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Le siège en vinyle crisse quand le chauffeur de bus de la ligne 14 fait basculer son poids en avant, sa casquette posée en arrière sur sa coupe afro grise et courte. Il se tourne vers moi. Le chauffage est poussé à son maximum et il a la peau luisante.

« Bonjour, mon petit, me lance-t-il quand je monte à bord. Dure journée, hein ? » Je lâche ma poignée de monnaie dans la boîte ad hoc. « Ça oui ! dis-je, même si je sais qu’il fait la même remarque à de nombreux habitués, encore et encore. Dure journée, hein ! » Je ne prends pas toujours le bus, mais je n’ai pas réussi à retrouver mes marques après l’altercation de ce matin, et je suis trop éreintée pour faire à pied et dans le froid la distance qui me sépare de chez moi. Je laisse aller ma tête contre la vitre ; les vibrations grondent à travers mon crâne, un tintamarre qui fait obstacle à tout ce qui concerne Erin Cogan, les berceaux et les dossiers d’empreintes. La neige a commencé à tomber pour de bon cette année, une semaine après le jour de l’an, et elle donne un nouvel éclat aux rues étroites de l’université. Le bus descend en roue libre sur Jefferson, dépasse des bâtiments officiels de style géorgien et néogothique appartenant au gouvernement et à la municipalité, le centre moderne de chirurgie plastique, des fontaines publiques et des parkings municipaux. J’ai lu un jour un article d’un architecte paysagiste qui disait que Syracuse s’était construite autour de « carrés et de triangles » et cela me saute particulièrement aux yeux quand je suis derrière la vitre d’un bus. Progressivement, le chauffeur rétrograde, la circulation s’est densifiée avec la sortie des bureaux du centre-ville.

Je contemple la neige qui se précipite en bourrasques sur l’arrière des voitures et qui va et vient sous les essuie-glaces non synchrones du bus. La neige sur les réverbères et les maisons victoriennes. Je suis absorbée par le spectacle, qui me procure un doux enchantement. Observer me permet de laisser libre cours à mes souvenirs, en particulier de penser à ma mère. Ma mère adoptive, celle qui m’a déçue et trahie : Pia.

Je suis allée vivre chez Pia et Henry McWilliams quand j’avais à peine 3 ans. Ils sont toujours restés vagues à propos de l’endroit d’où je venais. Évoquant des lieux comme « l’hôpital » et « l’agence ». J’ai toujours senti que certaines questions – à propos de mon ancienne vie ou de mes parents – étaient à éviter. Presque comme si les interroger pouvait mettre Pia en danger.

Pia ne me regardait jamais en face. Il semblait par moments qu’elle avait peur de me voir ou que c’était pour elle trop difficile à supporter. Elle avait un menton de poupée, des lèvres rondes, naturellement rouges sur une peau translucide. Elle s’autorisait à peine à manger, se privant au point qu’elle était mince comme une allumette, la poitrine si lourde que ses épaules étroites semblaient l’enserrer. Elle avait les bras perpétuellement croisés et serrés sur ses seins. Il était toujours surprenant et curieux de l’étreindre ; à mesure que je grandissais, quand je la prenais dans mes bras, j’avais l’impression de consoler un enfant. Je sentais dans son dos la rondeur de ses vertèbres, son cœur palpitant sous mes doigts. Elle insistait pour me serrer dans ses bras une fois par jour quand je rentrais de l’école, ce qui était bien assez pour nous deux ; puis elle se détournait, les doigts pressés contre son sternum, comme si je l’avais serrée un poil trop fort.

Elle avait coutume de dire que Henry et elle m’adopteraient officiellement très bientôt, dès qu’ils se seraient « organisés » et qu’ils auraient rassemblé « la paperasse ». Une fois où je l’interrogeai à ce sujet, quelques jours après mes 12 ans, elle avait eu un petit rire contrit et désinvolte, son regard bleu flottant au-dessus de mon épaule gauche, et m’avait expliqué : « Eh bien, voilà, c’est un tas de paperasses et de formalités, alors à quoi bon, en fin de compte ? Ce n’est pas nécessaire… nous savons que tu es notre fille, et c’est la seule chose qui compte, non ? A-t-on vraiment besoin d’un juge pour nous le dire ? Est-ce que ce n’est pas insultant, finalement, quand on y réfléchit ? »

Elle m’a aussi dit, en plusieurs occasions, que pour elle, le devoir le plus important des parents était de protéger leur enfant des « désagréments du monde ». C’était manifestement quelque chose que sa propre mère n’avait pas su faire pour elle.

