L’ÉPREUVE DE LOYAUTÉ

 

 

À un moment donné la douleur cessa. Mais Derec n’était plus en état de comprendre pourquoi Aranimas avait arrêté de le torturer. Il eut vaguement conscience que l’extraterrestre sortait et qu’il était lui-même traîné hors de la salle de contrôle par le caninoïde.

Incapable de résister ou de se mettre en mouvement, il fut emporté dans une autre partie du secteur cloisonné et déposé sur une planche recouverte d’un très mince capitonnage. Il y resta, inerte, passant d’états conscients à l’inconscience, sentant parfois la présence pleine de sollicitude du caninoïde, parfois rien d’autre que sa propre fatigue et son désarroi.

Au cours d’un de ses moments de lucidité, il s’aperçut que l’être lui offrait un bol de liquide incolore, et il se souleva sur un coude pour le prendre.

— Tu ferais mieux de dire à Aranimas ce qu’il veut savoir, conseilla tout bas le caninoïde.

La main droite de Derec tremblait si fort qu’il dut se servir de la gauche aussi pour tenir le bol et goûter au breuvage frais. C’était bon, sucré comme du miel liquide et d’un grand soulagement pour sa gorge ravagée.

— Jusqu’où crois-tu que va la résistance des humains ? fit-il d’une voix cassée. Si je savais quelque chose, je le lui aurais dit dès les premières minutes.

S’il continue comme ça, il va me tuer. Pourquoi ne veut-il pas me croire ?

Le caninoïde grimaça nerveusement, hésitant à répondre.

— Tu connais les Naroués ?

Derec ne savait pas si c’était le nom d’une espèce ou d’individus, mais cela n’avait pas d’importance.

— Non.

— Aranimas connaît les Naroués. Un Naroué doit être forcé à dire la vérité. Si tu poses une question à un Naroué, il ment ou il prétend qu’il ne comprend pas, ou qu’il a oublié. Si tu fais assez mal à un Naroué, il finit par dire la vérité.

— Je ne suis pas un Naroué ! Il est donc trop stupide pour le voir ?

— Aranimas pense que tu emploies la ruse des Naroués. Et puis Aranimas est très en colère.

— Pourquoi est-il en colère contre moi ? Je ne lui ai rien fait !

— Quand Aranimas est en colère, tout le monde est en danger. Les tireurs ne devaient pas détruire le nid à robots.

— Ils ne l’ont pas détruit. Ce sont les robots qui l’ont fait eux-mêmes.

— Pas d’importance. Aranimas voulait capturer les robots pour les faire travailler pour son compte.

Derec ferma les yeux et se rallongea.

— J’ai peur qu’il ne reste pas grand-chose à capturer.

— Aranimas est allé voir ce que les récupérateurs ont rapporté. S’il ne trouve pas grand-chose, il sera pire quand il reviendra.

— Tu ne peux pas m’aider ? implora Derec. Tu me crois, toi, n’est-ce pas ?

— Ce n’est pas mon travail de croire ou de ne pas croire, répondit le caninoïde sans s’émouvoir. Je ne peux pas t’aider.

— Alors il va me tuer parce que je n’ai rien à lui dire. Eh bien, cela vaudra peut-être mieux.

Le caninoïde se leva et reprit le bol.

— Parfaite pensée naroué. Ne laisse pas Aranimas t’entendre.

 

Derec fut brutalement réveillé par Aranimas qui le saisit par le bras, et le força à s’asseoir.

— Fini de jouer, déclara-t-il. Je commence à m’impatienter.

— C’était donc un jeu ? répliqua ironiquement Derec. Vous avez de drôles de loisirs, chez vous. Rappelle-moi de ne jamais jouer au poker coupe-gorge avec toi !

À ces mots, le caninoïde, couché devant une porte, à quelques mètres, ferma les yeux et secoua la tête. Quant à Aranimas, sa réponse fut de tirer immédiatement le stylet de sa poche.

— Attends ! s’écria vivement Derec en levant une main. Tu n’as pas besoin de ça.

— Tu as fini par te décider à dire ce que tu sais ?

