Chapitre 28
Derrière ses lunettes cerclées, il avait pu observer l’homme un long moment. Le gars, après avoir erré d’une dune à l’autre, était même passé tout près de lui comme s’il flairait quelque chose. À ce moment-là il était resté le plus immobile possible dans le bungalow. Il avait veillé à ne faire aucun bruit et l’obscurité de la pièce le protégeait.
Après, il avait tenté de sortir discrètement, peut-être de le suivre mais il avait finalement renoncé. Il n’avait pourtant fait aucun bruit, il était resté caché derrière une citerne basse mais l’autre s’était retourné. Il avait même cru qu’il était démasqué, qu’il n’allait pas s’en sortir comme ça.
Il avait eu peur aussi quand l’homme était passé près du garage, à l’entrée du camp. Enfin, ce qu’il considérait comme son garage, juste un abri de tôle. Il y avait caché la moto. Il était sûr de l’avoir bien planquée, que personne ne pouvait la voir. Il y avait veillé ce matin en arrivant. Pourtant l’autre avait tourné autour un bon moment comme s’il reniflait quelque chose. Une odeur d’essence fraîche ? Non, la moto était là depuis plusieurs heures, c’était impossible, le vent avait tout dispersé dans l’air marin depuis longtemps. Le gars avait même crié.
Et depuis tout ce temps il attendait, il l’observait. Tous les sens en alerte, surtout la vue. Il s’était même muni de jumelles.
Un moment, il crut que le type renonçait. Il en avait été dépité. L’autre repartait vers l’entrée du camp comme s’il abandonnait la partie, comme s’il avait fait fausse route, comme si Greys ne l’intéressait plus. Il avait serré les dents, s’était dit qu’il allait devoir rester là des heures interminables et vides. Peut-être plusieurs jours. Il n’en avait pas envie mais il s’y était préparé. Il fallait que ça se passe. Et puis l’homme avait recommencé à fouiller et il s’était senti mieux. Un soulagement, comme quand on ouvre la bouche après une longue apnée.
La chaleur n’était pas gênante, pas encore. Pas comme en été lorsque le soleil tape sur les tôles comme un marteau sur la tête. S’il devait rester, en revanche, il aurait froid la nuit, même avec son cuir. Il essaierait de trouver des couvertures quelque part. Il n’avait pas le choix.
De toute façon, ils avaient vu juste. L’homme se dirigeait maintenant vers le bout du camp, il prenait la direction qu’il fallait.
Il le suivait aux jumelles et c’était jouissif de voir qu’instinctivement il se dirigeait là où ils voulaient. À vrai dire ce n’était pas très difficile à deviner tant la maison, la toute dernière, était différente des autres. Bien fait.
Maintenant il ne lui restait plus qu’à quitter les lieux le plus discrètement possible sans que le gars le surprenne. Mais il avait le temps et tout l’espace de ces dunes immenses. Un énorme terrain de jeu, un gigantesque jeu de cache-cache.
Il ne lui restait plus que ça à faire puisque l’autre approchait de la cabane, la toute dernière.
Et qu’il allait voir.