ZÉRO SEPT B

 

 

Malgré les bonnes intentions de Derec, l’alliance faillit se désagréger avant même d’avoir commencé. Il avait imaginé l’arrangement dans le rôle du chef ; il prenait toutes les décisions et Katherine le suivait docilement. Il s’aperçut très vite que c’était avec Kate, et non avec Katherine qu’il avait conclu un pacte.

Il avait hâte de partir à la recherche de la clef. Le Dr Galien n’ayant pas protesté quand Derec s’était aventuré hors de l’hôpital, il estimait avoir gagné le droit de se promener à sa guise, où il voulait. Mais il faudrait attendre au minimum plusieurs jours avant que cette liberté ne soit accordée à Katherine.

Quand Derec proposa de partir seul en éclaireur, et de venir faire à Katherine un rapport sur ses découvertes, elle déclara avec fermeté :

— Nous irons ensemble ou pas du tout. Si nous devons former une équipe, il nous faut travailler en équipe.

— Former une équipe, ça ne veut pas dire que nous serons enchaînés l’un à l’autre ! Chacun doit faire ce qu’il fait le mieux et, pour le moment, je peux jouer le rôle de celui qui a des yeux et des oreilles.

— Que comptez-vous faire ?

— Aller parler au surveillant du port et au directeur de la station. Demander ce qui s’est passé pendant que vous étiez ici.

— Ce sont des robots. Faites-les venir ici !

C’était raisonnable et Derec fut irrité de ne pas y avoir pensé le premier. Depuis qu’il avait repris connaissance il songeait à interroger le personnel de la station, mais il s’était toujours vu allant le trouver. Il comprit soudain qu’il avait fait une supposition automatique : ils sont trop occupés, ils n’ont pas le temps de venir me voir.

Pas un instant l’idée ne lui était venue de leur donner l’ordre d’abandonner un moment leur travail. Katherine, elle, y avait pensé tout de suite. Derec vit là une différence importante entre eux deux, une question de classe, de culture qui avait formé leur attitude à l’égard des robots.

Lui respectait en quelque sorte leur travail et l’importance de leurs tâches, et il les traitait plus ou moins comme des égaux, alors quelle les considérait comme des serviteurs. Il n’aurait su dire si cela signifiait qu’elle avait une plus grande expérience que lui des robots.

Malgré tout, c’était encore une petite pièce du puzzle. Il n’était pas comme Katherine. Ils venaient de mondes différents, sur le plan culturel sinon géographique. Il se demanda alors comment elle pouvait le connaître.

Toutes ces pensées cascadèrent en un éclair dans la tête de Derec, lui permettant de poursuivre la conversation après un quart de seconde d’hésitation.

— Écoutez, je veux bien partager la prise de décision. Nous pouvons peut-être faire venir les robots ici. Mais il y a le vaisseau. Je dois aller y jeter un coup d’œil.

— C’est une chose que nous devons faire ensemble.

— Pourquoi ? Qu’y avez-vous caché, que vous ne voulez pas que je retrouve ?

Katherine croisa les bras et soupira.

— Si vous comptez me soupçonner continuellement, ça ne va pas marcher comme sur des roulettes !

— Je ne vous soupçonne pas ! s’écria Derec en levant les bras au ciel. Je ne comprends pas pourquoi vous ne voulez pas me perdre de vue.

— Et moi, je ne comprends pas votre précipitation. Vous dites que nous sommes une équipe mais vous voulez faire cavalier seul !

— Je me presse parce qu’il faut que nous y arrivions les premiers, répliqua impatiemment Derec. Il ne faut pas que d’autres s’emparent de la clef.

Elle le considéra d’un œil ironique.

— Nous sommes ici depuis six semaines. Vous vous figurez peut-être qu’ils nous ont tirés d’affaire et qu’ils ont mis le vaisseau sous clef quelque part, jusqu’à ce que nous soyons en état de le réclamer ? Réfléchissez ! C’est un vaisseau stellaire extraterrestre. Combien de temps croyez-vous qu’il leur a fallu pour constater qu’ils n’en avaient encore jamais vu de ce type, et pas seulement du point de vue de la forme mais de toute la technologie ? C’est un poste frontière, ici. Vous croyez, qu’ils trouvent naturelle l’arrivée inopinée d’un vaisseau non immatriculé, avec deux humains blessés à bord ?

