ÉPILOGUE

Washington

Maison-Blanche

De nos jours

5 h 45

 

Le secrétaire d’État à la Défense faisait les cent pas dans l’antichambre du bureau ovale. Stuart Wilson avait été réveillé à cinq heures du matin par la permanence de sécurité du Pentagone sur son portable d’urgence. L’information délivrée par l’officier traitant tenait en une phrase : Alerte Meggido entre l’Iran et Israël.

Stuart Wilson s’était redressé d’un bond sur son lit, réveillant son épouse qui dormait profondément. Vieux routier de l’administration, il avait servi deux présidents et avait toujours remercié le ciel pour ne pas avoir à subir une situation telle qu’il la vivait aujourd’hui. C’était la hantise de tous ses prédécesseurs avec qui il avait discuté. Moins d’un quart d’heure plus tard un hélicoptère de la présidence avait atterri sur la pelouse de sa demeure des environs de Washington pour le déposer à la Maison-Blanche. Des visions horribles d’Hiroshima s’imposèrent à son esprit.

Pendant le court voyage il avait consulté les dernières informations reçues par la National Security Administration, le service d’écoute mondial des États-Unis. Deux missiles Shahab-3 avaient été tirés depuis une rampe de lancement non identifiée, à quatre cents kilomètres à l’est de Téhéran, aux alentours de la ville de Kermanchah. L’une des fusées à tête nucléaire avait été détruite juste au-dessus de la frontière israélo-jordanienne par une batterie d’antimissiles Patriot. Mais la seconde avait atteint son but. L’explosion nucléaire avait rayé de la carte Haïfa et ses alentours. Le Premier ministre israélien et son état-major avaient répliqué par l’ordre de lancement de quatre engins balistiques sur des cibles iraniennes.

Stuart Wilson consulta son BlackBerry sécurisé. Le quart de la ville de Téhéran avait disparu ainsi que la ville d’Ispahan.

— Et merde, murmura-t-il en se souvenant des simulations pondues par les stratèges du Pentagone. L’embrasement de tout le Moyen-Orient était la prochaine étape.

Il se remémora son dernier entretien, trois jours plus tôt, avec John Miller, le patron de l’American Faith Society qui avait tenté une médiation dans la région à la demande du président. En vain. Il lui avait dit en plaisantant qu’un conflit était peut-être la seule solution pour faire changer de point de vue les acteurs en place. Pauvre Miller, il avait été renversé le jour suivant à New York par une voiture dans un accident de la circulation. Le conducteur était un prêtre catholique qui avait perdu le contrôle de son véhicule.

La porte du bureau ovale s’ouvrit brutalement. Le président apparut. Mince, svelte, il semblait sortir d’une des pubs électorales qui avaient tant fasciné les électeurs américains pendant sa campagne. Élu triomphalement, il avait fait naître un immense espoir dans tout le pays après les deux mandats catastrophiques de son prédécesseur.

— Monsieur le Président, salua Wilson.

— C’est bon, Stue, on oublie le protocole. Toute la cellule de crise s’est déjà mise au travail, les militaires sont prêts pour la visioconférence.

Stuart salua les trois hommes qui entouraient l’occupant de la Maison-Blanche : le conseiller à la Défense, le colonel de liaison en poste permanent à la Maison-Blanche et le conseiller personnel aux Affaires internationales. Une secrétaire avait apporté du café brûlant et des beignets. Le président s’installa sur son fauteuil derrière le bureau ovale. Il paraissait étonnamment calme et détendu. Sur le mur qui faisait face, un grand écran plasma était allumé et montrait six généraux en train de s’installer autour d’une table.

— Messieurs, nous avons tous reçu les mêmes informations. Ma douleur est infinie quand je pense aux centaines de milliers de victimes innocentes assassinées par l’arme atomique dans ces deux pays. Le but est maintenant de savoir si nous avons les moyens de stopper le chaos qui est en train de naître. Je veux privilégier la voie diplomatique. Pour l’instant.

— Je crains d’avoir une mauvaise nouvelle, monsieur le Président, dit l’un des généraux sur l’écran.

— Nous vous écoutons, Jeb.

Le général Jeb O’Mahony, chef d’état-major, toussa et reprit :

— L’Iran a lancé un autre missile en direction du… Koweit.

Les cheveux de Wilson se dressèrent sur sa tête. Le cauchemar était réel, une explosion nucléaire sur les champs pétroliers de la région était le pire des scénarios pour l’économie mondiale.

Le président reprit la parole. Pas une once de nervosité ne trahissait sa détermination. Il faisait preuve d’une absolue maîtrise de lui-même.

— Messieurs, mon prédécesseur aurait sûrement dit que l’Apocalypse était en marche. Peut-être devrais-je le consulter pour qu’il me livre ses prophéties…

L’assistance sourit. Même au bord d’une catastrophe mondiale, il se permettait de faire de l’humour. Sa voix se fit soudainement plus grave :

— Je ne serai pas le président des États-Unis qui aura laissé se déclencher la Troisième Guerre mondiale. Contactez le premier secrétaire chinois et le Premier ministre russe. Eux peuvent faire pression sur les Iraniens.

— Leurs services ont déjà appelé, ils peuvent être mis en connexion immédiatement, dit le conseiller personnel aux Affaires internationales.

Le président posa ses mains sur la table. Son regard était flamboyant, son charisme redoublé.

— Prévenez la presse, je ferai une allocution à l’issue de notre entretien. Messieurs, c’est l’heure ultime. Que Dieu nous vienne en aide ! Soyez tous derrière moi et traversons cette épreuve. Aujourd’hui, en ce jour décisif pour l’humanité j’assumerai mon destin.

 

Sitôt dans le couloir, le conseiller aux Affaires internationales interpella Stuart :

— Il m’impressionne toujours, on dirait qu’il n’a aucune angoisse, aucune crainte de ce qui risque de se passer. Il a des nerfs d’acier. Et sa façon de faire vibrer la corde patriotique, ça me fout la chair de poule. Il aurait dû naître un 4 juillet, le jour de la fête nationale.

Stuart avala d’un trait une tasse de café bouillant.

— N’exagérons pas, il est juste né un 17 janvier.

Apocalypse
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