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— On est prêtes. Ça y est.

— Je ne sais pas si tu te rends bien compte de ce que tu fais.

— Si justement. Et c’est pour ça que je vais le faire.

— Tu crois vraiment que tu vas oser ?

— Oui, et au cas où tu l’aurais oublié je ne serai pas seule. On va faire ce qu’on a dit, toutes ensemble. Toi comprise.

— Oui, oui, ne t’inquiète pas. J’ai donné mon accord. Mais c’est toi qui seras en première ligne. Tu as l’air bien sûre de toi, mais... je ne sais pas si tu iras jusqu’au bout.

Sophie réfléchit avant de répondre à Béatrice. Dans la vie, c’était toujours comme ça. Il y avait ceux qui voulaient faire des choses et ceux qui essayaient toujours de les en dissuader. Ceux qui voulaient soulever des montagnes même s’ils voyaient bien qu’elles étaient plus grosses qu’eux, et ceux qui sans cesse leur en rappelaient la hauteur au lieu d’en voir le sommet. C’était fatigant.

— Écoute, Béatrice, libre à toi de te retirer. Je ne t’oblige à rien, mais tu n’arriveras pas à me faire changer d’avis. On a mis deux jours entiers à s’organiser et, des filles de la boutique à Michèle et Claudine, elles sont toutes enthousiastes pour aider le frère de Chantal. Ça n’a pas été simple de leur faire entendre raison, surtout Michèle et Claudine qui ne juraient que par leur syndicat. J’ai réussi à les convaincre que pour cette affaire ce n’était pas la bonne voie. Alors maintenant je ne lâcherai pas ! Tu entends ! Je ferai ce qu’on a décidé. Et toi ? Décide-toi maintenant ou pars, après on ne revient plus en arrière, je te préviens.

Béatrice hésita. Sophie était si incontrôlable parfois. Quand elle voulait accomplir une chose à laquelle elle croyait, elle ne s’embarrassait pas des obstacles qui se dressaient devant elle. Elle avait tendance à faire comme s’ils n’existaient pas. Béatrice aurait bien déclaré forfait, mais elle était trop concernée par cette histoire pour s’en désolidariser aussi facilement.

— Je ferai comme on a dit mais j’ai quand même le droit de m’interroger, non ? Ce n’est pas simple, ce qu’on va faire.

— Ne te pose plus de questions et ne traînons pas. On a rendez-vous dans deux minutes à la manucure, puis on enchaîne avec le coiffeur et le maquillage. Pour l’arrivée à New York et pour ce qu’on a à faire, on doit être calmes et belles. Irréprochables !

— À quelle heure on arrive exactement ?

— Vers midi et demi, une heure, par là.

— Et nos robes ?

— Chantal nous les apporte dès qu’elles sont prêtes. Elle les pose sur le lit où on les trouvera au retour du maquillage.

— Tu crois que la Michèle les aura repassées ?

— Mais bien sûr. Je te répète qu’elle a bien compris qu’on fait tout ça pour Chantal et elle va suivre, t’inquiète pas.

— Et les autres ?

— Je ne me fais pas de souci pour les autres non plus. Béatrice leva les yeux au ciel. Avec Sophie les gens étaient toujours aimables et parés des meilleures intentions. Elle voyait le meilleur plus que le pire.

— Aucun souci, aucun souci, c’est vite dit... grinça-t-elle.

— Arrête ! On file sinon on va être en retard. Sors, je ferme.

Béatrice respira un grand coup et sortit en se demandant pour la énième fois ce qu’il lui avait pris le premier soir, sur cette terrasse, de jeter une bouteille de Champagne à la mer. Si elle avait su !