À retardement, Derec comprit enfin.

— Ils l’ont entièrement examiné, ils l’ont photographié, radiographié, et tout le bazar. Ils ont même pu le démonter, envoyer les pièces par le Fariis aux agences du district. Et ils doivent se poser des questions sur nous.

— Naturellement ! C’est pourquoi j’ai renvoyé le Dr Galien.

— Vous pensez, qu’il nous espionne ?

— Tous les robots espionnent leur maître ! dit-elle amèrement.

— Pardon ? fit Derec, surpris par sa véhémence.

— Rien. Nous devrions jouer les idiots pendant un moment, faire ce qu’ils attendent de nous… jusqu’à ce que nous comprenions dans quel jeu nous avons été embarqués.

— Jouer les incapables et les imbéciles…

— Parfaitement. Parfois, c’est ce qu’il y a de plus intelligent.

 

À leur demande, le Dr Galien fit apporter un « multicom » dans le PSI et le brancha sur le réseau de la station. Très rapidement, ils apprirent que l’accueil de la station Rockliffe ne péchait pas par excès de cordialité.

Le directeur de la station était occupé jusqu’au lendemain matin et pensait que c’était au surveillant du port qu’ils voulaient parler. Le surveillant du port procédait à une révision générale du système de pressurisation des docks, un travail prioritaire qui devait être achevé en un minimum de temps, pourquoi ne s’adressaient-ils pas au dispatcher ?

Le dispatcher refusa de répondre à leurs questions sans l’autorisation du chef de la sécurité, lequel les renvoya à l’administrateur adjoint des opérations. Ce dernier était à un échelon au-dessous du directeur de la station, et c’était sans doute à ce robot qu’ils auraient dû être amenés en premier lieu.

L’administrateur était occupé pour le moment mais serait libre dans une heure, s’ils voulaient prendre un rendez-vous. Il ne semblait pas y avoir d’autre solution. Ils s’inclinèrent.

— Qu’allons-nous faire en attendant ? demanda Derec quand il eut éteint l’écran.

— Nous pourrions faire connaissance…

— Vous voudriez que je vous amuse avec des histoires de ma famille ?

Elle rit. Elle avait un joli rire.

— Peut-être pas.

— Vous pourriez me raconter des histoires de ma famille ?

— Non, je ne pourrais pas.

— Katherine, implora Derec, la seule personne qui sache quelque chose de moi, c’est vous. Pourquoi ne voulez-vous pas m’en parler maintenant ?

— Pas encore.

— Vous suivez les conseils du Dr Galien ?

— C’est le meilleur moyen, dit-elle en lui effleurant la main.

— Je n’ai pas cette impression ! Mais enfin… Bon. Parlez-moi de vous.

— C’est ennuyeux, prévint-elle.

Il haussa un sourcil.

— Un enlèvement par un engin extraterrestre, c’était ennuyeux ?

— Ma vie est sans intérêt. C’est la première chose passionnante qui me soit arrivée. Mais ce n’était pas précisément un enlèvement.

— Racontez. Comment s’appelait votre vaisseau long-courrier ?

— Le Golden Eagle, au départ de Viking. Nous transportions une valise diplomatique à la planète de Frier…

 

Au premier abord, l’histoire était convaincante.

D’après Katherine, ses robots et elle étaient partis de Viking à bord du Golden Eagle, avec le pilote et deux diplomates. Juste avant qu’ils ne se préparent au saut dans la périphérie du système Viking, le pilote avait aperçu le vaisseau d’Aranimas, apparemment à la dérive.

Le prenant pour une épave non signalée – en partie à cause de son aspect, en partie parce qu’ils ne pouvaient entrer en contact radio sur aucune fréquence – ils abandonnèrent leur trajectoire de sortie et allèrent aux renseignements. Tout à coup, ils furent soumis à un tir nourri et leur vaisseau se trouva désemparé. Katherine et les robots furent enlevés par les Naroués, et le courrier abandonné à la dérive. Peu de temps après, le courrier explosa, probablement, dit Katherine, parce qu’une bombe avait été placée à bord.

Il n’y avait pas de contradictions flagrantes dans son rapport mais plusieurs petits points qui déroutaient Derec. Katherine restait vague au sujet de sa présence à bord du courrier. Au début, elle avait eu l’air de vouloir faire croire qu’elle faisait partie de la mission diplomatique. Mais elle n’était manifestement pas assez âgée pour cela.