Henry plissait le front en considérant ses mains posées sur ses genoux. Il y avait certains sujets dont il semblait ne pas pouvoir vraiment parler, qui appartenaient à Pia. Mais pour d’autres questions, comme par exemple comment réparer les moteurs, les horloges, les télévisions, les ouvre-boîtes, il était intarissable. Il me laissait plonger dans l’univers graisseux sous le capot de la voiture et me montrait comment toutes les pièces du moteur s’ajustaient, aussi précises que les roues dentées et les ressorts du mécanisme d’une montre.

De sorte que, même s’il ne pouvait me parler d’amour, de famille ou de regret, tout allait bien parce qu’il me parlait de la construction des moteurs. La nuit, il venait me voir, repoussait les cheveux sur mon front et disait : « Tu es encore éveillée, vieille branche ? »

Je le regardais, dans l’obscurité de ma chambre, et je répondais : « Je crois. »

Il disait : « Je crois aussi. Ferme les yeux, vieille branche. Fais de beaux rêves. » Il m’embrassait sur le front, là où il avait relevé mes cheveux. Puis il laissait la porte légèrement entrouverte, comme j’aimais qu’il le fasse. Même si Pia passait une heure plus tard et la fermait en silence.

Je ne me souviens pas de nos premiers jours ensemble, mais on m’a dit que je parlais peu. Pia raconte que quand je suis arrivée, et que mes capacités de langage ont progressé, j’ai commencé à faire des remarques bizarres ou à donner des détails inexplicables sur moi-même. Je pouvais montrer du doigt un pommier dans le jardin et dire : « Dodo ici. » Ou, après avoir exploré un champ, je pouvais dire : « Manger ici. » J’étais attachée à un oreiller marron pelucheux, que j’appelais « maman », et je me réveillais la nuit en réclamant ma mère, refusant les bras de Pia. Comme si je savais qu’il existait une autre mère, une meilleure, qui m’attendait ailleurs. Et c’est vrai que, malgré sa fragilité apparente, c’était de l’acier qu’il y avait dans la colonne vertébrale de Pia.

Lentement, en mettant bout à bout mes remarques et les bribes d’information dont elle disposait, ma mère adoptive commença à nourrir un affreux soupçon. Au début, elle attribuait mes histoires de forêt et de singes à une imagination saturée de télévision, mais elle constata que la description de mes souvenirs, même quand j’étais petite, ne variaient pas d’un iota. Les yeux bleus façon bébé Cadum de Pia étaient la seule tache de couleur dans le paysage enneigé de Syracuse. Je les fixais tandis que nous étions assises ensemble à la table de la cuisine. Au début, mes histoires parurent la laisser perplexe ; elle m’incitait à poursuivre en disant : « Ah, bon, c’est vrai ? Et est-ce que ta maman de la forêt a un nom ? Non ? Tu es sûre ? Tu n’aimerais pas lui en donner un ? Pourquoi pas ? » Comme je persistais en grandissant, elle commença à me mettre au défi en disant des choses comme : « Allons, ma chérie, tu sais que les singes sont des inventions, n’est-ce pas ? Non ? »

Puis elle me regardait fixement, dépitée et sans savoir que penser. « Je t’en prie, Lena, on arrête, disait-elle en se frottant les bras. Les gens normaux ne parlent pas comme ça. »

J’avais 6 ans à l’époque. Nous regardions la télévision dans la pièce dite familiale. Je n’étais toujours pas complètement à mon aise dans la maison. Dehors ou en bas de la rue, dans le garage de Henry, je me détendais, je riais, je courais dans l’herbe folle et je rampais sous les voitures avec Henry, enchantée par le labyrinthe des moteurs. Mais dans le domaine de Pia, entre les murs de la maison, j’appris à m’asseoir, les bras collés contre mes flancs, les mains sur les genoux, le souffle court : j’étais terrifiée à l’idée de casser une lampe (encore une) ou un vase ou de laisser une trace de pas boueuse (encore une) sur le tapis persan.

