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— Tu as vu comme ils sont agressifs ! dit Béatrice en s’éloignant. Ils sont incapables de parler d’autre chose que de travail.

— Surtout du leur, corrigea Sophie. Comme s’il était urgent d’aller chercher midi à quatorze heures sur ce bateau. Ils font du zèle, comme toujours.

— Pourquoi tu leur as dit que tu avais assisté à l’accident du passager cette nuit ? C’est vrai ?

— Penses-tu, j’ai dit ça pour les faire taire. Et toi ? Tu as dit que tu écrivais un papier alors que je t’ai vue dormir. C’est à cause de cet idiot de photographe qui voulait laisser croire que tu avais passé la nuit avec lui ?

— Oui. Quel menteur, celui-là. Sous-entendre qu’il s’est passé plein de choses alors qu’il n’y a rien eu de plus qu’un petit flirt sur la terrasse. Quel goujat !

— Laisse tomber, passons à autre chose. On n’a qu’à les éviter. Et la prochaine fois que tu bois un peu trop de Champagne, ne le bois pas avec n’importe qui. Viens, allons nager.

Béatrice s’étonna de ce désir soudain. Elle savait que Sophie n’aimait pas particulièrement l’eau.

— Tu es sûre de vouloir nager à cette heure ?

— Mais oui, il faut profiter de tout !

Sophie se disait que l’eau la calmerait. Elle fulminait. Des inconnus qui se trucident dans les couloirs, des confrères qui se prennent pour Albert Londres, des séducteurs menteurs et manipulateurs ! Pas question de se laisser gâcher le voyage ! Elle décida de ne plus rien dire, de ne plus rien entendre et de ne faire qu’une seule chose : vivre entièrement le plaisir d’être là. Il restait quatre jours de traversée, il fallait fuir impérativement toutes ces complications.