Quand il l’interrogea, elle expliqua qu’elle n’était pas une simple passagère, qu’elle avait pris le courrier au lieu d’un vol commercial parce qu’elle ne voulait pas être mêlée à la foule. Il s’étonna qu’un courrier prenne des passagers. Elle répliqua en laissant entendre qu’elle était une personne assez importante pour justifier cette exception en sa faveur.

Mais le plus étrange, et c’était le point sur lequel elle gardait le secret, c’était le comportement du pilote. Les courriers transportaient des personnalités, des fournitures urgentes, des prototypes industriels ou des documents originaux. Il n’était pas logique qu’un pilote de courrier mette en péril sa cargaison pour aller tourner autour d’une épave par curiosité. Normalement, il aurait dû signaler le vaisseau au poste de patrouille de Viking et effectuer son saut, comme prévu.

Derec se souvint que la première fois qu’il avait été question de sa capture, Katherine s’était empressée de changer de conversation. Il se demanda si c’était parce qu’elle n’avait pas encore préparé sa petite histoire. Peut-être lui débitait-elle des demi-vérités pour lui faire passer une espèce de test prescrit par le Dr Galien. Si c’était le cas, il y avait de quoi être vexé.

L’arrivée de l’administrateur détourna ses pensées.

— Je m’appelle Hajime, annonça le robot. Le Dr Galien me dit que vous vous remettez de vos blessures. C’est une bonne nouvelle.

— Surtout pour nous, marmonna Derec.

— Il paraît que vous avez des questions à poser sur votre présence ici. J’espère pouvoir y répondre.

Derec ouvrit la bouche mais Katherine le devança.

— Commence par l’instant où la station a détecté notre vaisseau et dis-nous ce que vous avez observé, ordonna-t-elle.

— Oui, madame. Les capteurs de la station ont détecté un vaisseau non identifié immédiatement après qu’il eut émergé de son saut. Comme vous le savez, la terminaison d’un saut s’accompagne d’une turbulence spatiale mineure comparable à la turbulence atmosphérique causée par une décharge de foudre…

— Nous savons, nous savons, interrompit Derec. La suite.

— Pardonnez-moi, monsieur, dit le robot en s’inclinant brièvement. Je voulais m’assurer que vous compreniez comment nous avons pu détecter votre vaisseau à une aussi grande distance.

— Pourquoi ? À quelle distance étions-nous ?

— À quatre-vingt-trois unités astronomiques. À une telle distance, les capteurs de la station ne peuvent déterminer que la position et la vitesse du vaisseau. Comme aucune identification directe ou indirecte n’était possible, le vaisseau a été classé NPH-07.

— NPH ? demanda Katherine.

— Excusez-moi. Non identifié Potentiellement Hostile.

— Continue, Hajime.

— Merci, monsieur. Nous avons suivi la trajectoire rapprochée de 07 pendant deux jours. Nous commencions à acquérir quelques données préliminaires sur sa masse et son profil quand un événement anormal s’est produit. NPH-07 s’est divisé en deux corps indépendants, NPH-07 A et NPH-07 B. Le plus grand vaisseau. 07 A, a effectué une correction de cap qui l’a propulsé hors de la zone de contrôle de la station…

— Ils nous ont largués et ont fait demi-tour pour s’enfuir, jugea Katherine.

— On le dirait. Le grand vaisseau a-t-il fait le saut ? demanda Derec.

— Pas lorsqu’il était à portée de nos capteurs, monsieur, répondit Hajime. Il est impossible de dire ce qui s’est passé une fois le contact coupé.

Derec et Katherine échangèrent un regard éloquent qui disait : « Ainsi, il pourrait être encore quelque part par-là, en attente. »

— Et l’autre vaisseau, 07 B, a continué de se rapprocher ? C’est là que vous nous avez trouvés ?

— Oui, madame. Un éclaireur a été immédiatement envoyé avec, à son bord, une équipe de secours et de récupération.

— Tu peux nous montrer un plan de navigation ? demanda Derec.

— Certainement, monsieur.

Le robot tapa le code sur le clavier de l’hyperviseur et, quelques instants plus tard, le mur du fond se désagrégea dans le vide noir de l’espace.

