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Verkan Vall observait Dalla en train de bourrer une petite pipe au tuyau de bambou. Elle préférait les cigarettes, mais celles-ci étaient inconnues dans le secteur aryano-transpacifique. Faute de papier. Il serait bien étonnant que Kalvan n'essaie pas de faire quelque chose dans ce domaine ! Derrière eux, quelqu'un tapait à grand bruit sur quelque chose. Les murs de la pseudo-grange préfabriquée renvoyaient l'écho des voix. Ici, tout était provisoire. Tant qu'une tête de convoyeur ne serait pas établie dans la cité d'Hostigos, personne ne saurait où les choses devaient prendre place dans l'équivalent de l'Hostigos du Cinquième Niveau.

Talgan Dreth, assis sur une caisse, une liste sur les genoux, leva les yeux. Voyant ce que faisait Dalla il l'observa tandis qu'elle sortait son briquet à amadou, faisait jaillir l'étincelle, soufflait sur la mèche allumait un éclat de pin et lâchait une bouffée de fumée – le tout en quinze secondes !

Il sourit : « On dirait que vous n'avez fait que ça tout votre vie. »

« Mais naturellement, » répondit-elle, impassible, « Il n'y a que les sauvages qui frottent deux bâtons l'un contre l'autre et que les sorciers pour produire du feu autrement que par le choc de l'acier sur le silex. »

« Avez-vous vérifié les ballots de marchandises, Vall ? »

« Oui. Tout est parfaitement en ordre et conforme à ce qu'on trouve sur la ligne tempo de Kalvan. J'ai apprécié les peaux de daim et d'ours. Il nous faudra faire feu de tout bois en chemin et jamais un colporteur ne jette des peaux vendables. »

Talgan Dreth réussit presque à cacher le plaisir qu'il éprouvait. C'était loin d'être la première opération hors-temps qu'il montait, mais l'approbation de la Police paratemporelle lui faisait toujours chaud au cœur.

« Nous ferons le saut cette nuit, » poursuivit-il. « J'ai envoyé une patrouille en reconnaissance sur quelques-unes des lignes temporelles attenantes et nous avons examiné de près la tempo cible hier soir. Vous émergerez à quelque quinze milles à l'est de la route Hostigos-Nyklos. »

« Ce sera parfait. Ils apportent de la poudre à Nyklos et en ramènent des chevaux. La cavalerie d'Harmakros patrouille sur la route. Nous camperons au point d'arrivée et nous nous mettrons en marche au lever du soleil. En principe, nous devrions tomber sur un détachement hostigi avant midi. »

« Tu ne seras plus mêlé à des batailles, n'est ce pas ? » demanda Dalla à son mari.

« Il n'y aura pas de batailles, » fit Talgan Dreth. « Kalvan a gagné la guerre en l'absence de Vall. »

« Il a gagné une guerre. Combien de temps restera-t-elle gagnée ? Je n'en sais rien et lui non plus. Mais la guerre ne se terminera qu'avec la destruction de la Maison de Styphon. Et cela ne se fera pas tout seul. » 

« Elle est déjà détruite, » rétorqua Talgan Dreth. « Kalvan l'a démantelée en montrant que le premier venu était capable de fabriquer de la poudre. Allons donc ! Elle était condamnée dès le début, elle était fondée sur un secret et un secret finit toujours par s'éventer à la longue. »

« Même le secret du paratemps ? » s'enquit innocemment Dalla.

« Mais vous savez bien que c'est quelque chose de tout à fait différent, voyons, Dalla ! On ne peut comparer le secret du paratemps avec une recette pour fabriquer de la poudre en mélangeant du salpêtre, du charbon et du soufre ! »