— Je n’ai jamais refusé. Mais tu n’as pas voulu de ce que j’avais à offrir.

— J’apprendrai qui tu es et ce que tu sais de l’objet que tu as apporté à bord !

L’humain se leva. Aranimas le dominait mais, malgré tout, Derec se sentait mieux debout.

— La vérité, c’est que tu sais autant que moi qui je suis, et je ne serais pas surpris que tu en saches plus que moi sur la boîte d’argent. Mais il y a une chose que je connais mieux que toi, ce sont les robots. Qu’est-ce que la prospection a donné ?

Un des yeux d’Aranimas jeta un regard mauvais vers le caninoïde qui rentra sa tête dans ses épaules et battit en retraite.

— On n’a rapporté que des fragments, avoua-t-il. Tes robots se sont très efficacement détruits.

— Ce n’étaient pas mes robots. Montre-moi ce que vous avez.

Aranimas laissa tomber ses bras et se frictionna distraitement les genoux en soupesant la proposition de Derec.

— Oui, dit-il finalement. Ce sera une bonne mise à l’épreuve de tes intentions et de ton utilité. Tu vas me construire un robot.

Derec pâlit.

— Quoi !

— Si tu ne sais réellement pas qui tu es, tu n’as ni loyauté ni obligations à avoir envers aucun maître. Quand tu m’auras construit un robot serviteur, je saurai que tu acceptes ta place de domestique à mon service.

Derec n’était pas imprudent au point de choisir ce moment pour faire un beau discours sur la liberté de choix individuel, mais il ne pouvait accepter sans protester les conditions d’Aranimas.

— Et si je ne peux pas te construire un robot avec les pièces que tu as ? J’ai dit que je connaissais bien les robots. Je n’ai jamais dit que j’étais capable d’en fabriquer un. J’ai besoin de certaines pièces maîtresses…

— Si tu échoues, je saurai que je ne peux pas me fier à toi, que tu es inutilisable et que je n’ai pas à gaspiller de précieux comestibles pour te garder en vie.

Derec se résigna.

— Qu’est-ce que tu attends ? Fais-moi voir ton inventaire.

 

Aranimas n’avait pas menti en disant que les récupérateurs n’avaient rapporté que des « fragments ». « Des bouts de ferraille, oui ! » pensa Derec dans la soute, tout en examinant le pitoyable butin. Le plus gros morceau était celui qu’il avait lui-même apporté, le bras de Moniteur 5. Le second était une rotule de surveillant, peut-être celle de Moniteur 5 aussi.

Aucune autre pièce n’était plus grande que le creux de la main : un régulateur à moitié calciné, un capteur optique dont la lentille était fêlée, des fragments de structure ressemblant à des éclats de poterie. Il n’y avait ni cerveau positronique ni cartouches d’énergie à microfusion : deux éléments indispensables.

— C’est tout ? demanda Derec, le cœur serré.

Non, heureusement. Dans un des couloirs-entrepôts, on lui ouvrit deux hautes armoires, contenant chacune un robot presque intact.

— C’est le début d’une belle collection, ironisa-t-il en examinant les objets.

Ces robots étaient de structure domestique familière. Il apprendrait d’où ils venaient et à quoi ils avaient servi quand il vérifierait, grâce au microscanner, les plaques d’immatriculation trouvées sur divers éléments. Mais, manifestement, il n’était pas le premier humain que croisaient ces assaillants.

Il y avait assez de bonnes pièces pour construire à peu près un robot et demi. Un des deux spécimens était sans tête et le collier était tordu et déformé. Cela lui apprit quelque chose sur les circonstances dans lesquelles les robots avaient été acquis.

Pour le moment, le plus important pour Derec était qu’il aurait un cerveau positronique ; mais rien ne garantissait son bon fonctionnement. La partie inférieure du torse de l’autre robot était fracturée comme si elle avait été atteinte par une arme de jet, et l’épaule droite était déchiquetée et noircie sous l’effet probable d’une chaleur intense.

Il y avait là de quoi travailler, avec une toute petite chance de succès. Derec se détourna des armoires et leva les yeux vers Aranimas.

