Chapitre 42
…Tout a commencé au printemps dernier. Nous étions dans mon bureau dans un petit immeuble discret de Hay Street. Tout près du centre et des grandes compagnies. À l’entrée du bâtiment de trois étages, il y a une simple plaque discrète fhm & nc Ltd. fhm pour Forest Hill Metal et nc pour Nickel Chrome. C’est là où je suis, c’est la Holding. Je ne voulais pas être dans les immenses buildings des deux compagnies. Je n’ai pas envie d’être tout le temps avec eux…
Ce jour-là j’étais avec Stadler. Avec Lee si vous préférez, c’est comme ça que je l’appelle d’habitude. Nous nous connaissons bien, depuis longtemps. Nous avons été au collège ensemble, nous étions dans la même équipe de cricket. C’était un sacré batteur, je vous jure. Depuis on ne s’est pas beaucoup quittés, même si on a suivi des chemins très différents. On a le même âge, on n’a pas de secret l’un pour l’autre. C’est pour cela qu’il était aux obsèques de mon père malgré les risques, à cause de tous ces officiels et des flics qui y étaient aussi. Lee était venu par amitié pour moi…
Lee, c’est un bon gars. Il s’est battu dans la vie avec ses moyens à lui. Son intelligence, son ambition. Il a réussi, tant mieux. Pour moi c’était plus facile avec tout cet argent qui me vient de mon père, ce bandit…
Mais c’est une autre histoire, je vous la raconterais si j’avais le temps… Je n’en ai pas, vous le savez aussi bien que moi puisque vous allez téléphoner à l’ambulance dans quelques minutes, qu’ils vont m’administrer un antipoison et ils vont me sauver. Jurez-moi… Mais si déjà vous pouviez me donner un antidouleur. Ça fait très mal cette saloperie de morsure. Putain… ! Ça lance, c’est comme une brûlure mais ça gagne jusqu’à l’épaule. Ah… Merci… Encore un autre verre d’eau please, ok…
Donc, on était dans mon bureau et on parlait affaires, comme d’habitude. Des mines, leur extraction, ça devient de plus en plus dur même si c’est de plus en plus profitable. On doit payer des salaires de plus en plus élevés pour trouver des gars qui veuillent bien travailler dans l’extrême chaleur pendant des journées entières. On manque de main-d’œuvre parce qu’on ne veut pas non plus laisser entrer tous les Chinois. Ceux-là, ils seraient prêts à venir travailler pour deux fois moins. Et puis il y a tout ce fric qu’on doit donner aux Noirs, sous prétexte qu’ils sont là depuis toujours. Tu parles ! L’or, le nickel ou le fer, ce n’est pas eux qui l’ont trouvé, n’est-ce pas ? Si encore ils voulaient bien travailler avec nous pour extraire le minerai. Non, ils se contentent de recevoir le fric et c’est tout ! Pourquoi faut-il leur filer des royalties… ? Ça, je ne le comprendrai jamais…
Je commençais à m’exciter là-dessus quand, en parcourant les journaux, Lee est tombé sur un petit article dans le quotidien, un tout petit article. Un bûcheron assassiné en Tasmanie. Il n’y avait rien de bien original. McGee ou McPhee, je ne sais plus, un nom comme ça. Mais cela nous a frappés tous les deux parce qu’on a compris à travers les lignes qu’on lui avait coupé le sexe. C’était un article très sibyllin, vous-mêmes ne l’auriez sans doute pas remarqué. Mais nous, nous avons déduit qu’on lui avait vraiment coupé les organes génitaux. Enfin qu’il y avait eu une mutilation ou quelque chose comme ça, c’était sous-entendu. Cela nous a fait penser aux Aborigènes, à leurs initiations, à toutes ces cérémonies barbares. Et peu à peu c’est venu dans nos têtes. C’était un truc qu’on pourrait utiliser nous aussi. Au cas où… Just in case…
Nous devions tout de même savoir pourquoi ce type était mort. C’est pour ça qu’une semaine après la découverte du corps de McGee ou McPhee, j’ai envoyé deux gars à moi là-bas. Ils n’ont pas été très efficaces je dois dire mais au moins ils ne se sont pas fait remarquer. Finalement on n’a jamais su exactement pourquoi ce bûcheron avait été dépecé. C’est sans doute un coup des Compagnies forestières, c’était l’hypothèse de mes enquêteurs. McPhee voulait faire du grabuge, parce qu’il était payé au black et sans doute mal payé. D’après mes deux types, il voulait aller devant un tribunal pour faire reconnaître ses droits. Alors on pense qu’une des compagnies qui l’employait y a mis le holà. Histoire d’avertir les autres, tous ceux qui auraient eu les mêmes velléités, ils ont fait un exemple…
