15
Shigar se tenait à une pointe d’un triangle équilatéral, la jeune Sith et Dao Stryver occupant les deux autres. Le Mandalorien hésitait. Visiblement, il était surpris de les voir.
— La galaxie est petite, ironisa Shigar.
— Tu le connais aussi ? s’étonna la Sith dont la façade hostile se fissura un instant.
— Vous auriez dû laisser tomber, tous les deux, dit Stryver. Tout ça ne vous concerne pas.
— Vous étiez en train de tuer des gens sur Coruscant, répliqua Shigar. Bien sûr que ça me concernait.
— Reste en dehors de ça, grinça la jeune fille. Il est à moi !
— Je vous ai battue une fois déjà, dit le Mandalorien. Votre mort n’honorera en rien les actes de votre mère.
La jeune femme rougit violemment.
Stryver leva le bras gauche vers elle et déclencha son lance-flammes.
Shigar plongea et effectua une roulade tout en s’interrogeant sur la scène qui venait de se produire. Le destin les avait réunis tous les trois dans le même lieu et au même moment. Ils étaient en quête de la même chose – quoi qu’il y ait à l’intérieur de la chambre forte – et ils disposaient de très peu de temps avant que les Hutts comprennent ce qui se passait et envoient toutes leurs forces de sécurité contre eux. Stryver allait vouloir agir vite, et de façon décisive. Et pourtant, il avait pris le temps de parler à la Sith. Pourquoi ?
Il était clair que cette allusion à sa mère avait eu pour seul but de la déstabiliser. Elle était complètement furieuse à présent, ce qui allait la rendre plus forte si elle survivait aux prochaines secondes. Shigar envisagea plusieurs options. Battre en retraite dans la chambre forte et les laisser se débrouiller en était une, mais il n’aurait qu’une issue ? ensuite, et cela signifiait qu’il devrait affronter Stryver quand même. Or le Mandalorien avait eu le dessus avec lui ; aussi. Mieux valait donc combattre maintenant, avec l’atout de la Sith qui pourrait faire diversion.
Les flammes poursuivaient en rugissant la silhouette ! de la jeune fille qui enchaînait les roues. Shigar attaqua Stryver du côté opposé par un coup de son sabre laser visant l’épaule. Le Mandalorien leva un bras en parade, et : la lame du Jedi glissa Je long de l’armure. Elle y laissa une excroissance pareille à de la mousse, mais sans l’entamer, un clapet s’ouvrit au poignet de Stryver et un bâton de choc rétractable jaillit dans sa main. Shigar voulut frapper de nouveau, et le bâton de choc le toucha en pleine poitrine. L’impact lui décolla les pieds du sol.
La Sith surgit hors des flammes, le sabre laser brandi et la haine dans les yeux. Son saut la fit passer au-dessus du jet mortel. Alors elle tenta un coup droit vers le casque du Mandalorien. Il esquiva à une vitesse stupéfiante pour sa corpulence et répliqua avec le bâton de choc. Elle trancha l’arme en deux, le déséquilibra d’un coup de pied et se retourna aussitôt.
Shigar s’était relevé et tournait autour de Stryver, guettant la moindre ouverture. Une nouvelle fois le lance-flammes cracha, mais l’élément de surprise n’existait plus et la Sith évita sans difficulté le jet brûlant. Le Mandalorien lança alors un filet-rasoir vers elle. La jeune fille esquiva ses barbelures acérées et tenta de l’étourdir avec un éclair. Son armure isolante dévia la décharge dans le sol qui noircit et se déforma aussitôt. Shigar saisit l’occasion pour faire tomber Stryver à genoux avec la Force, mais leur adversaire riait aussi solide qu’une montagne. Et il avait d’autres armes dont il ne s’était pas encore servi.
D’une petite trappe sur la cuisse, il sortit un pistolet à canon court qu’il pointa sur le Jedi. Il ne tira qu’une fois. Shigar se baissa mais pas assez vite. Le déplacement d’air autour du rayon le projeta contre le mur et il glissa à terre, momentanément sonné.
Stryver tourna aussitôt l’arme vers Ax, mais elle fut plus lapide que le Jedi. Elle avait identifié le pistolet disrupteur ¡ni premier coup d’œil, et elle connaissait sa dangerosité. Ces armes étaient prohibées dans toutes les régions civilisées de la galaxie. Elle n’était pas étonnée d’en voir un exemplaire sur Hutta, dans la main d’un Mandalorien.
Elle savait aussi que ces pistolets n’étaient efficaces qu’à une courte distance et que leur capacité de tir était réduite. Si Stryver continuait de rater sa cible, son arme serait bientôt déchargée. C’est pourquoi elle continua de tourner autour de lui, courant quasiment sur les murs et le narguant en lui lançant des débris de verre. Par deux fois, il la manqua de peu, mais le rayon diffusa quand même des ondes de choc violentes dans son corps. Seule sa fureur la soutenait dans son effort. Elle utilisait la douleur pour alimenter le Côté obscur.