Tout était là, comme l’avait décrit le robot. Une ligne traçante bleue partant du sommet du schéma indiquait l’approche du maraudeur vers la station, représentée par un hexagone doré, tout en bas. Une épaisse ligne verte partait en diagonale vers le coin supérieur droit, où un mince trait rouge continuait de s’incurver selon la trajectoire initiale. Aux deux tiers du schéma, elle rejoignait une trace dorée montant à la verticale de la station : le vaisseau de sauvetage.

— Pouvons-nous avoir une copie ? demanda Derec.

— Je la classe dans un annuaire à votre nom, dit Hajime.

— L’abordage a-t-il été enregistré ?

— Oui, madame.

— Je voudrais voir l’enregistrement, dit Katherine en faisant signe à Derec de venir s’asseoir au bord du lit, à côté d’elle.

Elle lui prit la main et la pressa fortement, comme si elle cherchait à se rassurer. Ce contact surprit Derec et le troubla.

— L’enregistrement a été fait au moyen du robot témoin, expliqua Hajime. Le « multicom » ne pourra pas montrer toute la largeur de la bande…

— Qu’est-ce que c’est, un robot témoin ? chuchota Katherine à Derec.

— Je vous l’expliquerai plus tard, souffla-t-il.

Les robots témoins avaient un aspect bizarre, avec leur grosse tête sphérique et la fente scanner de trois cent soixante degrés au lieu des capteurs optiques, mais leurs qualités étaient inappréciables dans ce genre d’opérations. Leur unique responsabilité était de se poster de manière que leurs scanners et enregistreurs captent clairement le déroulement des événements. Bien des opérations ratées avaient été reconstituées par les données fournies par les robots témoins, avant d’être détruites.

— … si vous souhaitez déplacer la fenêtre à droite ou à gauche, à n’importe quel moment, dites-le-moi, s’il vous plaît.

De l’extérieur, le vaisseau d’Aranimas avait l’air d’une grosse pointe de flèche traînant des bouts de ficelle qui fixait la tête à la hampe. La pointe était en fait un corps élévateur perçant l’atmosphère et les bouts de ficelle les restes déchiquetés de plusieurs corridors de transfert qui s’étaient trouvés entre le carrefour hexagonal et les tuyères d’échappement de l’arrière.

Derec et Katherine regardèrent les robots de secours fixer un sabord d’urgence autocoupant sur la coque supérieure. Quand l’anneau de contact du sabord eut brûlé la paroi et fut bien soudé, les robots entrèrent en file indienne, le témoin en avant-garde.

— C’était là qu’Aranimas me faisait vivre, chuchota Katherine quand l’hypervision montra un panoramique de ce pont ressemblant à un grenier.

— Pendant combien de temps ?

— Deux mois. Croyez-moi, ça m’a paru plus long.

Quand le robot témoin eut montré le chemin en descendant vers le pont principal, la première chose qu’ils virent fut un robot debout dans le couloir central.

— Alpha ! s’écria Derec.

— Capek ! dit Katherine au même instant. Où est mon robot ?

Hajime interrompit l’enregistrement.

— Ce robot a été retiré et emporté pour auscultation, diagnostic et réparations.

— Je veux qu’il me soit rendu, tel qu’il est, déclara Derec. Vous n’avez pas le droit de le bricoler sans ordre de travail.

— Le robot a résisté à nos efforts pour vous sauver. On a jugé qu’il opérait d’une manière sous-standard et hasardeuse, et il a été désactivé. Dans de pareils cas, la procédure standard consiste à effectuer un examen complet afin que l’anomalie puisse être signalée au fabricant.

Katherine hochait la tête, approuvait à contrecœur, et Derec, comprenant le conseil, l’imita.

— D’accord. Reprenons.

Quand l’enregistrement reprit, ils se virent pour la première fois. Ils étaient allongés l’un derrière l’autre contre une paroi du couloir central, sur le pont principal. Katherine gémit et détourna les yeux à la vue de son propre visage noirci couvert de cloques, et de ses vêtements ensanglantés. Derec serra les dents et s’efforça de ne pas ressentir de nouveau l’horrible douleur de ses brûlures.

— Je m’en doutais, souffla-t-il. Je m’en doutais.

— Quoi ? demanda Katherine. Qu’est-ce que vous dites ?

— Alpha. Il nous a gardés en vie.

— Vous avez entendu Hajime. Le robot était anormal. Il ne voulait pas les laisser nous sauver.