Ils se sont servis de la vieille peur du tigre de Tasmanie qui a disparu. Autrefois il était dangereux pour les hommes des bois, il les dévorait. Nous n’en sommes pas sûrs, on n’a pas assez de contacts avec ces entreprises, ils nous considèrent comme des concurrents. Il y a du minerai sous leurs exploitations et ils ne veulent pas nous voir par là. D’ailleurs leur opération a été efficace, on n’a plus entendu parler d’une revendication des bûcherons dans l’île. Et on n’a pas beaucoup parlé de la mort de ce McPhee ou McGee…
Avec Lee, on trouvait que c’était dommage, qu’il y avait quelque chose à faire avec ça. Mais quoi ? On ne savait pas, on n’en a plus reparlé ensemble…
Peu de temps après, la presse, la télé ont commencé à s’agiter. Le routier Kevin Stratos avait été retrouvé mort. Ou plutôt on avait retrouvé ses morceaux sur une autoroute près de Sydney. Mort et bien mort puisque les morceaux n’étaient plus ensemble. Un Rock Rebell qui tue un White Cheater c’était assez malin, même si ce règlement de comptes n’a pas été compris par les médias. Cela ajoutait du désordre dans cette période où l’on avait suggéré d’effrayer la population. Parce que Lee savait sûrement qu’il allait y avoir une vengeance et que la guerre des gangs allait reprendre. L’insécurité partout, c’était ça l’idée…
Et à l’instant où j’ai appris la mort de Stratos, j’ai su que mon ami Lee Stadler était beaucoup plus malin que moi… Oh ! Il ne vous dira rien. Il est très secret… Il m’a dit, plusieurs jours après seulement, que Stratos avait eu les organes génitaux tranchés… Remarquez bien que je m’en doutais…La police faisait le black-out là-dessus, personne n’en parlait comme si c’était quelque chose de trop évocateur qui heurtait la sensibilité des mâles australiens. Enfin des mâles blancs, parce que la bite coupée, les Abos l’ont déjà…Ah ! Ah ! Ah !
Et puis tout cela commençait à prendre forme dans mon esprit, dans notre esprit à Lee et à moi. Il fallait que la police s’inquiète, il fallait que les médias s’échauffent. Vous savez ce qu’est un emballement médiatique ? Bien sûr vous savez. Mais vous ne mesurez pas combien sont injustes ces rushes des médias…
Quand il se passe quelque chose dans les mines, un accident, la mort d’un homme, ils se ruent sur nous, prompts à nous tomber dessus. Dix, vingt caméras braquées sur nous, sur le moindre de nos gestes maladroits, sur nos mots inappropriés. La veille ils ne s’intéressaient pas à nous, à nos problèmes, nous pouvions crier dans le désert. Et puis soudain, comme des chacals, ils reprennent à l’infini la bavure, la bêtise, le détail sur toutes leurs chaînes d’info en continu, sur leurs sites Internet. On les a assez subis ces rapaces !
Il y a un mois, quand le gouvernement voulait taxer les mines, tout le monde trouvait soudain qu’on faisait de trop gros profits. Les médias ont commencé à nous harceler, le public marchait dans leur propagande. Alors on a mené la contre-offensive. On a commencé à retenir ces chiens de journalistes, on a demandé à nos amis patrons de presse de les calmer. Et puis avec ceux qu’on connaissait bien, on a diffusé notre message. On disait que si les mines ne faisaient plus de profits, elles ne pourraient plus payer les mineurs. Finis les cent cinquante mille dollars par an pour n’importe quel ouvrier. Finies les maisons à Perth en bordure de la Swan, finies les vacances dans les îles du Queensland ou à Bali… Peu à peu l’opinion, bien aidée par nos amis politiques, a fini par se retourner…
Et si on utilisait la même méthode dans les négociations avec les Aborigènes ? C’était un problème très différent mais à ce moment-là nous étions en pleine discussion avec eux sur le montant des royalties à leur verser. Tout le monde s’en foutait mais ça nous ruinait ! Les payer des centaines de milliers de dollars simplement parce qu’ils étaient sur cette terre depuis des millénaires ! Qu’est-ce qu’ils en ont fait de cette terre, hein ? Les dollars, ça, ils savent les employer pour s’acheter de la drogue et de l’alcool… Pour se détruire, oui ! Alors franchement, hein… ?