— Alors ! Qu’est-ce qu’il y a ici comme atelier de mécanique ? demanda-t-il avec une désinvolture qu’il était loin d’éprouver. Je suis prêt à me mettre au travail.

Aranimas hocha gravement la tête.

— Je vais t’en donner l’occasion.

 

Pour se rendre à son lieu de travail, Derec fut conduit plus profondément dans le dédale du grand vaisseau. Contrairement au complexe souterrain de l’astéroïde, il se révéla tout à fait incapable de s’y orienter. Il y avait trop de tours et de détours, des lignes droites trop courtes, peu de points de repère. Dès que son orientation par rapport au centre de contrôle fut brouillée, il se sentit complètement perdu.

Malgré tout, il récoltait à chaque pas de nouvelles informations. Il découvrit que certaines parties du vaisseau avaient une atmosphère légèrement différente et que les couloirs de stockage servaient de sas entre elles. Dans un secteur, la qualité de l’air donna à Derec l’impression d’avoir une boule de poils dans la gorge. Dans un autre, des larmes jaunâtres coulèrent des yeux d’Aranimas. Seul le caninoïde paraissait à son aise dans toutes les atmosphères.

Le vaisseau était non seulement un labyrinthe mais un zoo, présentant au moins quatre espèces différentes. Derec dénombra cinq semblables d’Aranimas, tous de haut rang à en juger par leurs activités. Curieusement, le caninoïde semblait être l’unique représentant de son espèce.

Les plus nombreux étaient les Naroués à la face hagarde, dont beaucoup avaient été recrutés par Aranimas pour porter les pièces détachées. C’étaient de petits bipèdes chauves au crâne bosselé comme s’il allait leur pousser des cornes, ce qui leur donnait un air féroce et redoutable. Mais ce n’était qu’une apparence car Aranimas et le caninoïde frappaient et houspillaient les Naroués sans la moindre crainte.

La quatrième espèce était la plus intéressante et la plus ombrageuse. Dans le compartiment où les yeux d’Aranimas se mirent à larmoyer, Derec aperçut une étrange créature à cinq membres, plaquée au mur, assez semblable à une étoile de mer géante. Elle battit en retraite dès qu’ils s’approchèrent et disparut en un clin d’œil.

Fasciné par le défilé des espèces extraterrestres, Derec répugnait néanmoins au contact avec elles. Il savait son propre corps habité par une nombreuse communauté vivante : bactéries, virus, champignons et autres parasites. Il ne savait pas quelles étaient les différences entre ces êtres inconnus et lui. Il espérait qu’elles étaient considérables, car plus leur structure fondamentale serait proche de la sienne, plus grands seraient les risques de contamination, dans un sens comme dans l’autre.

Il espéra qu’Aranimas avait pris des précautions, ou qu’aucune précaution ne s’imposait. Il fondait cet espoir sur sa certitude que les assaillants avaient déjà eu des contacts avec des humains, comme le prouvaient les deux robots volés et leur maîtrise de la langue standard.

C’était un mystère de plus à ajouter à sa liste déjà longue. Il était absolument certain que les êtres humains n’avaient jamais rencontré une forme de vie extraterrestre, et moins encore quatre ! Pour comprendre la politique interplanétaire, il lui aurait fallu connaître non seulement l’histoire et l’économie, mais aussi la biologie des différentes espèces.

La présence de tous ces êtres à bord du vaisseau signifiait-elle qu’il s’était égaré très loin à la périphérie de l’espace humain ? Ou bien les précédents contacts étaient-ils restés secret d’État ? Ces assaillants étaient-ils des pirates, des prospecteurs ou des pionniers ? Étaient-ils venus à la recherche de la même chose que les robots ? Et, l’ayant trouvée, allaient-ils transporter Derec chez eux ou chez lui ?

Toutes ces questions avaient d’innombrables ramifications. Les tensions étaient bien assez graves entre les Terriens et les autres habitants de l’espace : il était inutile d’y ajouter des facteurs inconnus et bouleversants. Un assaut comme celui dont il avait été témoin, dirigé contre un des nombreux mondes humains sans réseau de défense planétaire risquait fort de déclencher la guerre.

