Chapitre 39

 

 

Boswiek contempla l’endroit du torrent où aurait dû se trouver la passerelle. Il n’en doutait pas, c’était Estrée qui avait délogé la planche après avoir traversé.

— Elle est passée de l’autre côté, annonça-t-il à Mina. Mais ici impossible de franchir le courant, nous serions emportés. Il y a un autre guet à un quart d’heure d’ici, en ne traînant pas. Je pense savoir vers où elle se dirige, elle est foutue.

— Hé bien, qu’attendez-vous ? s’impatienta la blonde.

— Attendez, maîtresse, il manque Sishtas.

— Peu me chaut cet incapable, trépigna Mina, il n’aura qu’à nous rattraper. Seule Estrée compte et je la veux ! En route !

 

Les branches la giflaient, les buissons la griffaient, les pierres et les cailloux l’entaillaient. C’était comme si la forêt s’était transformée en adversaire, déterminée à entraver sa fuite.

Hors d’haleine, Estrée déboucha à la lisière des arbres, face à une clairière ovale tapissée d’herbe et de sable, entourée de grands sapins, de genévriers, de buissons et de broussailles aux teintes grisées.

La Fille du Chaos n’en pouvait plus. Son corps vibrait de douleurs qu’elle jugeait insoutenables. Elle avança encore d’une vingtaine de pas avant de se laisser tomber dans l’herbe. Elle avait tenu au-delà du possible, elle n’en pouvait plus.

Bientôt, ils arriveraient pour l’hallali.

Elle tressaillit.

Non…. pas bientôt…. ils étaient déjà là.

Les guerriers de la Maison Pélagon surgirent des fourrés, derrière elle, des deux côtés. Estrée se retourna. Mina arrivait dans la clairière, stoppant l’approche de ses sbires. La grimace de jubilation qui enlaidissait les traits de la petite blonde la fit frémir.

Estrée aurait encore pu tenter de fuir au sud de la clairière, à travers ce massif d’alliacées, mais à quoi bon ? Ils la rattraperaient en quelques minutes.

— Sale chienne, éructa Mina, tu nous as fait courir ! Mais c’est fini à présent et je vais te châtier pour ta misérable tentative.

— Approche, salope, si tu l’oses ! riposta la fille d’Eodh en redressant la tête. Approche et affronte-moi !

Ce n’était que des mots vides de sens, elle n’avait plus une once d’énergie.

Elle avait joué, elle avait perdu…

Adieu mon Cellendhyll…