C’est encore lui, Stadler, qui a peaufiné l’idée…
Vous avez demandé à votre collègue de l’amener ici, à côté de moi… Vous espérez qu’il confirmera ce que je dis, qu’il avouera lui-même quelque chose… Il ne le fera pas, il est secret… Comment croyez-vous qu’il a bâti son business s’il ne l’a pas fait le plus discrètement possible ? Lee, c’est un coffre-fort, voilà ce qu’il est. Mais surtout il ne vous dira rien parce qu’il n’est pas en train de mourir, il n’est pas en train comme moi d’évaluer ses chances de s’en sortir, comme je le fais en ce moment…
Qu’est-ce que j’ai mal, maintenant ! Vos cachets ne me font rien, je vais crever, je sens que ça me lance dans tout le côté maintenant, cette fucking morsure… Merde ! Vous avez téléphoné à l’ambulance ? Non, pas encore, je ne sais plus, je ne vous ai pas vus et je commence à délirer… C’est le venin, il remonte, j’ai déjà du mal à bouger mon bras, je sens que je suis en train de me paralyser. Si l’ambulance n’arrive pas vite, ils ne trouveront que mon cadavre tout raide et mon ami Lee Stadler se fera fort de témoigner que la police n’a rien fait pour éviter la mort d’un homme, qu’elle l’a laissé mourir…
Bon, d’accord, je vais vous raconter la suite, vite, très vite…
Stadler pensait que ça allait mettre encore beaucoup de temps à se diffuser dans l’opinion, cette peur des sauvages que nous voulions faire connaître de nouveau. Comme les premiers convicts britanniques et les premiers marins l’avaient connue. Ils croyaient rencontrer des bons sauvages en arrivant sur ce continent à la fin du xviiie siècle et ils se sont trouvés soudain face à des hommes normaux, violents et tout…Il fallait ramener cette peur, raviver cet effroi, cette phobie pour des hommes différents…
Lee m’a dit que l’urgence c’était de faire d’abord peur aux Blacks eux-mêmes. Ils redoutent toujours notre comportement. Ils le trouvent bizarre, ils ne savent jamais sur quel pied danser avec nous. Ils craignent notre violence, il semble qu’ils la trouvent différente de la leur. Ils n’aiment pas que les Blancs soient brutaux entre eux. Lee avait raison…
Il fallait mettre un terme aux discussions que nous avions avec eux à ce moment-là à la mine de Deadwood Lake. Mais comment faire ? Si on s’attaquait aux Aborigènes eux-mêmes, les médias nous tomberaient dessus sans scrupules et cette fois-ci l’opinion publique se retournerait contre nous. Il fallait pourtant faire passer un message aux blackfellahs un message qu’ils pourraient parfaitement comprendre. Une mutilation sexuelle par exemple, comme celle de Stratos ou celle de McPhee, ça ils pouvaient comprendre…
Je ne sens plus mon bras maintenant, plus rien. J’ai la bouche sèche, voyez comme je transpire… Je dois avoir une sacrée fièvre, tout me paraît cotonneux… Merde ! Merde ! Merde…
C’est Colin Philippoussis qui en a fait les frais. Et c’est moi qui m’en suis chargé…
Cockburn transpirait de plus en plus. Il transpirait et il pleurait à moitié en parlant d’un ton de plus en plus suppliant. Cattrioni écoutait et il avait discrètement branché l’enregistrement de la confession sur le Smartphone qu’il portait à la ceinture. Des aveux de première main.
Sauf que Jack Cockburn Jr n’en disait pas autant que ce qu’Ashe percevait et pourrait retranscrire ensuite en essayant d’être le plus fidèle possible à ce que racontait l’héritier des mines. Cockburn n’avait pas le temps. Il avait cru sur parole le PO qui avait bluffé en affirmant qu’il n’appellerait l’ambulance qu’après des aveux complets. L’essentiel était qu’il le croie et fasse une confession détaillée. Le plus vite possible pour lui.
Ashe pourrait rapporter plus tard cette scène et ces aveux mais il devait tout mémoriser. Le climat, l’atmosphère chaude et angoissante, l’homme en train de se paralyser doucement au fur et à mesure que le venin remontait dans son corps. Pas trop rapidement à cause du garrot qu’on lui avait fait. La douleur devait être moins violente maintenant que les cachets commençaient à agir et à l’endormir un peu. Pas suffisamment pour qu’il ne continue pas son récit. L’angoisse est un bon aiguillon.
Il devait noter aussi la présence à ses côtés de Stadler de plus en plus ahuri et de plus en plus muet. Était-il muet à cause de sa volonté de ne rien avouer ? Ou bien était-ce la stupéfaction de voir son ami et complice en train de mourir ? Qu’espérait-il sauver après les révélations de son mentor ? Sa peau ? Sa liberté ? Elle était de plus en plus compromise.