La pensée de Derec fut ramenée vers l’objet argenté. S’il était aussi important que le laissaient supposer les recherches intensives des robots, il devait être assez puissant ou assez intéressant pour que les maraudeurs veuillent s’en emparer ; dans ces conditions, il n’était pas question de le leur laisser entre les mains. Derec avait horreur de penser à d’autres problèmes que les siens, mais il jugea qu’il avait une obligation envers l’humanité.

 

L’atelier-laboratoire était heureusement situé dans un secteur à atmosphère normale, quoique chaude et sèche. Aranimas s’installa dans un fauteuil pour surveiller les Naroués qui disposaient les pièces de robots sur le sol, et Derec examina les établis et les râteliers à outils ; le caninoïde resta à ses côtés pour répondre aux questions. Quand il eut fini, les Naroués étaient partis.

— Explique-moi chacun de tes gestes à mesure que tu les accomplis, déclara Aranimas en croisant les bras comme s’il entendait assister à toute l’opération.

— Tu vas surveiller tout ce que je fais ?

— J’ai l’intention d’apprendre ce que tu sais.

— J’espère que tu as de la patience.

— N’as-tu pas prétendu qu’il ne t’avait fallu que très peu de temps pour transformer un simple vêtement en un système de propulsion pour t’évader ? Cela devrait te prendre encore moins de temps de transformer un robot en robot.

— Tu veux rire ! s’écria Derec en levant les bras au ciel. Je ne suis même pas sûr d’être capable de réussir, et encore moins en une heure ou deux.

— Explique le problème.

Derec expliqua :

— Le problème, c’est que je n’ai pas les outils voulus. Il me faut un établi de diagnostic, un graveur, des micromanipulateurs. Il n’y a absolument rien qui ressemble à une résistance de puce ou à un traceur de circuits…

Derec se rendit compte, tout en parlant, qu’il avait tort de s’étonner. Aranimas n’aurait pas une telle curiosité des robots, il n’exigerait pas qu’on lui répare ces deux vieilles carcasses s’il appartenait à une culture capable d’en fabriquer. Le simple fait que le vaisseau employait des tireurs au lieu des systèmes de visée aurait dû déjà lui faire comprendre que leur technologie informatique laissait à désirer.

Aranimas se leva.

— Les outils qui te sont nécessaires te seront apportés, dans la mesure où nous en avons. Décris ce que tu veux à Rrullf (le diminutif du nom du caninoïde était presque prononçable), et elle t’apportera ce qu’il te faut, ou elle te conduira.

Elle ? Derec jeta un coup d’œil étonné au… à la caninoïde. Intéressant.

— Merci, dit-il à Aranimas et il se détourna.

Au même instant, mille abeilles se posèrent entre ses omoplates et le piquèrent méchamment. Le souffle coupé, les genoux flageolants, il se cramponna au rebord de l’établi pour ne pas tomber. Il n’avait pas besoin de tourner la tête pour savoir qu’Aranimas lui pointait son stylet sur le dos.

— Ne commets pas l’erreur de chercher à me tromper, dit froidement Aranimas pendant que la douleur tenaillait Derec. Je suis peut-être ignorant de ton art, mais je ne suis pas stupide.

— Je… je…

— Épargne-moi tes excuses. Montre-moi des résultats.

Les abeilles s’envolèrent et Derec, affalé sur l’établi, vit du coin de l’œil Aranimas remettre le stylet dans sa poche secrète. Toussant pour s’éclaircir la gorge, il répondit faiblement :

— D’accord, maître.

 

Quand Aranimas fut parti, la face de la caninoïde se fendit d’un sourire sinistre.

— Tu as de la chance qu’Aranimas ait tellement envie de ces robots. Autrement, tu serais déjà mort.

— Merci pour cette pensée réconfortante ! Que veut-il en faire, au juste ?

— Tu ne comprends pas ? Il veut remplacer les Naroués par des robots. Aranimas en a assez des scènes de larmes des Naroués.