La troisième fois qu’il tira au cours de cette petite danse la cinquième tentative en tout –, elle sentit à peine les effets secondaires. La puissance de l’arme baissait déjà. Avec un rictus de triomphe, elle transforma sa course circulaire en un bond direct. Il était temps de combattre.
II accueillit son attaque avec une vibrolame pointée vers sa gorge. Avec un hurlement, elle tenta de plonger son labre laser à travers l’armure en y mettant toute la force île ses muscles et de sa volonté. La lame bourdonnante du Mandalorien effleura sa peau et provoqua un fin jet de sang pulvérisé, mais elle ne faiblit pas. Stryver dut se pencher en arrière. C’était la meilleure occasion qu’ait eue la Sith.
Le jetpack se mit en marche dans un gémissement, et soudain ils s’élevèrent dans l’air, comme s’ils avaient été tirés en hauteur par un marionnettiste géant. De surprise, Ax lâcha prise et retomba au sol. Stryver se tenait au-dessus d’elle, et elle roula sur elle-même pour éviter les deux jets brûlants des propulseurs.
Stryver poursuivit son ascension jusqu’au réduit conique d’où avait pendu le lustre. Puis il resta suspendu là à activer certaines commandes de ses systèmes d’armes. Ax eut | juste le temps de comprendre qu’il avait l’avantage de la hauteur avant qu’une poigne puissante la saisisse par le poignet et la traîne de côté.
Une volée de projectiles toucha le sol à l’endroit exacte qu’elle avait occupé l’instant précédent. Le Jedi venait di lui sauver la vie. Malgré un soupçon de gratitude envers, lui, elle se dégagea d’une saccade brusque. Il avait certainement agi ainsi à cause de cette bonté écœurante qu’il avait chevillée au corps. Non, se dit-elle. Il savait que seul il ne pourrait vaincre Stryver. Donc soit il la sauvait, soit ï était le prochain à périr.
Les mini-missiles à concussion les rejetèrent tous L deux contre la porte intérieure du sas de sécurité. Ils se séparèrent pour éviter un autre tir qui envoya voler la porte dans l’antichambre, révélant en même temps les quatres portes des chambres fortes et le trou par lequel Ax étai arrivée. En une fraction de seconde, elle remarqua qu’une de ces portes brillait d’un éclat rougeoyant, puis un délugi de décharges de blasters déferla d’une partie totalement différente de la pièce. Alors elle comprit que quelqu’un d’autre entrait en scène. Les Hutts, certainement, qui avaient remarqué que leurs trésors étaient en danger.
Avant qu’elle puisse tirer avantage de ce retourne ment de situation, le Jedi bondit vers Stryver et dévia le missiles tirés sur lui. Les projectiles explosèrent dans plafond qu’ils éventrèrent, puis d’énormes morceaux s’en détachèrent pour pleuvoir sur les trois adversaires. L’un d’eux heurta le Mandalorien et lui fit perdre sa position supérieure. Ax réussit à éviter une plaque assez grosse pour écraser un bantha. Elle chercha ensuite des repères dans l’air chargé de poussière. Des silhouettes indistinctes se déplaçaient autour d’elles – des Weequays, des officiers en uniforme de l’Empire, des Gamorréens, et d’autres encore –, mais Stryver était invisible. Soit un silence assourdissant était tombé, soit elle avait perdu l’ouïe suite aux récentes explosions.
Une clarté rouge fusa sur le champ de bataille, puis s’éteignit. Simplement de la lumière, sans secousse violente. Ax cligna des yeux et chercha sa source. Elle se remémora alors la porte de la chambre forte et cet éclat rougeoyant qui la nimbait. Il n’était pas consécutif à un tir raté du Mandalorien, comme elle l’avait d’abord cru. Il était maintenant évident que la porte avait entièrement fondu et que le précieux contenu qui se trouvait à l’intérieur était à présent accessible à tous.
Pourtant, personne ne s’en approchait. C’était immédiatement visible dans les projections de métal fondu sur le sol de l’antichambre. Non, c’était plutôt le contraire qui se produisait.
Shigar se rapprochait en contournant les nouveaux venus. Leur irruption avait créé une diversion bienvenue, mais il continuait de redouter le danger auquel ils s’exposaient. Stryver était tombé au sol, mais il n’était pas hors île combat, et il avait massacré sans l’aide de personne toute une cellule du syndicat du Soleil Noir sur Coruscant. Shigar savait que, s’il fallait en passer par là, Dao Stryver ne reculerait pas devant une nouvelle boucherie pour m teindre ses objectifs sur Hutta.
