CHAPITRE 20

— Vous avez entendu tout ça ? demanda Starkiller depuis la surface de la planète.

— Oui, répondit Juno, dont les sentiments étaient décidément partagés sur la tournure qu’avaient pris les événements.

Bien qu’elle soit contente d’avoir atteint l’objectif que leur avait fixé l’ami de Kota au Sénat, la façon dont ils côtoyaient le danger en permanence lui donnait des sueurs froides. Il y avait peu de chance pour que Starkiller quitte la terre ferme bientôt et les cristaux de stygium ne pouvaient pas durer éternellement.

— Vous allez faire ce qu’elle vous demande ?

— Je le fais déjà, répondit-il.

— Vous et votre idée de tout résoudre avec une seule solution, grommela-t-elle à l’attention de Kota.

— Tout va bien là-haut ? lui demanda Starkiller.

— On tue le temps, répondit-elle. Où croyez-vous que les Wookiees sont emmenés… et dans quel but ?

— Je n’en ai pas plus d’idée que toi. Ils sont forts et intelligents. S’ils n’avaient pas cette fâcheuse tendance à arracher la tête des gens quand ils sont en colère, ils feraient d’excellents esclaves.

— Il y a moyen d’éviter ça, intervint sombrement Kota.

— Que voulez-vous dire ? interrogea Juno.

— L’attachement, lui expliqua-t-il. Les Wookiees ont un sens de la famille très développé. (Ses lèvres se tordirent.) C’est pour cela que les Jedi n’avaient pas de famille. C’est le seul moyen de rester objectif.

— Rester objectif n’a visiblement pas suffi, dit Juno.

Le général se renfrogna.

— Kota, intervint la voix de Starkiller depuis la planète. Je voudrais que vous transmettiez le message au père de cette fille, qui qu’elle soit.

— D’accord, dit le général en se tournant vers son clavier. Je vais essayer.

Le silence tomba sur le système de communication. La paire à bord du Rogue Shadow attendit sans un mot pendant un moment, il tapait au clavier, perdu dans de sombres pensées, et elle se demandait ce qui arrivait à Starkiller sur le sol. Elle scanna les banques de données du vaisseau à la recherche d’informations sur les forêts de Kashyyyk et fut loin d’être rassurée. S’il ne se faisait pas tirer dessus par des Impériaux qui convergeaient vers l’endroit où il avait semé le chaos un peu plus tôt, il risquait de se faire manger par des blastails ou réduit en chair à pâtée par de terribles minstyngars. Après avoir tapé pendant un long moment, ponctuant sa frappe de grommellements irrités et de bougonnements inquiets, Kota repoussa le clavier et bondit de sa chaise. Avec un « Rah ! » retentissant, il sortit du pont en titubant, tâtonnant les murs pour trouver son chemin.

— Il y a quelque chose qui ne va pas ? lui cria-t-elle.

Il ne répondit rien. La porte de la chambre de méditation s’ouvrit dans un sifflement.

Elle haussa les épaules et le laissa tranquille. S’il n’avait pas envie de parler, elle ne pouvait pas le forcer.

Elle abandonna les multiples dangers des forêts de Kashyyyk et, à la place, se mit à faire des recherches sur la conception de la station orbitale. Cela lui changea les idées mais cela ne la rassura pas vraiment.

Avec un léger crépitement, la voix de Starkiller se fit entendre dans le comlink.

— Général Kota ?

— Il n’est pas là pour le moment, répondit-elle.

— Va le chercher, ordonna-t-il. Je… je crois que j’ai trouvé quelque chose.

Il y avait une pointe d’énervement dans sa voix, quelque chose de nouveau et d’étrange.

Elle n’hésita pas.

— Kota ! cria-t-elle par-dessus son épaule. Kota, venez ici !

Le général apparut en un instant. Sans tâtonner les murs et sans hésitation, il fit irruption hors de la chambre de méditation et courut pratiquement pour arriver dans le cockpit.

— Que se passe-t-il ?

Elle indiqua le comlink. Il se connecta et Starkiller répéta ce qu’il venait de dire.

— Qu’as-tu trouvé exactement ? lui demanda le général, d’un air inquiet.

— Ce n’est qu’une vieille hutte, répondit Starkiller. Une ruine, en réalité. Mais elle me paraît familière.

Juno sentit la tension monter dans sa voix.

— Je sens quelque chose d’étrange depuis que je suis arrivé sur Kashyyyk. Je ressens une profonde noirceur dans la forêt. Et… oui, de la tristesse. Il s’est passé quelque chose ici.

Kota lui ordonna, avec de l’urgence dans la voix :

— Va-t’en, mon garçon. Poursuis ta mission. Il y a des choses que tu n’es pas prêt à affronter.

— Pourquoi ? demanda Starkiller. Qu’y a-t-il à l’intérieur ?

— Comment veux-tu que je le sache ? J’ai perdu mon lien avec la Force.

Kota s’enfonça dans le siège du copilote.

— Si tu rentres là-dedans, tu devras affronter ce qui s’y trouve, tout seul.

Starkiller ne répondit rien. Juno, perchée sur le bord de son siège, attendait qu’il dise quelque chose, n’importe quoi.

Par-dessus le crachotement du canal de communication toujours ouvert, elle avait l’impression de l’entendre respirer.

— Qu’est-ce qu’il fait ? demanda-t-elle à Kota.

Il la fit taire d’un geste.

Les minutes se traînaient et Juno se convainquit lentement que Starkiller n’était pas entré dans la hutte. Malgré l’envie mêlée de crainte qu’elle avait perçue dans sa voix, il avait suivi le conseil de Kota et avait poursuivi son chemin. En ce moment même, il approchait de la base de la station orbitale. Bientôt, il appellerait pour demander conseil et ses craintes infondées se dissiperaient. Elle rirait, se sentirait idiote, et tout redeviendrait normal.

Tout à coup, Kota se raidit à ses côtés, comme s’il avait été touché par quelque chose de froid et moite dans la nuque. Un muscle de sa joue droite tressaillit. Il haleta bruyamment et prit appui sur la console des commandes.

Il s’affaissa.

— Je t’avais dit de ne pas y aller, mon garçon, dit-il en soupirant.

Juno songea que normal était peut-être un adjectif qui, pour elle, appartenait définitivement au passé.