— C’était simplement la mémoire de défense personnelle qui le rendait prudent. Regardez ! dit-il en montrant du doigt. On ne tombe pas naturellement dans de telles positions, après un accident comme celui-là, on ne s’y met même pas tout seul. Nous avons été déplacés. De plus, nous étions au moins à cinq jours de vol quand j’ai fait sauter cette mine. Il a fallu deux jours et demi au vaisseau de sauvetage pour nous atteindre. Il est indéniable que nous étions très grièvement blessés…

— En effet, murmura-t-elle en frissonnant.

— Je me demandais comment nous avions survécu jusqu’à l’arrivée des paramédecins. Nous aurions dû mourir à bord, tout de suite. Ils n’auraient dû trouver que des cadavres. S’ils n’en ont pas trouvé, c’est grâce à Alpha, affirma Derec puis il s’adressa au robot : Hajime, est-ce que tu peux interrompre l’enregistrement et nous laisser seuls, s’il te plaît ?

— Certainement, Derec.

L’image et le robot se figèrent.

— Qu’y a-t-il ?

— Je veux simplement vous signaler qu’il pouvait y avoir quelqu’un d’autre à bord.

— À quoi pensez-vous ?

— Je me demandais pourquoi Wolruf et le robot étaient si longs à revenir de leur mission. Et si Aranimas avait repris connaissance ? Ils étaient peut-être encore en train d’essayer de l’enfermer quand la bombe a explosé. Alpha sera revenu en courant. Il ne se sera pas soucié d’Aranimas, probablement même pas de ce qu’Aranimas ferait à Wolruf. Aranimas et Alpha ont pu tous deux revenir dans la coque A, avant qu’elle ne soit larguée.

— Et Alpha nous aurait protégés contre lui, tout comme il a essayé de nous protéger contre l’équipe de secours ?

— Cela expliquerait qu’il ait résisté aux robots.

— Aranimas a pu se cacher. C’était son vaisseau. Il devait savoir où il serait en sécurité. Jusqu’à ce que le vaisseau soit remorqué…

— Exactement ce que je pensais. S’il n’a pas la clef, il la cherche, et nous cherche aussi. S’il l’a, il peut continuer de nous chercher. D’une façon ou d’une autre, la clef n’est pas en sécurité, et nous non plus. Et nous ne pouvons pas nous croiser les bras en croyant que rien ne presse. Nous devons faire quelque chose, et tout de suite.

Katherine baissa les yeux.

— Très bien, dit-elle après un long moment.

— Hajime ! Tu peux revenir.

Le robot se ranima.

— Merci, monsieur. Dois-je poursuivre l’enregistrement ?

— Non. Termine la rediffusion. Nous en avons assez vu, répondit Katherine.

— Très bien, madame. Avez-vous d’autres questions ?

— Oui. Où est 07 B, en ce moment ?

— Je ne sais pas, madame.

Ces mots firent bondir Derec hors du lit, la figure congestionnée.

— Comment ça, tu ne sais pas ? cria-t-il. Tu es le second personnage le plus important de cette station !

— C’est exact, monsieur.

— Et tu ne sais pas où est notre vaisseau ?

— Je sais seulement que 07 B n’est plus au môle où il a été amarré quand il a été remorqué à la station.

— A-t-il été volé ? insista Derec. Veux-tu nous dire qu’il a disparu ?

— Il n’a pas été volé. Il a été déplacé sur ordre du directeur de la station.

— Tu ne pouvais pas le dire plus tôt ? s’écria Katherine d’une voix dure.

— Derec m’a demandé si je savais où était 07 B. Je ne le sais pas, et je l’en ai donc informé.

— Eh bien, trouve-le. Je veux que tu nous y conduises, sur-le-champ.

— Je regrette, dit Hajime. Cela ne m’est pas permis.

— Alors trouve un robot qui en a la permission, ordonna Derec.

— J’ai l’ordre de transmettre toutes les demandes de ce genre au directeur de la station.

Derec soupira.

— D’accord. Tu peux partir.

— Merci, monsieur. Mais puis-je me permettre de poser une question, monsieur ?

— À quel sujet ?

— Vous continuez de dire « notre » vaisseau pour 07 B ; est-ce par habitude ou par affection ?

— Que veux-tu dire ?

— J’ai été informé que le vaisseau auquel a été attribué le nom de 07 B n’est plus votre propriété.