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– Sauvez-moi, inspecteur ! implora Adonis Forsyte en se relevant. Cette furie veut me tuer !
Kathryn Root fit presque aussitôt son apparition, armée d’un casse-tête africain.
– Vous devez me protéger, exigea-t-elle tonitruante. Cet ignoble personnage m’a agressée !
Levant le casse-tête, elle l’abaissa violemment dans la direction de l’explorateur qui esquiva le coup en se protégeant le crâne avec une casserole qu’il avait décrochée.
– Vous êtes devenus fous ! hurla la comtesse, s’interposant entre le notaire et l’explorateur.
La fureur des deux combattants s’apaisa, mais leurs regards restaient chargés de haine.
– Pourrais-je m’enquérir de la nature de votre différend ? demanda Higgins avec calme.
– Cette virago m’a traité d’assassin ! affirma Adonis Forsyte, outré. Elle veut me supprimer !
Kathryn Root brandit son arme.
– Si vous continuez à mentir, Adonis, je me défendrai !
– Allons jusqu’au salon du Lotus bleu, exigea Higgins. Nous y serons plus tranquilles pour vider cette querelle et en éclaircir les causes.
Ce fut au tour du superintendant Marlow, essoufflé, de pénétrer dans la cuisine.
– Je n’ai pas pu les retenir, expliqua-t-il à Higgins. Ils ont commencé par se battre à coups de poing après s’être insultés et mutuellement traités de criminels, puis Forsyte a rompu le combat.
– Je refuse de frapper une femme, indiqua ce dernier, j’ai préféré prendre la fuite.
Higgins fit deux pas en direction du notaire qui contenait à grand-peine sa colère.
– Remettez-moi votre arme, maître Root. Tâchons d’éviter un regrettable accident.
Kathryn Root jeta le casse-tête sur le dallage de la cuisine. Les résonances du choc durèrent d’interminables secondes.
– Ne nous attardons pas ici, recommanda Scott Marlow. Le docteur Fitzgerald et le baron Breakstone sont restés seuls. À deux, ils sont capables de se défendre. Mais si l’homme que nous recherchons est un professionnel, il pourrait leur jouer un mauvais tour.
La prédiction du superintendant ne fut pas longue à se réaliser. Alors que les deux policiers, accompagnés de Kathryn Root, d’Arabella von Rigelstrand et d’Adonis Forsyte se trouvaient à mi-chemin du salon du Lotus bleu, un souffle violent éteignit la flamme des bougies que tenaient Scott Marlow et la comtesse.
Un cri de panique déchira les ténèbres.

*

Ce fut le baron Breakstone qui éclaira le couloir quelques instants après l’incident. Paniqué, il courait de droite et de gauche. La flamme de sa bougie vacillait, risquant de s’éteindre à chaque instant.
– La comtesse ! La comtesse est morte !
Arabella von Rigelstrand était étendue de tout son long sur le dallage du couloir. À côté d’elle, un poignard malais ensanglanté.
– Laissez-moi passer ! exigea le docteur Fitzgerald, bousculant Scott Marlow et l’explorateur.
Il s’agenouilla aussitôt, examinant le corps de la malheureuse. Le baron, haletant, se pencha pour l’éclairer. Près de la jambe droite d’Arabella von Rigelstrand, sa bougie écrasée. Scott Marlow, abasourdi, constata qu’on lui avait dérobé la sienne.
– Grâce à Dieu, conclut Patrick Fitzgerald, Arabella n’est pas morte. Choquée… et blessée. Une éraflure à l’épaule. L’assassin l’a manquée de peu.
– Donnez-lui ça, proposa Adonis Forsyte, sortant de sa poche un flacon contenant un liquide jaunâtre. Ce sont des sels africains qui réveilleraient un mort.
– Gardez ça pour vous ! intervint le baron Breakstone, cassant.
Higgins s’était placé un peu en retrait, de manière à pouvoir observer l’ensemble de la scène et les réactions des personnes présentes.
– Que se passe-t-il ? demanda Thereza Fitzgerald, affolée.
– Mais… d’où sortez-vous ! s’étonna le superintendant. J’avais fermé votre porte à clé !
– Elle était ouverte.
– La comtesse revient à elle ! annonça le baron Breakstone.
Effectivement, Arabella von Rigelstrand avait ouvert les yeux. Patrick Fitzgerald lui souleva doucement la tête, puis l’aida à se redresser sur le côté et à se mettre debout.
– Comment vous sentez-vous, Arabella ?
– Étourdie, répondit-elle d’une petite voix.
– Qui vous a agressée, comtesse ? demanda Higgins.
– Je l’ignore. Brusquement, ce fut le noir total. Quelqu’un m’a frappée, j’ai ressenti une brûlure à l’épaule, ma tête a violemment heurté le mur et je me suis évanouie. Rien de plus.
Le baron Hyeronimus Breakstone prit Higgins à partie.
– Il faut arrêter cet assassin, inspecteur ! Il va nous tuer tous, si nous ne faisons rien !
Higgins demeura de marbre. Scott Marlow réagit à sa place.
– Ne nous séparons plus et attendons le lever du jour. Il n’y a pas d’autre solution.
Thereza Fitzgerald s’était réfugiée dans les bras de son mari. Elle lui marmonna quelques mots à l’oreille. Patrick Fitzgerald, abasourdi, la repoussa.
– Thereza a raison, dit-il, articulant avec peine. Où est Kathryn Root ? Où est-elle ?
Chacun regarda autour de lui. Maître Root avait effectivement disparu.
– Il faut la retrouver, tout de suite ! exigea le baron Breakstone. Elle était ici, voilà un instant ! Elle ne peut pas être loin.
– Il doit y avoir des passages secrets dans cette maison, indiqua le docteur Fitzgerald.
– Le seul à les connaître, ironisa Adonis Forsyte, c’était Aldebert. Sans lui, on est aveugles.
Les trois crimes de Noël
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