Ce jour-là, Henry roupillait dans son fauteuil avec le petit napperon sur l’appui-tête, et nous étions assises, Pia et moi, sans nous toucher tout à fait, côte à côte sur la banquette. Il y avait un vieux film à la télévision. Je me souviens du feuillage dans les tons noir et beige qui ondoyait, et de l’homme qui se balançait à travers les arbres, produisant un éclair de blancheur. Je me souviens de la vibration de son cri terrible. Je fus hypnotisée par le film, me laissai glisser par terre sur le tapis, m’avançai de plus en plus, jusqu’à quelques centimètres de l’écran.

Je sentais Pia dans mon dos qui faisait signe à Henry : Regarde-la, regarde-la ! D’habitude je n’étais pas autorisée à m’asseoir si près de l’écran à cause des « radiations » qui émanaient, disait-elle, de l’appareil. Mais il y avait quelque chose de différent – je crois que nous le sentions tous. Je me sentais aussi électrique que la télévision, comme si mes entrailles crépitaient sous l’effet des mêmes ions statiques. Je restai bouche bée, observant l’homme, la femme, les oiseaux, le tigre, les feuilles. Et finalement, elle fut là, celle que j’attendais, dont j’avais su qu’elle finirait par venir. Je sautai sur place en criant : « Maman ! Maman ! » Pia se pencha en avant.

« Tu trouves qu’elle ressemble à ta maman, Lena ? Mais laquelle ? Il y a deux dames ici… tu veux dire la jolie, avec les cheveux noirs, comme les miens ?

— Non, non, là ! criai-je et je posai le doigt sur l’écran. Là, ma maman ! » Pia prit une inspiration.

« Tu vois ? Regarde, tu vois ? Qu’est-ce que je te disais, Hank ? Qu’est-ce que je te disais ? »

Henry se dégagea de son fauteuil et passa ses bras autour d’elle pendant qu’un grondement sourd, de félin, s’échappait d’elle, ça me fit si peur que j’en pleurai presque. Je me penchai vers la télévision en criant : « Maman, maman », le front contre l’écran. Ma main était posée sur l’image de la guenon.

On m’envoya dans ma chambre pour le reste de la journée. Je savais que j’avais commis une erreur terrible. Henry m’apporta mon dîner ce soir-là. Il s’assit sur le lit et passa son bras autour de mes épaules. Il dit que j’allais l’accompagner au travail pendant les jours suivants pour laisser maman se reposer, c’était super, non ? Je reniflai et secouai la tête.

Mais il semblait que, désormais, plus rien n’irait comme il fallait. Henry m’amenait au garage chaque matin et me ramenait à la maison pour le déjeuner, et Pia se plaignait que j’empestais l’huile de moteur. Elle m’adressait à peine la parole, et passait son temps à ruminer dans les couloirs. Parfois, en fin d’après-midi, elle oubliait d’allumer les lumières et la maison restait dans l’obscurité. Devant la porte de ma chambre, la nuit, je l’entendais dire à Henry : «…garanti qu’elle était 100 % blanche. Je ne suis même pas sûre que…»

J’attendais qu’on me dise que j’allais être renvoyée. Je pliais toutes mes chemises en petits carrés impeccables exactement comme Pia aimait les voir et je les empilais sur ma commode, pour faciliter les choses quand le moment de partir arriverait.

Après que Pia eut passé quelques jours à broyer du noir, Henry me réveilla un matin pour me dire que maman allait s’absenter toute la journée pour faire des courses, qu’on ne la verrait pas avant le soir. J’étais sûre qu’elle cherchait un endroit pour se débarrasser de moi. Mes émotions – tout mon être – semblaient repliées sur elles-mêmes aussi impeccablement que les chemises sur la commode. Je me sentais curieusement intouchable, comme si rien ne pouvait m’atteindre. Dès que je rentrai du garage avec Henry, je me rendis dans ma chambre. Je ne pris pas la peine de me coiffer ou de me changer, car cela ne me paraissait plus nécessaire maintenant que je m’en allais. Je m’assis sur le lit, les mains serrées sur les genoux et j’attendis le retour de Pia.