Ashe devait se souvenir de cela aussi, la peur glacée de Stadler. Et les propos précis de Cockburn. Ceux qu’il aurait pu tenir s’il avait eu le temps. Là, il abrégeait. Mais le Français ne devait rien trahir et restituer l’esprit et la vérité de ces minutes étranges, de ce déballage d’un homme qui va peut-être mourir. Qui s’efforce de tout dire, comme pour se faire pardonner. Ashe devait agir comme un bon journaliste qui, s’il enrichit un peu la réalité brute d’une confession sèche, rapporte bien les événements tels qu’ils se sont déroulés. Son rapport, ce récit remanié, allait beaucoup servir à Ange Cattrioni pour les suites judiciaires de cette affaire. Il continuait donc à mémoriser :
…Je ne regrette pas d’avoir tué Colin Philippoussis. C’était un petit con, il foutait le bordel partout où il passait, je l’avais appris récemment. Et à Deadwood Lake, ses frasques et ses bagarres incessantes avec d’autres mineurs commençaient à indisposer tout le monde…
Je n’avais pas l’intention d’arriver à cette extrémité. J’étais là-bas pour les négociations secrètes avec les Aborigènes. Je n’y participais pas directement, c’est l’un de mes directeurs qui s’en chargeait. Pas Tacchini-Brown, celui-là on commençait déjà à s’en méfier, il était resté à Perth. Il a été fou de rage quand il a su qu’on négociait sans lui. Normalement c’était son job. Mais il jouait un jeu dangereux, alors on l’avait mis provisoirement sur la touche. Dans l’après-midi, la discussion avait mal tourné et devant leurs exigences de plus en plus chimériques, j’avais décidé de les foutre à la porte, de leur dire de quitter Deadwood Lake. Ils sont partis sans demander leur reste, la queue basse…
J’étais très énervé, je n’étais pas sûr que c’était une bonne chose, cette rupture des négociations, ils allaient peut-être tout lâcher dans la presse. On ne sait jamais comment ça peut tourner après ça. La nuit suivante je suis allé me promener. J’avais besoin de retrouver mon calme, de me passer les nerfs en marchant dans le désert, sous l’immensité du ciel pur…
Je me souviens précisément de tout. J’étais passé par le mess et j’avais vu le bordel qui s’était installé. Tout le monde était sur les nerfs à cause de la visite des Noirs. Je ne savais pas encore que c’était le petit Colin qui avait provoqué le désordre mais je m’en doutais et ça ajoutait à mon irritation. Les mineurs devaient ressentir l’électricité qui émanait de l’atmosphère après le renvoi des Abos…
J’étais seul au bord du cratère. Je regardais le fond du trou. C’est de là que sort le minerai, là où l’on va le piocher. Vous vous rendez compte du travail que ça représente pour extraire tout ça ? Pour l’envoyer ensuite aux quatre coins de la planète, dans tous les pays du monde ? Cela commençait à me calmer d’imaginer que nous fournissions toutes leurs usines, que sans nous, le monde s’arrêterait de tourner. Et comme toujours cette balade sous les étoiles m’apaisait. La marche dans le sable. La lune s’était levée et on voyait bien tout ce que nous avons fait depuis que mon père a découvert tout ça… Notre œuvre.
J’en étais là quand ce petit imbécile est arrivé. Il ne savait pas qui j’étais. Quand je suis à la mine, je me fonds dans le paysage, je reste seul et je ne crois pas que beaucoup d’ouvriers savent qui je suis. Ils devinent bien que je ne suis pas des leurs mais ils n’imaginent pas que tout ça m’appartient. Que ce trésor est à moi. Philippoussis pas plus que les autres. Il devait penser que j’étais un ingénieur. Il m’a abordé et il a commencé à me parler, ce que je déteste quand je me promène la nuit. Surtout ce soir-là…
Il avait la gueule en sang, il s’était fait amocher par les autres qui n’en pouvaient plus de ses ivresses et de ses vantardises. Ils lui avaient réglé son compte mais c’était encore une petite raclée et il ne devait pas sentir grand-chose avec tout l’alcool qu’il avait bu. Il a commencé à me faire chier, à se plaindre et à gémir, à me dire qu’il n’en pouvait plus de la mine et des mineurs, à se vanter de l’argent qu’il avait accumulé… C’en était trop…
Nous étions au bord du gouffre, au bord de ces marches de géant qui descendent en spirale jusqu’au minerai. Il n’était pas très solide sur ses jambes et je me promenais avec un outil à la main, une sorte de long marteau qui me sert de canne et qui peut m’aider face à un serpent venimeux ou un iguane trop gourmand… Soudain je lui ai hurlé dessus et je l’ai un peu bousculé avec cette espèce de piolet. Il a été surpris et il a reculé. Il est tombé en arrière quelques mètres plus bas… Il devait être blessé, une jambe cassée peut-être car je l’avais vu retomber sur ses pieds. Maintenant il gueulait même si ses hurlements se perdaient inutilement dans le vide infini et que personne ne pouvait l’entendre… Ça me vrillait les tympans. Je n’en pouvais plus de cet insecte malfaisant, de ce grain de sable qui grippait le bon fonctionnement de mon entreprise…
