CHAPITRE 14

À travers les baies d’observation du Rogue Shadow, Juno regarda l’Empirique tomber derrière eux. Le croiseur culbutait et tournoyait. Son orbite modifiée s’était détériorée à tel point qu’il n’y avait plus le moindre espoir d’enrayer sa course vers le soleil. À peine le Rogue Shadow s’en était-il détaché que la protection extérieure de l’Empirique avait pris feu spontanément, dessinant des vagues de lignes jaunes le long de la coque noircie. Sans air pour alimenter l’incendie, dans un premier temps, seuls du métal et du plastique brûlaient. Mais dès l’instant où l’une des baies d’observation éclata, la combustion commença pour de bon.

Ce qui avait été sa prison pendant six mois n’était plus qu’un petit point noir contre la face du soleil lorsque l’Empirique explosa et disparut pour de bon. L’explosion fut presque décevante mais suffisante. Juno décroisa les jambes, contente d’être débarrassée à tout jamais de ce lieu. Starkiller et PROXY occupaient respectivement le siège du copilote et celui du pilote. Un bandage de fortune autour du poignet, Juno était assise derrière eux dans le strapontin, comme une simple marchandise. Comme un passager.

Elle se traînait depuis trop longtemps, pareille à une carcasse de Nerf abandonnée. Il était temps qu’elle reprenne le contrôle de sa vie.

— Hors de mon siège, ordonna-t-elle au droïde qui avait proposé de l’abandonner à une mort certaine à bord de l’Empirique. Elle ne lui en voulait pas car elle savait qu’il ne faisait qu’obéir à sa programmation de base, mais cela ne voulait pas dire qu’elle était obligée de l’aimer.

— Bien, capitaine Eclipse.

Il gagna le siège qu’elle avait libéré, en cliquetant et fredonnant à voix basse.

Un frisson lui parcourut les doigts quand elle toucha les commandes. Elle avait rêvé de ce moment des semaines durant et avait désespéré de le voir jamais arriver.

— Où allons-nous ? demanda-t-elle à Starkiller.

— Loin d’ici.

— Ça marche.

Elle encoda un saut, dans une direction au hasard et s’adossa à son siège. Elle faillit s’étrangler en voyant les traînées familières de l’hyperespace. Elle traversa cette vague d’émotion en souriant et laissa le vaisseau les emporter à l’abri.

Deux sauts plus tard, il était temps de discuter.

— Pas la moindre trace de poursuivants.

Soulagée, elle mit de côté l’analyse de l’espace environnant que les senseurs sophistiqués du Rogue Shadow venaient d’effectuer.

— Nous sommes à des années-lumière de toutes forces impériales.

Starkiller leva les yeux de la blessure qu’il soignait sur son avant-bras droit. Du sang coulait de la plaie. Cette vue la soulagea. Penser aux blessures qu’ils avaient dû recevoir des mains de son ancien Maître lui donnait mal au ventre. Une partie du corps de Starkiller devait être artificielle désormais mais c’était indécelable à l’œil nu. À moins que sa nouvelle tenue ne dissimule plus qu’elle n’en donnait l’impression…

— Alors qu’est-ce qui ne va pas ? lui demanda-t-il.

Elle rougit et espéra de nouveau qu’il ne puisse pas lire ses pensées. Un souci chassant l’autre, elle dit :

— Personne ne sait que nous sommes en vie ou ce que nous avons fait. La galaxie entière s’offre à nous. Alors pourquoi est-ce que, pour la première fois de ma vie, je n’ai aucune idée d’où aller ?

Sa gorge se serra sur ses mots. Elle n’avait pas encore digéré l’idée de sa trahison et de sa désertion.

Starkiller l’observait en clignant des yeux. Elle ne parviendrait jamais à lire ses pensées.

— J’espère que vous avez un plan, lança-t-elle en se raccrochant à son seul espoir.

Il hocha la tête puis dit lentement, comme s’il voulait la sonder :

— Je veux deux choses et je ne peux les obtenir seul. La première, c’est me venger. Pour y arriver, nous devons rallier les ennemis de l’Empereur.

Elle acquiesça de la tête, songeant à Callos et à son père. Après avoir vu la façon dont Starkiller avait tué les soldats sur l’Empirique, elle ne doutait plus ni de sa sincérité ni de sa capacité à tenir ses promesses.

— Continuez.

— La seconde, c’est que je veux apprendre tout ce que Vador n’a pas pu – ou pas voulu – m’apprendre au sujet de la Force.

Elle appuya son coude sur l’accoudoir de son siège et posa le menton dessus :

— Si on n’y prête pas garde, on risque de retrouver notre ancien boulot… la chasse aux Jedi.

Il semblait conscient de l’ironie de leur situation.

— J’en connais un qui pourrait être encore en vie. PROXY, montre-nous le dossier de notre première cible.

Ils se tournèrent pour faire face au droïde, qui vacilla et prit une nouvelle fois l’apparence du général Rahm Kota.

Juno fronça les sourcils.

— Je croyais que vous l’aviez tué.

— Quand je l’ai affronté dans l’usine de chasseurs TIE, il a dit qu’il voyait mon avenir et qu’il en faisait partie.

Elle percevait de multiples failles dans son raisonnement mais elle n’avait rien de mieux à proposer.

— On retourne sur Nar Shaddaa alors.

— Cap sur Nar Shaddaa.

Starkiller pansa ses blessures pendant quelle travaillait sur le navordinateur. Quand ils firent le saut dans l’hyperespace, il ne leva même pas les yeux.

Elle interpréta cela comme un signe de confiance.