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– Quelqu’un d’autre ? s’étonna Scott Marlow, contaminé par la panique évidente du baron Breakstone. Quelqu’un qui se serait caché dans cette maison ? Un complice d’Aldebert ?
Chacun regardait le baron avec une attention inquiète.
– Oui, superintendant, un complice d’Aldebert… Il s’est débarrassé de lui et, à présent, il nous menace tous !
Thereza Fitzgerald poussa un petit cri. Arabella von Rigelstrand considérait son mari avec stupéfaction.
– Cela change tout, admit Scott Marlow. Il faut fouiller cette maison de fond en comble ! Nous ne pouvons pas admettre pareil danger au-dessus de nos têtes ! Qu’en pensez-vous, Higgins ?
– Excellente idée, superintendant. La présence de cet assassin encore inconnu expliquerait beaucoup de points délicats, en effet.
– Comment allons-nous nous protéger ? s’inquiéta Patrick Fitzgerald. Cette maison est immense ! Le tueur peut se dissimuler n’importe où, nous agresser par surprise !
Higgins lissa sa moustache poivre et sel avec lenteur et précision.
– Nous voilà effectivement confrontés à un subtil problème de stratégie. Comment agir au mieux ?
Scott Marlow, malgré sa qualité de superintendant du Yard, n’ignorait pas la peur. Mais elle ne le paralysait pas au point de le faire manquer de courage. Placé au cœur d’une tempête, il savait trouver les ressources nécessaires pour y faire face. À la guerre, Scott Marlow s’était même comporté en héros. Seule sa modestie naturelle l’empêchait de porter ses décorations.
– Ne nous dispersons pas, décida-t-il. Je suis armé, M. Forsyte également. Que M. et Mme Fitzgerald explorent le rez-de-chaussée en compagnie d’Adonis Forsyte. La comtesse von Rigelstrand et maître Root inspecteront les chambres avec moi. Le baron Breakstone et mon collègue Higgins se chargeront du grenier.
– Je peux vous prêter une arme, proposa l’explorateur à Higgins.
– Bonne initiative, approuva le baron Breakstone, nerveux.
– Ce ne sera pas nécessaire, répondit Higgins. Votre plan me paraît excellent, superintendant. Ne perdons pas un instant. Au matin, l’homme pourrait s’échapper. Pour le moment, il est obligé, comme nous, de demeurer àLost Manor.
Chacun se munit d’un bougeoir. On attendit qu’Adonis Forsyte grimpât jusqu’à sa chambre pour en revenir avec un fusil à deux coups que Scott Marlow vérifia.
Puis les trois groupes partirent vers leurs destinations respectives.

*

– Mesdames, dit le superintendant Marlow à la comtesse von Rigelstrand et au notaire Kathryn Root, il nous faut adopter un plan de combat. Ou bien nous fouillons ensemble les chambres une à une, ou bien nous nous isolons afin de progresser plus rapidement.
Les deux femmes parurent perplexes.
– Vous êtes armé, dit la comtesse von Rigelstrand. Nous ne risquons rien. Séparons-nous. Au moindre incident, nous appelons.
– Trop dangereux, estima Kathryn Root. Je crois que le baron Breakstone a raison. Quelqu’un se dissimule dans cette demeure. Quelqu’un dont nous ne connaissons pas les intentions réelles mais dont nous savons qu’il est capable de tuer. Si nous nous séparons, la comtesse et moi-même serons des proies faciles.
– Ridicule, objecta Arabella von Rigelstrand. Je ne crois pas à l’existence de cet inconnu.
– Pourtant, insista Scott Marlow, Aldebert Rupert a été poignardé. Ne feriez-vous pas confiance au baron Breakstone, comtesse ?
Arabella von Rigelstrand tourna la tête, ulcérée.
Le superintendant sentit son autorité en péril. Il lui fallait trancher dans le vif sans perdre de vue l’intérêt de l’enquête et la sécurité des personnes.
– Nous resterons ensemble, annonça-t-il, péremptoire. Nous explorerons les chambres l’une après l’autre. N’oublions pas de regarder sous les lits et d’ouvrir les armoires.
– Je refuse d’accomplir des actes aussi dégradants, déclara très sèchement la comtesse. Débrouillez-vous sans moi.
– Il faut bien aider la police, ma chère, proposa Kathryn Root, conciliante. Je suis une sportive. Regarder sous un lit ne me fait pas peur. Vous vous contenterez de faire le guet sur le palier, Arabella. Êtes vous d’accord, superintendant ?
Pris entre les tendances contradictoires exprimées par deux femmes au caractère si prononcé, Scott Marlow s’accommoda de cette solution.
Le superintendant décida de commencer par l’examen de la chambre bleue, celle de Kathryn Root. Allumant un nouveau cigare, le notaire adopta une expression contrariée.
– Puisqu’il s’agit de ma chambre, superintendant, vous préférez sans doute la fouiller vous-même… Cela évitera toute contestation.
Scott Marlow regretta profondément d’avoir abandonné son bureau londonien et sa logistique informatique, susceptible de résoudre mille et un problèmes sans avoir besoin de se traîner par terre et d’abîmer un pantalon. Contraint de s’accroupir, le superintendant ne constata rien d’anormal ni sous le lit ni dans l’armoire. Il en fut de même dans la chambre rouge de l’explorateur où le policier et le notaire s’attardèrent pourtant. La chambre verte, celle du baron Breakstone, et la chambre orange, celle de la comtesse von Rigelstrand, se révélèrent tout aussi vides d’indices et d’intrus.
L’incident se produisit alors que Scott Marlow refermait le placard de la chambre jaune, celle du couple Fitzgerald, au moment où Kathryn Root en sortait.
– Monsieur Marlow ! s’exclama-t-elle. La comtesse a disparu !
– Ne bougez pas, j’arrive !
Avec la prudence qui s’imposait, son arme réglementaire à la main, le superintendant avança sur le palier.
– Mettez-vous derrière moi, ordonna-t-il à Kathryn Root. N’ayez pas peur.
Le palier n’était éclairé que par la faible lueur d’une lampe à huile. De larges zones d’obscurité empêchaient de voir à plus d’un mètre. Un silence sépulcral faisait résonner le moindre pas.
– Elle ne peut être loin, avançons sans précipitation. Avez-vous entendu un cri étouffé, une plainte ?
– Absolument rien, répondit Kathryn Root.
Le superintendant ouvrit avec précaution la porte de sa propre chambre, encore inexplorée. La couleur indigo lui déplaisait toujours autant.
Une porte claqua.
– Ne bougez pas, maître, recommanda Scott Marlow qui ressortit sur le palier pour voir la comtesse venir vers lui.
– D’où sortez-vous ?
– De ma chambre, monsieur Marlow. J’y ai pris le foulard que vous voyez autour de mon cou. J’avais froid.
– Vous nous avez fait une belle peur, Arabella, souligna Kathryn Root.
Arabella von Rigelstrand haussa les épaules.
– Nous ferions mieux de terminer au plus vite ce travail inutile. Cela nous permettra d’aller nous réchauffer.
Il ne restait plus qu’une chambre à examiner, celle de Higgins. Le superintendant éprouva quelque scrupule. Mais l’ex-inspecteur-chef n’avait pas posé d’interdit. Sa chambre, de plus, n’aurait-elle pas offert une excellente cachette à l’assassin ?
Scott Marlow ne trouva pas ce dernier mais, sous le lit de Higgins, fit une découverte des plus surprenantes.
Un document officiel maculé de sang séché.
Les trois crimes de Noël
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