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Les traînées d’échappement traçaient des hiéroglyphes complexes dans le ciel. Pas moins de quinze missiles convergeaient vers la structure qui avait émergé du lac. Le rayon de l’explosion allait être tellement énorme qu’il était inutile de courir.

Shigar se prépara de son mieux. Il y avait peu de chances qu’il puisse se protéger du plus gros du choc, mais ce qui se passerait ensuite était la grande inconnue. Il ne resterait peut-être plus d’île du tout. Et il ne pouvait flotter indéfiniment sur une mer de lave.

Alors que sa mort était imminente, il songea à ce qu’aurait été sa vie si elle s’était poursuivie. Il le savait, viscéralement et intellectuellement, il avait mérité le rang de Chevalier Jedi. Maître Nobil ne pouvait le dénier à présent. Il avait affronté les ennemis, et le Côté Obscur. Il avait surmonté ses dernières faiblesses. Et, plus important que tout, il était décidé à se battre.

Tu es un produit de ton époque, entendit-il son ancien Maître lui dire. Tu devras affronter les temps futurs avec beaucoup de prudence. Les Sith sont l’ennemi, mais nous ne devons pas devenir comme eux afin de les vaincre. Nous devons rester fidèles à tout ce que nous représentons.

Il ne pouvait dire si sa voix résonnait dans le présent ou si c’était un écho d’un avenir qui jamais ne viendrait. De la même manière, il ne savait pas si c’était un reproche qu’elle lui adressait ou un encouragement.

Je ne peux pas rester bras croisés pendant que les politiciens jouent à ces petits jeux, dit-il en réponse. C’est un acte de vol qui nous a menés ici, et un acte accompli au nom de la République. Même dans ce coin reculé de l’univers, les corsaires et les faux traités ont mis en danger des milliards de vies. Quand la galaxie entière est en danger, qui peut rester sans réagir ?

Pas toi, Shigar Konshi. Pas toi.

Je ne comprends pas. Vous me dites que j’ai tort ou que j’ai raison ?

Peut-être les deux. La réponse échappe à ma prescience.

Il revint d’un coup à la réalité.

Un rugissement surpuissant emplissait l’air. Les lignes dans le ciel convergeaient vers un point unique. Le hiéroglyphe était presque achevé.

Dark Chratis disparut derrière un écran chatoyant de Force.

Shigar demeurait sans protection, comme les soldats qui regardaient approcher leur mort. Il n’avait pas peur de mourir.

Il y eut un éclair aveuglant, puis un autre, puis un si grand nombre qu’ils se fondirent en un seul assaut.

Shigar abrita ses yeux d’une main.

Qu’il ait encore une main et des yeux l’étonna.

Il écarta les doigts.

La structure massive avait généré un vaste électromiroir formant bouclier qui déviait l’impact des explosions et le renvoyait dans l’espace.

Le soulagement le submergea. Il était toujours en vie, mais le plan avait échoué. Et maintenant ?

Dark Chratis émergea de son champ protecteur tandis que des nuages surchauffés s’éparpillaient au-dessus de leurs têtes. Il apparaissait aussi surpris que Shigar.

— Inacceptable, lâcha-t-il.

Une seconde série d’éclairs se produisit au sud, où un autre object était bombardé. Ils se tournèrent et virent une autre création des hex qui dérivait dans le ciel, avec dans son sillage une traîne d’explosions. Un électromiroir identique protégeait la chose.

Une station orbitale, se dit Shigar. L’autre moitié de l’ensemble planait au-dessus de lui, intact malgré tous les tirs de l’Empire et de la République.

Il faillit éclater de rire.

— Tout ça pour rien, lança-t-il à Dark Chratis. Vous, moi, Larin… Tout.

— Tu trouves ça amusant, mon garçon ?

Ce n’était pas le cas, mais à cet instant précis il se sentait au bord de l’hystérie. Il pouvait se torturer pour les choix qu’il avait faits et ceux qu’il ferait, à propos du rôle de l’Ordre Jedi dans les plans de l’Empereur, ou sur la faiblesse de la République quand il fallait recourir à des actions décisives – mais si rien n’arrêtait les hex, il n’y aurait pas de guerre du tout. Le futur de la galaxie se terminerait ici.

Vous gagnez, Lema Xandret, songea-t-il. Où que vous soyez.