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Le comte Netzigon attendit d'être dehors pour se passer un mouchoir sur la joue. Il saignait abondamment et le sang avait coulé sur sa manche. Le nettoyage coûterait cher à Gormoth, par Styphon !

Comme si cela avait été de sa faute ! Aurait-il donc fallu qu'il attendît sans bouger pendant que Chartiphon le mitraillait de l'autre côté de la rivière ? Et comment aurait-il pu savoir quelle sorte de canon Chartiphon utilisait ? Ce n'était pas une légende, les Hostigi devaient sûrement fabriquer leur propre semence de feu. Jusqu'à la veille, Netzigon ne l'avait pas cru. À trois reprises, il avait fait charger sa cavalerie et, à trois reprises, l'artillerie adverse l'avait clouée au sol avant qu'elle ait pu seulement passer la rivière. Il n'avait jamais vu des pièces expédier si loin leur mitraille.

Alors, il avait lancé son infanterie sur Vyllos. Elle avait refoulé la piétaille du prince Ptosphès dans la vallée. Puis il avait attaqué le flanc droit de Chartiphon. L'affaire était apparemment gagnée. Mais Ptosphès avait rameuté ses troupes exténuées, qui s'étaient battues comme des tigres. Sur ces entrefaites, sa diablesse de fille avait… Netzigon avait entendu dire qu'elle avait été tuée. Styphon bénisse celui qui avait fait cela !

Dés lors, ç'avait été la débandade. Les Hostigi l'avaient obligé à repasser la rivière en lui taillant des croupières. Des émissaires étaient arrivés de la cité de Nostor, lui annonçant que Klestréus avait été défait dans la province orientale d'Hostigos et lui transmettant l'ordre de se replier. Il avait battu en retraite dans un pays qui était la proie des flammes. Dyssa était en cendres, les fuyards hurlaient qu'un millier d'Hostigi dévalaient la montagne à la brèche de Dombra. Ces indignes recrues paysannes jetaient leurs armes et tournaient les talons…

Tout cela, c'était de la sorcellerie ! Ce maudit magicien étranger, Kalvan…

Quelqu'un lui toucha le bras. Sa main se porta sur le pommeau de sa dague. Mais Netzigon se détendit en reconnaissant le garde du corps de l'archiprêtre.

« Vous avez été traité de façon injuste, » dit l'homme à l'armure noire. « Par Styphon ! J'étais courroucé de voir un vaillant soldat malmené comme un serf malhonnête ! »

« Sa Sainteté Krastoklès n'a pas été traitée avec la révérence qui lui est due, non plus que Sa Sainteté Vyblos, » répliqua Netzigon. « J'ai été scandalisé d'entendre insulter de cette façon un oint de Styphon. Qu'espérer d'un royaume dont le prince outrage ainsi les prêtres d'un dieu ? »

Le capitaine sourit. « Quelle joie d'entendre d'aussi pieuses paroles dans cette Cour ! Comte Netzigon, il serait bon que vous ayez un entretien avec Sa Sainteté Disons ce soir, au temple. Venez après la tombée de la nuit, habillé comme un plébéien, le visage caché sous un capuchon. »