Alors tout s’est mis à bouillonner dans ma tête… Je me souvenais de ce que m’avait dit Stadler en début de soirée au téléphone à propos de quelque chose qui pourrait effrayer les Aborigènes, enfin tout ça n’était pas très précis dans mon esprit mais il y avait ces images qui tournaient, tournaient, un carrousel affolant… Les Abos qui quittaient la mine avec leur air intouchable. La peur qu’il fallait instiller, les frasques du petit Grec…
En quelques enjambées je me suis retrouvé au-dessus de lui. Les images se superposaient avec ma colère. Je l’ai fracassé… J’ai commencé à le frapper avec le gourdin, il a perdu connaissance, le sang coulait… Je ne pouvais plus m’arrêter… Et puis je l’ai traîné jusqu’à une clôture du camp, jusqu’à une barrière dont j’avais une clé. Je l’ai laissé un peu au-delà, dans un fourré, à peine caché… Je savais qu’on le découvrirait tôt ou tard…
J’étais calmé. J’ai jeté la canne dans un trou, un vieux puits de mine, beaucoup plus loin, je ne pensais pas qu’on la retrouverait. Quand j’ai appris qu’elle était réapparue, j’ai su que j’avais commis une erreur… Je suis rentré et j’ai téléphoné à Stadler mais je ne lui ai pas raconté ça. Je l’ai assuré que je m’étais bien débarrassé de mon outil et que personne ne le trouverait jamais…
Lee n’a pas dit grand-chose, je sentais bien qu’il pensait que j’avais fait une connerie. Pas d’avoir tué Philippoussis mais de l’avoir fait moi-même. Il avait peur que les policiers remontent jusqu’à moi… Je l’ai rassuré en lui disant que je savais comment faire pour que la police ne soit pas trop curieuse. Je savais qu’il réfléchissait déjà au parti qu’on pouvait tirer de ce cadavre égorgé et défiguré. Je ne lui ai rien demandé…
Je ne sais pas ce qu’il a fait après. Il y avait des types à lui à la mine à ce moment-là, peut-être le routier Albury, celui qui traverse le continent bourré jusqu’à la gueule d’amphètes et prêt à toutes les besognes. Ainsi, si la police avait été plus perspicace ou si elle avait fait son travail normalement, elle se serait aperçue que la main et les organes génitaux n’avaient pas été découpés au moment du meurtre mais des heures après, au cours de la nuit…
Plus tard, Stadler m’a dit que cette mutilation foutrait la trouille aux Blacks qui ne comprennent pas notre violence, celle qu’on se fait entre nous les Blancs. Et si les infos, habilement distillées, commençaient à filtrer, c’était bon pour retourner l’opinion contre eux. Tout le monde penserait que c’était leur vengeance. Après avoir été congédiés de la mine et des négociations… Nous n’en avons plus reparlé mais je savais qu’il allait dans la bonne direction.
Il fallait aussi que, dans l’esprit de l’opinion publique, tout se mélange et se simplifie à propos des Aborigènes. Leur paresse, leurs violences conjugales, leurs initiations cruelles, les mutilations, leur révolte permanente et muette, leur hostilité, leur force maintenant que le gouvernement les chouchoute et leur demande pardon. Pour cela il fallait que tous les meurtres, et peut-être d’autres à venir, se ressemblent. La bite coupée, c’était parfait ! Cela parlait aux tripes, ça foutait la trouille et ça rejetait dans l’ombre toutes les petites différences dans le modus operandi des homicides….
Il fallait aussi que le flou continue à régner sur les circonstances de ces morts étranges. Éloigner le plus possible les rares témoins. C’est pourquoi nous avons fait peur à l’étudiant de Melbourne. Lui ôter l’envie d’être trop curieux. Nous n’avions aucune raison de le faire disparaître, simplement l’effrayer… D’autant qu’il vous avait rencontré, M. Ashe. Nous le savions, nous savions beaucoup de choses sur vous, vos faits et gestes. Lorsque vous êtes venu ici même à Greys ou que vous rencontriez l’étudiant à Melbourne, que vous vous promeniez dans le quartier de Chapel Street… Et oui, un de mes hommes était là, je crois que vous ne vous en êtes jamais aperçu de nos filatures… Un jour Stadler m’a proposé de vous éliminer, vous deveniez trop curieux. Mais il pensait aussi qu’on pouvait vous utiliser, alors… L’enlèvement de l’étudiant était un petit message pour vous faire savoir qu’une menace rôdait autour de vous… Et si officiellement vous confirmiez à la police le côté rituel des meurtres, cela aussi pourrait nous servir. Bonus.