— Les Naroués savent-ils ce qu’il a dans la tête ?

— Ils se tiennent tranquilles depuis que le maître le leur a dit, répondit gaiement Rrullf. Alors, que te faut-il pour travailler ?

Derec pensait à autre chose. La caninoïde le traitait d’une manière amicale et pourrait se révéler une alliée à bord du vaisseau. S’ils devaient travailler ensemble, il était temps qu’il cesse de la considérer comme un animal.

— Commençons par le commencement. Je ne peux pas prononcer ton nom, pas même aussi bien qu’Aranimas…

— Je n’aime pas mon surnom, comme il le dit.

— … Mais il faut bien que je t’appelle… Est-ce que tu supporteras Wolruf ?

— Ce n’est pas mon nom, mais je saurai qui tu appelles si tu le prononces.

— C’est tout ce que je demande. Eh bien, Wolruf, j’ai des petits caractères à lire. Est-ce que tu peux me trouver un appareil pour lire facilement ?

— Je vais te chercher quelque chose.

Le scanner amplificateur que Wolruf apporta était une espèce d’instrument d’inspection, il avait un écran à la place de l’objectif et la mise au point était fixe, avec un champ de vision minuscule. Mais l’éclairage rasant, à l’ouverture, illuminait parfaitement les sillons du matricule gravé, ce qui compensait ses défauts.

Wolruf regardait par-dessus son épaule tandis que Derec parcourait les quinze lignes d’informations.

— Sais-tu lire aussi le standard ? demanda-t-il.

— Non. Je vais te confier un secret. J’ai appris le standard pour ne pas avoir à entendre Aranimas massacrer ma langue.

Derec rit et ce rire surprit Wolruf.

— Ce que je regarde là, dit-il, c’est une des marques d’identification du robot. Ça va m’apprendre diverses choses qui m’aideront à réparer les dégâts. Le nom du fabricant, le modèle, la date d’immatriculation, les paramètres de modifications à la commande…

Il continua sur ce ton pendant un moment, étoffant ses explications du plus grand nombre possible de termes techniques, dans l’espoir de paraître d’une parfaite franchise et prêt à collaborer, alors qu’en vérité il ne disait rien. Il se garda de révéler que si ce robot venait de la Terre, l’inscription lui dirait à qui il appartenait, que les trois lignes chiffrées en bas de l’écran étaient les codes d’accès à la programmation et à la séquence d’immatriculation, les clefs qui lui permettraient de faire mieux que de simplement le réparer : de modifier aussi sa programmation.

— Qu’est-ce que ça dit ?

— Celui-ci est un Ferrier Modèle EG. Programmé pour le service domestique. (« Et pour la défense personnelle, ajouta Derec à part lui ; un robot garde du corps. ») Date d’immatriculation. Année standard…

Puis il déchiffra les quelques mots suivants et resta muet.

— Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Wolruf. Quelque chose ne va pas ?

— Euh… si… Si, ça va. Le robot a été immatriculé à Aurora.

— C’est un de tes mondes ?

— Oui.

— C’est important ?

— Non, assura Derec. Voyons un peu son copain.

Mais c’était très important et ses mains tremblèrent quand il prit le scanner pour se lever. Il se rappelait Aurora. Il se souvenait du monde de l’aurore. Pas seulement des choses que tout le monde savait : c’était le premier monde spatial, il avait été pendant longtemps au centre des autres, c’était là que se trouvait le très célèbre Institut de Robotique où cette science avait fait les plus remarquables progrès.

Comme si un rayon de lumière avait traversé un rideau noir, Derec se rappelait Aurora comme un lieu où il avait séjourné : il retrouvait des images, un cosmoport, une ville-jardin, une campagne idyllique. Il avait eu des rapports avec cette planète, il avait avec elle des liens assez forts pour que son seul nom perce une brèche dans le mur qui le séparait de son passé.

Enfin, il savait quelque chose sur lui-même. Il avait été sur Aurora. Ce n’était pas grand-chose en matière de biographie, mais c’était un début.