’atmosphère était fraîche.

Au centre de l’endroit reposait un coffre de pierre.

Tout en surveillant le Ténébreux du coin de l’œil  – il lui avait ordonné de toujours rester à portée de vue  –, l’Ange avança.

La tombe était entourée d’un grand fossé, entouré d’une rambarde en pierre. Un pont de pierre arqué menait au tombeau : un cercueil en granit recouvert d’un long couvercle et surmonté à sa tête d’une grande stèle de pierre noire. Cellendhyll s’arrêta juste devant le pont.

Il se souvint alors, comme si le voile qui obscurcissait sa mémoire se déchirait brutalement, emporté par une force supérieure, chassant en même temps la migraine qui le harcelait.

C’est ici que tout a débuté ! C’est ici ! Ici que j’ai trouvé la dague !

Le passé, la révélation furent comme une gifle brutale. Il était déjà venu dans cet endroit précis. Il se souvenait enfin, après toutes ces années. Comme si le fait de revenir ici annulait la malédiction qui asservissait sa mémoire et avait si longtemps corrompu ses souvenirs.

 

Auryel profita de son état de surprise pour reculer hors de portée, le visage figé sur une expression de haine intense.

Cellendhyll savait exactement où il se trouvait et cet endroit avait une signification et une importance toutes particulières. Il était figé de stupeur. C’était donc cela que sa conscience jusqu’ici muselée tentait de lui hurler depuis son arrivée sur ce Plan.

 

— Tu n’as jamais été si proche du but, l’Adhan, et pourtant jamais tu ne l’atteindras ! tonna la voix d’Auryel dans ses oreilles.

Au terme de sa tirade, le Ténébreux percuta l’Ange de toutes ses forces, le projetant sur le côté du pont, droit dans la fosse.

Cellendhyll tomba, impuissant, dans le piège. Sept mètres de chute. Il amortit son atterrissage d’une roulade avant et se releva, indemne.

La fosse dans laquelle il se retrouvait était en fait une salle bâtie en dessous de celle du tombeau ; une pièce nue au sol de terre battue, éclairée par des carreaux de gemmelitte plantés en haut des murs. Au centre, la longueur du pilier qui s’élevait pour soutenir le tombeau.

Nulle porte, nulle issue pour s’échapper.