Andrew Tacchini-Brown, ah ! Lui il nous a pris par surprise. Le hasard, toujours. Vous croyez au hasard, Messieurs ? Moi pas trop. Tacchini participait à la négociation, tout au moins au début. Jusqu’à ce qu’on s’aperçoive qu’il jouait un double jeu. Il ne défendait pas les intérêts de la société. C’est lui, en tant que directeur financier, qui faisait les comptes. Qui disait ce qu’allait nous rapporter l’accord que nous allions être obligés de signer avec eux un jour ou l’autre. Et on s’est aperçus qu’il trichait. L’accord devenait de plus en plus favorable aux Aborigènes. Il nous avait trahis…
Heureusement nous savions tout de sa vie, de ses petits secrets. Son divorce, ses virées nocturnes… Cela nous donnait un moyen de pression sur lui. Mais quand nous avons essayé de l’intimider, il a dit qu’il s’en foutait, qu’on pouvait raconter ce qu’on voulait, il se croyait intouchable ou que nous n’oserions pas … Incroyable ! Mais nous savions aussi qu’il fréquentait un jeune Aborigène. D’ailleurs vous, M. Cattrioni, vous étiez en train d’arriver aux mêmes conclusions, nous le savions. Nous suivions M. Ashe mais nous surveillions aussi les policiers comme vous… par exemple lorsqu’ils venaient enquêter jusque sur les paliers des étages directoriaux de Forest Hill Metal Ltd… Vos questions, vos insinuations… Mais vous, vous y êtes arrivés plus tard à ces conclusions. Trop tard, il était déjà mort… Il avait été assassiné dans la nature sauvage de King’s Park, à un kilomètre à peine du cœur de la City. Par qui ?
Ah ! Vous aimeriez bien le savoir, bien sûr. Je vous le dirais si je le savais moi-même. Mais je n’en suis pas sûr. À partir de là en effet, la machine avançait toute seule. Nos amis motards faisaient ce qu’il fallait. Les journalistes commençaient à discerner le côté extraordinaire des meurtres. Sauf que jusqu’à présent le ou les tueurs ne s’étaient attaqués qu’à des petits, des sans-grades. Bûcheron, routier, mineur. Pas aux représentants de l’élite de la société blanche qui se sentait encore à l’abri. Il fallait que cela cesse… Tacchini-Brown, avec ses imprudences et son arrogance, venait à point nommé…
Là, j’aimerais laisser la parole à mon ami Stadler… J’aimerais bien qu’il vous raconte comment ça s’est passé, il en sait beaucoup plus que moi. Je lui faisais confiance, je ne voulais même pas savoir comment il s’y était pris, les détails matériels tout ça… D’ailleurs, en tant que grand patron et propriétaire des mines, je devais rester à l’écart pour cette histoire qui concernait un de nos dirigeants, l’un des plus brillants. Mais qui avait le tort de nous avoir trahis… Il n’aurait jamais dû, jamais…
J’aimerais beaucoup laisser parler Lee maintenant que mes forces déclinent. Je commence à avoir du mal à articuler, encore plus à rassembler mes idées et à trouver les mots. Je le fais avec l’énergie du désespoir, sans m’agiter parce que je sais qu’un antipoison peut encore me sauver… Que vous allez faire venir les secours. Je ne sens plus mon côté gauche. Tout à l’heure c’était le bras mais maintenant c’est tout mon flanc qui est insensible, ma jambe remue à peine… Ah oui ! Il faut que j’aille plus vite, encore plus vite… Je vais vous résumer la fin. Si seulement Stadler pouvait m’aider…
Non, il ne veut pas, je m’en doutais. J’ai toujours pensé qu’il me trahirait un jour, je le connais… Il est ambitieux. Ambitieux et secret. Est-ce qu’il me jalousait ? Hein, est-ce que tu me jalousais ? Tu jalousais toute cette fortune ? Probable, quand je te vois maintenant incapable de venir à mon secours, incapable de prendre ta part dans ce projet que nous avons conçu et mis au point ensemble…
Oui, Messieurs, Stadler connaissait Alistair. Je ne sais pas comment… Ses liens avec les communautés, les trafics des bikers pour les fournir en alcool, pour les maintenir ainsi dans leur médiocrité et leur misère… Tout ça, je ne veux pas le savoir. Alistair Garrison, le fils de cette femme qui me réclame de l’argent. Elle prétend qu’elle est la fille de Jack Cockburn, mon père. Elle serait ma demi-sœur ? Je ne l’ai jamais cru. Je ne veux pas le croire. Je ne veux pas savoir ce que le patriarche qui vient de mourir – paix à son âme – faisait dans sa jeunesse avec les femmes aborigènes. Il ne les aimait pas plus que moi… Stadler m’avait dit que mes ennuis avec cette femme allaient bientôt cesser. Que comptait-il faire ? La réduire au silence, sûrement… Mais comment ? Oh, je m’en doute ! Lee est toujours partant pour les solutions radicales…
Je lis dans ses yeux qu’il nie tout, comme il le niera tout au long du procès que vous allez lui faire. Il ne pourra pas nier la possession de drogues et des armes que vous avez trouvées… Et oui ! Je suis au courant, je ne devrais pas, je sais. Mais j’ai mes sources… Vous devriez mieux surveiller vos policiers M. Cattrioni. Certains ou certain – un seul suffit – me renseigne. Juste me renseigner. Sur votre raid chez les Rock Rebells par exemple. La presse n’en parlera que ce soir ou demain mais moi j’étais déjà au courant dès cette nuit… C’est pour ça que ça ne m’a pas étonné que Stadler m’appelle au secours. Ma deuxième erreur. J’ai cru qu’il était seul puisqu’il était réfugié ici. Je croyais qu’il avait besoin que je le sorte d’un guêpier et je suis tombé dans votre piège…
Fucking snake, ça fait de plus en plus mal… Vous voyez bien que je ne triche pas, je vous dis tout ce que je sais et je souffre vraiment, Putain ! Qu’est-ce que ça fait mal dans ce bras qui s’engourdit quand même…
Je sais ce qu’il pense, ce que vous pensez peut-être Messieurs… Que je délire, que tout ce que je raconte est une invention, un tissu de mensonges, que je vous dis tout ça, que j’en rajoute même, pour que vous me sauviez la vie… Oui, Stadler dira plus tard que c’étaient les propos d’un homme gagné par la fièvre, en train de délirer…
Je m’en fiche maintenant, je sais que je n’ai plus beaucoup de chance, que je vais sans doute crever… Alors autant que vous sachiez tout.
