Chapitre 49
Avalant les rues à grandes enjambées, Cellendhyll rentra à son hôtel. Malgré ses déboires, il avait progressé ! À présent, il savait où aller et qui interroger.
Il salua le concierge d’un signe de tête, prit sa clé et monta jusqu’à ses appartements.
Après avoir déverrouillé la serrure, il ouvrit la porte. Happé par le poignet, il fut brusquement tiré à l’intérieur, frappé au ventre et empoigné par les deux bras.
Trois assassins se tenaient dans la pièce, semblables aux précédents. L’un en face de lui, les deux autres maintenant Cellendhyll.
Les agresseurs ne dirent rien mais leurs regards étaient suffisamment éloquents.
— Attendez, je viens de voir Shaardra-Thul, votre maître. Je me suis entretenu avec lui, le contrat est annulé, lança l’Adhan d’une traite.
Les tueurs absorbèrent le mensonge, un bref instant figés. Cela suffit à l’Ange. Il asséna un coup de tête à l’un des guerriers qui le tenait, lui arracha sa main captive pour frapper l’autre d’une fourchette de ses doigts dans les yeux, puis d’un coup de coude. La magie pourpre soigna les blessures des assassins mais l’Adhan s’était libéré. Le troisième tenait une dague incurvée, il tenta un estoc vers le ventre de Cellendhyll. Ce dernier croisa ses mains devant lui pour contrer la menace, emprisonna la main armée, qu’il tordit pour faire tomber l’arme. L’homme le cogna à la pommette d’un crochet du gauche, Cellendhyll répliqua d’une manchette au creux du cou puis d’un coup d’épaule.
Il prit son élan et sauta par-dessus le canapé, effectua un saut périlleux qui lui fit dépasser la cheminée – au feu entretenu chaque jour par le service d’étage – et retomba sur le divan d’en face. L’un des assassins le suivit, bondissant lui aussi, franchissant le premier canapé et l’âtre. Pour être séché en plein vol par un coup de pied arrière de l’Adhan qui le percuta en plein sternum. Son élan coupé, les côtes fracturées, l’homme retomba le dos dans le feu. Il ne cria pas mais grimaça tandis que sa peau brûlait. Il roula sur le côté et s’affala tandis que s’élevait l’odeur caractéristique de la chair calcinée.
Les autres firent le tour, chacun d’un côté du carré de canapés. Cellendhyll n’attendit pas, il bondit sur le premier, qu’il frappa d’un revers du coude dans la gorge suivi d’un coup de genou dans l’entrejambe. Le second des assassins l’agrippa par derrière, ses deux mains plaquées sur son cou. L’Adhan lui saisit les pouces qu’il brisa, avant de tirer l’homme par un bras, de se plier en deux, et de faire passer son adversaire par-dessus lui jusqu’à lui faire percuter son camarade. Celui qui avait été brûlé se relevait chancelant, tandis que sa magie apaisait ses brûlures. Cellendhyll jura. Il bondit sur lui, pivota sur lui-même, bien en appui sur la jambe droite, tout en relevant l’autre en diagonale. Son coup de pied renvoya le tueur dans le feu.
Ses comparses s’étaient dépêtrés, lames en main ils chargeaient. Cellendhyll sauta de côté, passa par-dessus un canapé, rebondit dessus et retomba dans leurs dos. Il saisit les crânes des deux tueurs et les frappa l’un contre l’autre de toutes ses forces. L’un des deux éclata, envoyant l’homme à la mort, la cervelle broyée. Le deuxième tueur était plus que sonné, Cellendhyll lui rompit la nuque d’une torsion des mains.
Le brûlé n’était plus brûlé, il revenait à la charge. L’Adhan dégaina sa dague sombre de sa botte mais l’autre usa de sa magie pour la lui arracher des mains – l’Ange avait oublié ce pouvoir. Un sourire mauvais aux lèvres, le tueur avança, la Belle de Mort en main. Mais la dague sombre refusa de servir un autre maître que l’homme aux cheveux d’argent. Elle se mit à rougeoyer avec intensité et la main de l’assassin se mit à fumer. Tout en pestant entre ses dents, ce dernier relâcha l’arme, juste à temps pour prendre un coup de tête de l’Ange qui lui fracassa le nez. La magie rouge vint une nouvelle fois à son secours, guérissant sa main et son visage, mais c’était trop tard pour lui. Cellendhyll l’avait cogné en plein plexus solaire pour lui couper le souffle. L’Ange le retourna dans la foulée, le saisit par le col et la ceinture et le projeta à nouveau dans l’âtre, tête en avant. L’assassin rua, tandis que sa figure se couvrait de cloques au contact des braises, Cellendhyll le frappa d’un coup de coude dans la nuque, qu’il redoubla, puis appuya sur la tête de l’autre, avec encore plus de force, comme s’il voulait l’enfoncer dans les braises.
— Mais tu vas crever, oui ! scanda l’Adhan.
Il continua de maintenir la face de l’autre dans les braises, pesant de tout son poids pour contrer les soubresauts frénétiques du supplicié. L’homme se débattit encore et encore, tandis que sa magie se démenait pour le soigner. Ils succombèrent à leurs efforts, tous deux, et le tueur de la Main Pourpre finit par goûter au baiser passionné de Dame Mort. Comme celui de ses comparses, son corps s’évapora dans les secondes qui suivirent.
Cellendhyll se redressa, le souffle court. Son corps l’élançait de douleurs éparses. Les drogues d’Albédor, les jumeaux Borsh et maintenant les assassins, cela faisait beaucoup pour une simple journée.
— Par l’Épée de Lachlann, cette Main Pourpre commence à me les hacher menu !
Les trois crânes magiques venaient d’exploser sur l’autel. Shaardra-Thul s’effondra sur sa table d’invocation, du sang coulant de son nez et de ses oreilles. L’échec, une nouvelle fois, accompagné de cette souffrance si violente.
Le maître-assassin épongea le sang qui s’écoulait de lui, fouilla dans sa tunique de soie incarnate pour en extraire un petit sachet de peau. L’ouvrant, il en tira un carré de pâte brunâtre qu’il enfourna aussitôt. Une vague de bien-être ne tarda pas à se répandre en lui, chassant les nausées et la douleur. Il se releva.
— Maudit sois-tu l’Adhan ! éructa-t-il en levant le poing devant lui.
C’en était trop pour le maître. Il allait battre le rappel de tous ses hommes répartis dans la région, tous sans exception et tant pis pour les contrats en cours. Ce Cellendhyll de Cortavar représentait un défi, une injure, une calamité qui prenait le pas sur tout le reste.
L’orgueil de Shaardra-Thul était bafoué et son honneur était engagé, auprès de lui-même et auprès de sa cliente, la baronne Melfynn. Le reste n’était plus que feuille dans la tempête.
Dès le lendemain, ou le surlendemain, il enverrait un assaut massif contre l’Adhan. Peu importent les conséquences, peu importent les pertes.
Il ne dormirait plus tant que l’Ange du Chaos serait en vie.