CHAPITRE 13

L’apprenti poursuivait sa progression, sous une pluie de tirs de blaster, ralenti dans son avancée par la nécessité de protéger PROXY et lui-même. Le droïde était un expert combat en duel avec lui mais il n’était pas programmé pour combattre les Impériaux. Les tirs de blaster venaient de toutes les directions et les soldats dont il parvenait à se débarrasser étaient aussitôt remplacés par des dizaines d’autres. Leur détermination à le tuer semblait hors de proportion par rapport à la situation. Aller s’écraser dans le soleil lui paraissait prioritaire par rapport au fait de se débarrasser d’un fugitif invalide.

Mais graduellement, en surprenant les commentaires paniqués qu’ils s’échangeaient, il comprit que la réalité était beaucoup plus sombre : la peur qu’il leur inspirait se nourrissait de rumeurs qui couraient sur sa monstruosité intrinsèque, résultat de la pire expérience de Dark Vador, si ce monstre s’échappait, il les massacrerait tous avec une bestialité horrible. La rumeur était un plan de secours, dans l’éventualité où il aurait rejeté l’alliance proposée par son Maître. De toute façon, il devrait combattre pour sortir du vaisseau, avant d’envisager ce qui se passerait ensuite.

À l’annonce que toutes les capsules de sauvetage avaient été jetées par-dessus bord, l’apprenti jeta un coup d’œil au droïde, qui couinait de terreur derrière sa lame tournoyante.

— PROXY, c’est toi qui as éjecté ces capsules ?

— Bien sûr. Maître. C’est important de penser à tout.

Il ravala une réplique énervée.

— On a encore combien de temps ?

— Un tout petit peu.

PROXY n’avait pas l’air le moins du monde inquiet. L’apprenti aurait aimé partager la confiance du droïde. Il avait déjà fallu pas mal de temps et de combats pour se frayer un chemin dans le couloir des spécimens biologiques préservés et rejoindre le point de lancement des capsules de sauvetage. Il y avait encore une série de corridors à négocier avant d’atteindre le sas de décompression qui menait au Rogue Shadow. Il repoussa deux stormtroopers qui étaient devant lui, les menaçant d’un éclair Sith, puis continua sa progression d’un pas résolu.

La zone de détention de la prison était vaste et difficile à défendre mais une escouade de stormtroopers tentait vaillamment de s’acquitter de la tâche. Positionnés à couvert, là où ils le pouvaient, ils tiraient des coups rapides depuis plusieurs endroits en même temps, espérant trouver une brèche dans sa défense. Il n’y en avait pas. Sa nouvelle lame verte fendait l’air avec une efficacité surprenante. Elle ne faisait qu’un avec l’apprenti… comme si sa mort supposée ne s’était jamais produite. Il se sentait fort, puissant, meurtrier.

Une arme refaçonnée par Dark Vador pour mener à la ruine l’Empereur et ses fidèles…

Le chef de l’escouade accompagnait les tirs de blaster d’insultes et de provocations, comme si cela pouvait briser sa concentration. L’apprenti laissa le Côté Obscur déferler en lui, alimenté par sa colère – contre le chef d’escouade, contre le temps qui passait si vite, contre l’Empereur – et il faucha calmement tous ceux qui se mettaient en travers de son chemin.

Quand le dernier s’effondra, PROXY lui tapota l’épaule.

— Dépêchez-vous. Maître. On se rapproche du soleil à toute vitesse. Le système de survie va être dépassé d’un moment à l’autre.

— Attends, dit-il en l’arrêtant d’un geste de sa main gantée. Et que fait-on pour… ?

Juste au moment où il jetait un œil à l’entrée des cellules, il la vit. Juno était maintenue en l’air par une contention magnétique, du sang coulait de son poignet droit. Elle était vêtue des restes dépenaillés de son uniforme impérial, ses cheveux étaient tout décoiffés et sa peau sale. Ses yeux étaient écarquillés par le choc, non seulement de le voir, mais aussi d’observer les dégâts qu’il avait infligés aux stormtroopers.

— Juno…

— C’est…

Elle avait du mal à trouver les mots.

— … vraiment vous !

Il comprenait son hésitation. Elle ne pouvait pas prononcer son nom, car il n’en avait pas.

— Maître, dit PROXY, en se mettant entre eux.