C’est Stadler et ses motards qui ont tué Tacchini-Brown. Comment ont-ils fait ? Je n’en sais rien….
Ce que je sais c’est que l’un des bikers en qui Alistair avait un peu confiance a persuadé le jeune homme aborigène d’amener Andrew Tacchini-Brown à King’s Park cette nuit-là. Pour une soi-disant rencontre secrète avec les dirigeants aborigènes. Il leur a fait croire, à Andrew et à Alistair, qu’ils allaient pouvoir se mettre d’accord avec eux. Un accord secret. Ils ont d’ailleurs réussi à ce que Christopher Narongi passe par là. Pour rendre toute l’histoire plus véridique… Et puis ils ont éloigné Alistair Garrison. Et ce ne sont pas les Aborigènes qu’atb a rencontrés ce soir-là… C’est son destin, le point final…
Qui l’a fait ? Je ne sais pas, Stadler pourrait sûrement vous le dire mais il ne le fera pas, il me trahira jusqu’au bout. C’est peut-être lui-même, non ? En tout cas, moi, je n’y étais pas. Mais le boulot a été bien fait. Un meurtre identique aux autres, en tous points. Y compris les détails scabreux, évidemment…
Et la machine médiatique a continué à s’emballer. Et vous savez comment ça se passe, elle est impossible à arrêter de nos jours. Même si nous l’avions voulu – et ce n’était pas le cas bien sûr – on ne pouvait plus contrôler les journalistes… Les meurtres se ressemblaient mais ils ne pouvaient être l’œuvre d’un homme seul, d’un serial killer ou d’un maniaque. Ils avaient eu lieu simultanément ou presque aux quatre coins du pays, c’était impossible donc, ce ne pouvait être que le fait d’une organisation supérieure…
Juste laisser faire les journalistes qui n’aiment pas beaucoup les Blacks non plus. Ils ont relancé la campagne sur l’agitation dans les communautés, l’incapacité des Aborigènes à vivre correctement, les abus d’alcool et de drogues et la peur qu’ils font régner sur une ville comme Alice Springs… chez eux… enfin ils pensent que c’est chez eux… Donner l’impression qu’ils deviennent menaçants, que la menace pourrait surgir au cœur de Sydney, à Redfern par exemple, au cœur des grandes villes et s’étendre à toutes les autres… Je dois dire que c’est en Australie-Occidentale que ça a le mieux marché. Peut-être parce que nous sommes plus isolés ici et plus proche des communautés du désert… Dire tout cela et le redire… Nous étions sur la bonne voie…
Évidemment, c’était sans compter sur des éléments impossibles à maîtriser. Comme vous M. Ashe ou comme le jeune Black, celui que vous rencontriez de temps en temps, cet Alistair… Nous savions que vous aviez été ensemble à Melbourne, nous n’aimions pas beaucoup ça. Difficile d’apprendre ce que voulait faire Alistair en vous cherchant… Il était furieux, très en colère… Je ne crois pas qu’il était tellement attaché à ce monsieur Tacchini-Brown. C’était un Blanc et il n’était pas sûr de sa loyauté envers les Aborigènes. Mais quand il a appris qu’atb avait été assassiné, il est devenu fou. Il croyait que c’étaient des gens de sa communauté qui l’avaient tué. Normal il l’avait amené lui-même au rendez-vous de King’s Park… Alors, il a cherché à en savoir plus… Enfin, sur tout cela, je ne peux faire que des hypothèses parce qu’à partir de là tout est devenu incontrôlable… Nous avions du mal à suivre et la mort de Christopher Narongi nous a pris par surprise…
C’est Alistair qui l’a tué. Cela vous surprend, hein ?
