TROIS.

 

 

Rylla et son père étaient assis derrière la table du petit cabinet de travail aux deux bouts de laquelle se trouvaient Chartiphon et Xentos. Le capitaine Harmakros était dans un fauteuil près de la cheminée, son casque posé à terre à côté de lui. Vurth, le paysan, un court mousquet de cavalerie en bandoulière, un cornet à poudre et un sac de balles à la ceinture, se tenait debout en face d'eux.

« Tu as bien fait, Vurth, » le félicitait le prince. « Tu as bien fait d'envoyer le message, bien fait de dire à la princesse Rylla que l'étranger était un ami. Et tu as combattu avec vaillance. Je veillerai à ce que tu sois récompensé. »

Vurth sourit.

« Mais, prince, j'ai déjà ce fusil et de la semence de feu. Et mon fils a pris un cheval avec tout son harnachement ; il y avait même des pistolets dans les fontes. La princesse a dit que nous pouvions tout garder. »

« Ce sont là de légitimes prises de guerre. Mais on apportera quelque chose à ta ferme demain, tu peux compter sur moi. Quand même, ne gaspille pas ta semence de feu à tirer sur les daims. Tu en auras besoin avant longtemps pour expédier d'autres Nostori. »

D'un signe de tête, il congédia Vurth qui, épanoui, s'inclina et sortit à reculons en se confondant en remerciements. « Tuer cet homme reviendrait cher à Gormoth de Nostor, » fit observer Chartiphon qui le suivait des yeux.

« Cette nuit lui a déjà coûté gros, » dit Harmakros. « Huit maisons brûlées, une douzaine de paysans massacrés, quatre morts et six blessés dans les rangs de nos cavaliers. Mais nous avons décompté plus de trente cadavres nostori sur la route et six à la ferme de Vurth. Plus les chevaux que nous avons ramenés. Je me demande, » ajouta-t-il après une courte pause, « si plus d'une dizaine de ses hommes s'en sont sortis sains et saufs. »

Le prince Ptosphès laissa échapper un rire dépourvu de gaieté. « Je suis heureux que quelques-uns aient échappé. Ils auront un beau récit à faire au retour. J'aimerais voir la tête que fera Gormoth quand il l'entendra. »

« La plus grande part de la victoire est à porter au crédit de l'étranger, » dit Rylla. « S'il n'avait pas rameuté les fuyards à la ferme de Vurth et pris leur tête, la plupart des Nostori se seraient repliés en bon ordre. Et c'est moi qui ai tiré sur lui ! »

« Tu ne pouvais pas savoir, mon petit, » fit Chartiphon. « J'ai été, moi aussi, à deux doigts d'abattre des amis dans des échauffourées semblables. » Il se tourna vers Xentos. « Comment va-t-il ? »

« Il vivra pour recevoir l'expression de notre reconnaissance, » répondit le vieux prêtre. « L'ornement qu'il portait sur la poitrine a amorti la force du projectile. Il a une côte cassée et une méchante plaie ouverte la chère Rylla a la main lourde pour charger ses pistolets. Il a malheureusement perdu beaucoup de sang mais il est jeune et vigoureux et le frère Mytron a bien de l'habileté. Il sera remis sur pied d'ici à une demi-lune. »

Rylla sourit de contentement. Il aurait été atroce qu'il meure, et de sa main, cet étranger qui avait si bien combattu. D'autant qu'il était beau, et si vaillant ! Qui pouvait-il être ? Un noble ou quelque grand capitaine, évidemment.

« Nous devons beaucoup à la princesse Rylla, » reprit Harmakros. « Quand le villageois nous a rejoints, j'étais partisan de rebrousser chemin avec trois ou quatres hommes pour voir de près l'étranger de Vurth. Mais la princesse a dit : « Nous avons seulement le témoignage de Vurth affirmant qu'il était seul. Mais il y en a peut-être cent autres qu'il n'a pas vus. » Alors, nous sommes tous repartis et vous connaissez la suite. »

Une joie sereine peinte sur son visage, le vieux Xentos s'écria « Nous devons la victoire à Dralm. « Et il ajouta : « Et à Galzar Tête de Loup, bien sûr. C'est le signe que les dieux ne se détourneront pas d'Hostigos. Qui que soit l'étranger, ils nous l'ont envoyé pour nous aider. »