D’une main métallique, il indiqua un sas de décompression à l’autre bout de la pièce.

— Nous y sommes presque ! Dépêchons-nous !

Le hurlement des sirènes était à son apogée. Le vaisseau chancela sous leurs pieds tandis que le contrôle de gravitation montrait des signes de défaillance. L’air était devenu presque irrespirable. Même s’ils partaient sans attendre, ils n’auraient peut-être plus le temps de préparer le vaisseau et de s’échapper.

Le visage de Juno était l’image même du désespoir.

Il ne bougea pas. Était-ce un piège ? Il ne décelait aucune trace de duplicité sur son visage, juste de la peur.

— Maître, dépêchez-vous !

PROXY le tira par sa manche et lui chuchota :

— Elle appartient à votre passé, maintenant. Vous devez l’abandonner, comme le Seigneur Vador l’a ordonné !

Il se dégagea, écoutant son cœur plutôt que sa raison.

— Je ne peux pas. Vas-y déjà et prépare le vaisseau pour le lancement. Nous te suivrons dès que possible.

— Mais, Maître…

— Fais ce que je te dis, PROXY ! C’est mon ordre !

Le droïde s’éloigna en titubant vers le sas de décompression, pendant que l’apprenti désactivait son sabre laser et se mettait à la recherche du générateur de champ magnétique. Il devait bien être quelque part, et il devait être gros pour alimenter les contentions dans toutes les cellules. L’air devenait toujours plus épais et enfumé, les lumières clignotaient, tout cela rendait la concentration difficile. Un enchevêtrement épais de câbles serpentait le long des murs et sous les grilles métalliques. Il suivit leur trace comme il le pouvait pour rejoindre la source, une grande structure rectangulaire fixée à un mur, deux portes plus loin.

Il n’avait pas le temps de procéder à une investigation poussée. C’était la bonne taille, alors il devait tenter le coup. Il leva les deux mains et déchargea une vague d’éclairs au travers de la structure, qui devint en un instant noire et fumante. Du courant déferla le long des fils, produisant des grappes d’étincelles. Juno poussa un cri de douleur soudain.

Il changea de tactique, calma les éclairs, serra les poings et arracha la boîte du mur en tirant violemment d’un coup sec. La machine à l’intérieur explosa, l’air se chargea de débris âcres. Juno poussa de nouveau un cri, de soulagement cette fois.

Il se précipita vers elle, s’aidant de la Force pour repérer son chemin à travers l’air impénétrable. Juno était à quatre pattes et essayait de retrouver l’équilibre sur le sol agité. Elle s’agrippa à lui quand il surgit de la fumée et qu’il l’aida à se relever. Elle ne pesait presque rien.

— Je vous ai vu mourir, dit-elle en le regardant d’un air totalement incrédule. Mais vous êtes revenu.

Plutôt que de la faire marcher, il la porta dans ses bras et courut vers le sas de décompression.

— J’ai des choses à terminer, répondit-il brusquement, ne sachant pas par où commencer.

— Vador ? demanda-t-elle avant de plier en deux sous les assauts d’une toux qui la faisait étouffer.

— Ne te tracasse pas pour lui, dit-il.

Le sas de décompression menait à un étroit passage. L’apprenti sentit de l’air frais souffler vers lui. De la chaleur irradiait à travers les murs. Il baissa la tête et emmena Juno à l’abri.

— On m’a déclarée traîtresse à l’Empire, lui expliqua-t-elle. Je ne peux aller nulle part, je ne peux rien faire…

— Je me fiche de tout cela. L’Empire, je le laisse où il est.

Il mit tout le réconfort qu’il put dans sa voix. Elle n’avait d’autre choix que de le croire sans discussion.

— Et j’ai besoin d’un pilote.

Elle enfouit son visage dans les épaules de l’apprenti, au moment où les parois familières du Rogue Shadow les enveloppaient. Il avait à peine franchi le seuil que la porte du sas de décompression se referma en claquant sur l’Empirique et que des explosions coupèrent le passage.

— Bienvenue à bord. Maître, lança la voix du droïde depuis le cockpit.

Pensant que Juno ne serait pas encore en état d’assurer le vol, l’apprenti cria à son droïde :

— Sors-nous d’ici, PROXY !

— Bien, Maître.

Les moteurs subluminiques s’enclenchèrent sur-le-champ et, en un instant, ils étaient partis.