Voici ce que j’en sais. Il s’est renseigné à droite à gauche. Il avait vu Narongi passer avant de laisser Tacchini seul à King’s Park et il a fini par être persuadé que le leader aborigène avait tué son ami. Il a voulu s’en expliquer avec Christopher Narongi. Il ne l’aimait pas trop, même s’il le respectait. Ils étaient de la même ethnie, la même communauté, je crois. Il lui en voulait depuis longtemps parce que c’était ce même homme, son aîné, qui avait dirigé les cérémonies d’initiation, lorsqu’il était adolescent. Il n’avait pas oublié, il n’oublierait jamais de toute sa vie ces rites où on les mutilait, où on leur incisait le sexe. Marqués à vie. Les cicatrices se referment très lentement, peut-être jamais pour ce genre de choses. Et si certains l’acceptent, d’autres en gardent une rancœur infinie… Vous pouvez le comprendre, nous pouvons tous le comprendre…
Tout cela s’est sans doute mélangé dans son esprit avec la responsabilité de la mort de son copain Andrew. Enfin copain… Bref, il a voulu s’expliquer avec Narongi, une nuit, dans un endroit tranquille… La carrière. On sait qu’ils se sont battus et que le leader aborigène est tombé de la falaise… Après, les petites blessures, elles ont été faites par nos soins, bien sûr. Les Aborigènes sont cruels entre eux, n’est-ce pas… Il fallait le faire savoir. Tout cela a été révélé au fur et à mesure par les journaux. Et la police scientifique sait que la mutilation sexuelle a été faite après la chute, n’est-ce pas M. Cattrioni ? Vous ne le saviez pas ? C’est que vos services ne font pas bien leur boulot…
Mais il fallait encore contrôler Alistair car il devenait dangereux. Il aurait même pu se livrer à la police et raconter des choses qu’elle n’a pas besoin de savoir. Alors nous l’avons “exfiltré” comme on dit. On l’a ramené dans un coin tranquille, ici même, à Greys. Non sans lui avoir fait comprendre qu’il s’était trompé, que ce n’étaient pas les gens de sa race qui étaient responsables de la mort de Tacchini, sans lui dire que les coups avaient été portés par nous, bien sûr…
Il ne l’a pas supporté, semble-t-il. On l’avait laissé seul dans cette cabane, là-bas, un peu plus loin, le temps qu’il se calme… Il a réglé le problème tout seul… ! Ainsi tout s’arrangeait, nous étions sur la bonne voie… jusqu’à cette nuit…
Voilà ! Je vous ai tout dit, vous pouvez appeler l’ambulance… Je ne sens presque plus mon corps… Juste la douleur, dans tous mes os, dans tous mes nerfs, c’est atroce… Je n’arrive même plus à… parler…
À ce moment-là, ils ont entendu la sirène, ils se sont tous tournés vers l’entrée du camp. La sirène de l’ambulance. Elle avait mis moins de temps que le PO ne le pensait. Il avait évidemment alerté les paramédicaux avant le début même de la confession. Il avait bluffé pour faire avouer le fils Cockburn. À peine l’avait-il tenu à sa merci, juste après que les mâchoires du serpent s’étaient refermées sur son bras, il s’était éloigné pour composer le numéro d’urgence et demander à l’ambulance de faire le plus vite possible. À cet instant, il n’imaginait même pas que Jack Jr tomberait si facilement dans le piège. L’héritier avait même eu le temps d’arriver au bout du récit de ses forfaits, un récit qu’il faudrait mettre en forme avec l’aide d’Ashe, ce récit qu’ils avaient tous maintenant à l’esprit et qui comblerait les vides d’une confession hachée, faite dans la fièvre et la précipitation…
Déjà les infirmiers avaient placé la victime du venin sur un brancard. Ils n’oubliaient pas de ramener les restes du reptile. Cela leur permettrait de savoir très vite quel était le meilleur antipoison à administrer. En quelques minutes, Paterson, Ange Cattrioni et Ashe se retrouvèrent seuls avec Lee Stadler toujours aussi silencieux. Le soleil était presque à son zénith et la chaleur devenait difficilement supportable. Ils s’en aperçurent lorsqu’ils regagnèrent les voitures. Sur le sable chaud, quand ils gravissaient les dernières dunes, leurs pieds pesaient des tonnes, ils transpiraient abondamment et les quelques boissons tièdes qui leur restaient étaient bien insuffisantes pour étancher leur soif.
Et leur amertume.
Cattrioni avait déjà tout compris de ce qui allait se passer maintenant.
Un milliardaire mourant ou diminué, un gangster muet, un procès tronqué. Des preuves sans arrêt contestées par des avocats grassement payés. Une presse muselée. Des peines minimales. Des Aborigènes spoliés une fois encore.
La solidarité des élites blanches, quels que soient leurs forfaits.
Et tout rentrerait dans l’ordre.