Chapitre 13
Les deux cavaliers rentrèrent au Chaos, rangèrent leurs montures – qui étaient revenues d’elles-mêmes une fois le danger passé à l’écurie, les étrillèrent, leur donnèrent de l’eau et du grain.
Sans rien dire, d’un commun accord, ils se rendirent chez Estrée. Silencieux, tous deux, jusqu’à sa chambre.
Ils se déshabillèrent mutuellement, tout en se dévorant du regard avec une acuité qui leur donnait des frissons délicieux.
Avant même qu’elle ne le touche, l’érection de Cellendhyll était déjà glorieusement érigée. Estrée voulut s’en emparer mais il la repoussa gentiment. L’Adhan avait peu d’expérience en tant qu’amant mais il savait toute l’importance de ces moments exploratoires. Doucement mais fermement, il allongea la jeune femme. Alors il se mit à caresser son corps ; préliminaire à ce qui allait suivre, découverte de la chair si douce.
Lorsqu’il sentit que c’était le moment, il commença à s’attarder sur les seins d’Estrée, descendit sur son ventre, enfin sur l’intérieur de ses cuisses. La bouche entrouverte, totalement abandonnée, la jeune femme frémissait.
Cellendhyll s’abaissa au niveau de son pubis, de sa féminité. Il embrassa le velouté de ses cuisses, provoquant de nouveaux émois. Il goûta cette chair si tendre, savoura cette odeur si particulière, si enivrante. Elle était humide, déjà.
La langue de l’Ange était légère mais précise, adroite et audacieuse. Estrée hoquetait, serrait les draps de ses poings, agitait faiblement ses orteils. Priait pour que ce qu’elle vivait en cet instant présent ne s’arrête jamais.
Elle était au bord de l’embrasement, Cellendhyll le sentait aux contractions qui agitaient son intimité, à son souffle de plus en plus heurté. Il accolera le mouvement de ses doigts, devenus impérieux, le corps d’Estrée s’arqua en arrière, elle poussa un gémissement qui s’étira sous les doigts et la langue de son amant. Elle retint brusquement sa respiration, ouvrit les yeux en grand, avant de relâcher son souffle dans un cri libéré, emportée par un orgasme ravageur qui se termina en soupir rauque, la laissant vidée d’énergie, tremblante.
Cellendhyll se pencha sur elle, se repaissant de sa beauté, une beauté secrète, nouvelle, qu’il ne découvrait qu’en cet instant présent.
— Viens en moi, souffla-t-elle. Je n’en peux plus de l’attendre. Par pitié, prends-moi.
Il plongea dans son écrin accueillant. Estrée écarquilla les yeux devant le plaisir qu’il arrivait encore à provoquer en elle. Une félicité différente, complémentaire de celle provoquée quelques instants plus tôt.
Chaque va-et-vient emportait la jeune femme un peu plus loin vers les frontières extrêmes de ce territoire secret. Cellendhyll variait les intensités, temps forts, temps faibles, le plaisir n’en était que meilleur. Il était si dur, si doux, si réceptif, tout cela à la fois. Il adoptait le bon rythme, d’instinct, le rythme parfait, sans qu’elle eût besoin de le guider. Estrée perdit contact avec la réalité. Elle n’était plus que sexe, désir, jouissance. Elle n’était plus qu’abandon, émerveillement et reconnaissance, et ces sentiments-là ne pouvaient naître que de l’amour.
La jouissance chez Estrée était une ode à la vie, elle semblait n’avoir aucune limite – à la surprise, d’ailleurs, de cette dernière. C’était comme si Cellendhyll avait ouvert une porte en elle qui donnait sur un univers étrange, sans tabou, où le plaisir était roi. La fille d’Eodh avait connu maints libertinages, s’était abandonnée dans la dépravation. Jamais cependant elle n’avait éprouvé une telle extase, à la fois si complète, si naturelle, si renouvelée. L’Ange de son cœur l’emportait si loin dans ces terres exquises et immatérielles qu’elle se demandait si elle pourrait revenir à la réalité.
Enfin, le moment était venu pour lui. Cellendhyll s’était retenu autant qu’il le pouvait, à la limite du supportable. Les palpitations étaient descendues le long de son dos pour gagner ses cuisses, pour se rassembler en un noyau brûlant qui se mit à remonter le long de son membre. Il semblait à l’Adhan que son phallus enflait encore, au-delà du possible, étreint par cet anneau soyeux, appelé par cette féminité épanouie. Il tenta de se retenir, encore quelques instants, encore un peu, un tout petit peu. Mais c’en était désormais trop pour lui, il ne parviendrait plus à différer encore.
Un trait de lumière éclatante le traversa de part en part, parcourant son corps comme son esprit, laissant derrière lui des corolles d’un infini bien-être. Cellendhyll s’abandonna à longs jets, au plus profond d’Estrée, tandis que sa jouissance provoquait un nouvel orgasme chez la jeune femme.
Il retomba à côté d’elle. Ils étaient tous deux haletants, tous deux comblés. Leurs mains se cherchèrent, se trouvèrent. Tout allait bien.
Éreintés du plaisir qu’ils s’étaient prodigué réciproquement, impressionnés par l’intensité de ce qu’ils venaient de partager, ils se blottirent l’un contre l’autre et s’endormirent, le même sourire fleurissant sur leurs lèvres.
Le matin les vit se réveiller dans les bras l’un de l’autre. Ils échangèrent un baiser tendre, complice. Estrée s’étira de tout son long et Cellendhyll la trouva encore plus belle qu’auparavant.
Après une douche commune et sage – ils s’avouaient momentanément rassasiés – ils préparèrent ensemble un copieux petit-déjeuner, qu’ils allèrent partager sur la terrasse baignée de soleil, saisissant le moindre prétexte pour se toucher. Cependant une nouvelle vague d’inquiétude tenaillait l’Ange.
Où allons-nous ? Vers quel horizon ? Chaque fois, j’ai souffert. Le destin est-il conjuré ? Trop tard pour faire marche arrière. J’ai peur et tout à la fois je désire cette relation avec Estrée, encore plus après ce que nous venons de partager.
Estrée… Elle pouvait être ardente et douce, attentionnée à son égard, compréhensive, apaisante… Il y avait trop de qualificatifs pour la décrire.
Ne t’emballe pas, ne cède pas à la passion. La passion est l’ennemie de l’amour serein. La passion est un gouffre. Que dois-je faire ?
— Ne t’inquiète pas, dit alors Estrée en caressant son dos de la main, comme si elle avait deviné son trouble. Nous avons couché ensemble et c’était… inoubliable…Nous nous plaisons… Mais il vaut mieux laisser faire les choses tranquillement, sans forcer, ne crois-tu pas ? Je ne te demande ni promesse, ni serment, aucun autre engagement que celui d’être sincère.
— Cet engagement-là, je le prends de bon cœur, ma belle !
En dépit de sa réticence à s’engager, Cellendhyll se sentit soudain bien plus à l’aise qu’il ne l’aurait cru.