Je ne sais pas combien de temps j’ai attendu. Cela a pu durer des heures. Le soleil s’était couché et les fenêtres me renvoyaient une lueur noire ; le monde de dehors aurait pu ressembler à n’importe quoi à cette heure. Je me souviens seulement que je tremblai quand j’entendis enfin la clé de Pia tourner dans la serrure de la porte d’entrée. D’abord, sa voix et celle de Henry s’entremêlèrent, étouffées et basses, juste sous ma chambre, dans la cuisine. Puis Henry haussa le ton. Je pouvais imaginer ce qu’il disait : « Je ne veux pas…» Les mots se perdirent, inaudibles, puis la voix de Pia, plus claire et plus haute : « Vraiment, Henry, je ne vois pas pourquoi…» J’étais tout ouïe, convaincue qu’ils parlaient de moi, que mon père adoptif essayait courageusement d’amener Pia à changer d’idée. Mais ce fut tout ce que je réussis à deviner.

Au bout de quelques minutes d’un échange sourd, il y eut un silence si long que je me demandai s’ils étaient allés se coucher. Mais je reconnus alors le pas de Pia dans l’escalier. Elle monta lentement les marches, entra dans ma chambre, et s’assit à côté de moi sur le lit. Elle avait un visage calme et grave quand elle posa la main sur la mienne.

« Le moment de vérité est venu, Lena », annonça-t-elle, sourcils levés, ses iris ronds m’observant fixement.

Quand elle prononça ces mots, un frisson se propagea du sommet de mon crâne jusqu’à mes mains et mes pieds. Je fixai le sol.

« Quand tu es venue à moi – à nous – pour être mon bébé, dit-elle en posant une main à plat sur sa poitrine, tu savais que je n’aimais pas tes petites histoires de singes. Je croyais que ça te passerait en grandissant. Je croyais que c’était juste une phase.

Et comme tu n’as pas arrêté, eh bien, ta maman ne savait pas quoi faire. Alors, hier… (Elle baissa la tête pour placer ses yeux à ma hauteur.)… je suis retournée voir les sœurs à l’orphelinat.

— À mon orphelinat ? »

L’évocation de ce saint lieu me remplissait de respect.

« C’est ça, confirma-t-elle d’une voix légère. Là-bas. Et je les ai interrogées, Lena. Je leur ai posé des questions…»

Sa voix resta en suspens.

« Sur ma maman ? chuchotai-je.

— Oui, c’est ça. Et tu sais ce qu’on m’a dit ? »

Elle ne bougea pas d’un iota, seuls ses yeux parurent devenir plus intenses, d’une couleur plus profonde, les pupilles plus larges. J’entendais sa respiration.

Je mordis ma lèvre inférieure. Le monde s’immobilisa. Je secouai la tête.

« Eh bien, on m’a dit que tout cela était vrai, absolument vrai. (Ses yeux étaient braqués sur moi, c’était un regard sans fond. Après un moment de stupéfaction, un moment interminable, durant lequel je ne pus ni parler ni réagir, elle dit :) Tu vois, il fallait que cela se passe ainsi… pour que nous soyons finalement réunies. Elles m’ont dit que tu avais été secourue dans la forêt par un Américain. Un travailleur humanitaire. Tu sais ce que c’est ? Ils t’ont trouvée avec elle. Avec la maman singe. On a dû l’endormir.

— Ils lui ont fait du mal ?

— Non, ma chérie, c’était juste pour te sauver et t’amener ici pour que tu puisses vivre avec moi et devenir ma petite fille à moi. Ce n’est pas merveilleux ? »

Je la regardai fixement, le pouls trop fort pour que je puisse parler. J’étais trop émue et effrayée à l’idée que mes souvenirs étaient vrais. Cela attestait ma solitude, l’impression que j’étais une curiosité. Jusqu’à ce jour, j’avais tout fait pour devenir une gamine normale dans une banlieue normale, pour apprendre ce qu’étaient les barrières et les jardins et les terrains de jeux. Dans les livres de lecture que je recevais à l’école, des petites filles couraient derrière des chiens et des ballons ; il n’y avait pas de forêt tropicale ni de singes qui protégeaient des bébés. Tandis que, au-dehors, rien n’avait changé, dans mon for intérieur, le monde et ce que j’essayais d’apprendre sur lui s’étaient évaporés.

Je ne voyais pas mes premiers sauveteurs comme des grands singes. Ils avaient des mains parcheminées, des yeux doux et, toujours, leur fourrure sombre.

Il y avait des cris lointains dans les arbres. Des gazouillis qui traversaient ma tête, longeaient ma colonne, occupaient ma cage thoracique, et une sensation de douceur m’envahissait.

« Mais n’oublie pas, Lena, poursuivit Pia. Cela doit rester secret. Tu ne dois pas parler des singes devant des étrangers. Personne ne te croira. »

Pia ne me livra jamais le nom de l’orphelinat et, en fait, elle avait érigé autour d’elle une forteresse pour se protéger quand j’essayais de lui arracher des informations. Il semblait que même les questions les plus indirectes sur mon passé la mettaient au supplice. Sa lèvre inférieure se retroussait, son menton tremblait. Elle disait que, désormais, Henry et elle étaient mes parents, qu’ils allaient m’adopter officiellement très bientôt. Dès que les derniers documents seraient arrivés.

Il ne me reste que quelques rares souvenirs de mon séjour dans la forêt. Tout d’abord les cicatrices blanches à peine visibles sur mes bras et mes jambes, sans doute les séquelles d’un accident d’avion. J’ai fait des recherches sur Internet et en bibliothèque, mais en dehors du crash d’un Havilland Cornet sur le flanc d’une montagne en Espagne, je n’ai rien trouvé sur une catastrophe aérienne à cette époque. Pia n’a pas voulu ou n’a pas pu vérifier dans quel pays on m’a retrouvée. Je crois que c’était dans une forêt tropicale parce que je me souviens d’un épais tapis de feuilles et d’une canopée… et tout en haut, un ciel de la grosseur d’une pièce de monnaie. À en juger par la date où j’ai été placée dans une famille, j’ai peut-être survécu deux ans dans cette forêt. Personne ne connaît ma date de naissance exacte.

Au lycée, j’entrai dans une période de recherche : je voulais savoir à quoi mes premiers jours avaient pu ressembler. Je me documentai sur les espèces menacées des forêts tropicales, sur les grands singes à dos argenté, sur les enfants sauvages élevés par des animaux. Je tenais mon journal dans lequel je notais le moindre fragment d’image qui me revenait en flash ou la moindre sensation provoquée au contact d’une feuille, baie ou écorce. Mais aussi les histoires de Pia, qui semblaient toujours converger avec mes propres pensées : « Elles disent qu’elle te chantait des chansons, qu’elle te tenait serrée dans ses longs bras. » Et j’étais envahie par un sentiment d’égarement, de honte et de faiblesse.

Mon autre souvenir se trouve dans une vieille boîte à cigares gravée d’ibis et de palmiers nains, que je garde sur ma table de chevet près de mon lit, quelque chose que, d’après Pia, je portais au cou quand je suis arrivée chez eux.

Une dent de singe au bout d’un lacet.

J’appuie sur le bouton pour demander l’arrêt et j’avance d’un pas chancelant vers l’avant du bus qui ralentit. Alors que je descends les marches, le chauffeur me lance : « Allez, faites attention à vous, mon petit. »

Le vent me frappe dès que je mets le pied à terre, il chante à travers mon manteau de laine. Je m’arrête un moment à l’intérieur de l’abribus vitré tandis que le bus s’éloigne lourdement, le gaz d’échappement dans son sillage. Mon appartement est de l’autre côté de la rue, en face de l’abri, mais je dois m’armer de courage pour affronter le vent qui fouette James Street. J’attends qu’il y ait une pause dans la circulation et puis je cours sans m’arrêter jusqu’à la porte d’entrée.

Origine
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