Pour le moment, néanmoins, tous les regards étaient fixés sur la chambre forte. Les mesures de sécurité des Hutts avaient lamentablement échoué. Quelqu’un avait fait fondre la porte et avait accédé à l’intérieur. Le Jedi se demanda si les intrus étaient passés par le sol, comme la Sith. Mais, dans ce cas, pourquoi ne pas être repartis par le même chemin ? Pourquoi avoir pris la peine de faire fondre une autre issue ?
La flaque de métal en fusion qui avait été la porte jeta un éclairage sanglant sur la créature qui sortit de la chambre forte. Elle ne ressemblait à aucun être que Shigar avait déjà vu. Haute de deux mètres, elle lui parut tout d’abord être un bipède ordinaire, avec des bras maigres et des jambes de même longueur. Puis elle déploya une seconde paire de bras situés à égale distance des épaules et des hanches. Elle n’avait cependant aucun trait en commun avec les espèces insectoïdes tels que les Géonosiens ou les Killiks. Son corps avait la forme parfaite d’un hexagone étiré verticalement. Il n’y avait pas de tête. Des organes sensoriels noirs ; parsemaient la partie centrale du corps, comme les yeux g d’un arachnide, et luisaient dans la lumière. Hormis ces organes, la peau était argentée. Shigar n’aurait pu dire si c’était une créature vivante dans une combinaison adaptée à l’environnement ou une sorte de construction.
Avec des enjambées irréelles, la chose traversa la flaque de métal fondu sur des pieds qui étaient la réplique exacte de ses mains. Elle pivota à cent quatre-vingts degrés, révélant un dos identique à la partie frontale. Quand elle atteignit la ruine qu’était la porte intérieure, elle fit halte et tourna légèrement sur place pour contempler le sas de sécurité et les êtres qui s’y trouvaient : le Mandalorien, les Padawan Jedi, les gardes du palais, le Twi’lek et la Sith.
— Nous ne nous soumettons pas à votre autorité ! hurla-t-elle avant de s’abaisser souplement pour prendre une : nouvelle posture.
Le corps devint un hexagone régulier et non plus étiré, avec un torse presque rectangulaire, ses jambes se replièrent en position accroupie et ses quatre bras s’ouvrirent pour cibler différentes parties de la pièce.
D’instinct, Shigar raffermit sa prise sur la poignée de son sabre laser. Il ne possédait pas l’aptitude à sonder le futur de Maître Satele, mais chaque cellule de son corps sentait un danger imminent. Quelle que soit la nature de cette chose qui avait pénétré dans la chambre forte des Hutts, elle n’allait pas s’en aller tranquillement.
Les mains de la créature crachèrent des flèches de feu bleuté qui ricochèrent sur l’armure et les lames des sabres laser puis explosèrent quand elles atteignirent la peau ou la pierre. La Sith était au centre de leur attaque initiale mais, quand elle s’effondra, les tirs s’éparpillèrent. Des corps plongèrent partout, touchés ou cherchant à se mettre à couvert. Les murs torturés de la pièce perdirent encore plus de leur masse transformée en gravats et en poussière.
Shigar tint sa position et renvoya à leur source ces torrents d’énergie inconnue. La peau argentée de la créature les projetait de nouveau sur lui dans un mouvement de va-et-vient entre elle et le Jedi.
Solidement campé sur ses jambes, Shigar tenait bon. Il était déterminé à ne pas céder le premier. L’air bourdonnait •l grésillait dans ce déluge de pulsations. Il n’avait jamais rien vu de comparable.
Enfin, quelque chose céda. Le torrent d’énergie s’interrompit dans un éclair assez violent pour rejeter la créature à l’intérieur de l’antichambre. Des étincelles ricochèrent dans tout le sas, et tout le monde s’aplatit de nouveau au sol.
Shigar baissa son arme, mais pas la garde. Il avait l’impression qu’on venait de marteler ses bras à la masse. I .e carillonnement à ses oreilles était plus fort que jamais. Mais, jusqu’à ce qu’il ait la certitude que cette chose était hors d’état de nuire, il ne se détendrait pas.
Une deuxième créature sortit de la chambre forte envahie par la vapeur. Elle ne prononça pas une parole. Elle hurla puis tira.
Shigar sauta aussi haut qu’il en était capable pour éviter toutes les pulsations énergétiques qui convergeaient sur lui. Les rafales bleutées le suivirent puis arrachèrent la surface du mur et du plafond sur une bande d’un mètre. Il aperçut le visage de Larin sous lui. Elle était complètement à découvert et déchargeait méthodiquement son arme dans le corps de la deuxième créature dont la peau argentée dissipait chaque impact. Le Jedi commençait à craindre de ne pouvoir échapper éternellement à la fureur de cette chose.
Trois mini-missiles à concussion expédiés en une succession rapide évitèrent à Shigar d’être coupé en deux. Les projectiles transformèrent l’antichambre en fournaise, mais ils mirent fin au déluge des tirs ennemis. Shigar se réceptionna sur une section de toit effondré. Il était hors d’haleine, avait de multiples brûlures, mais aucune blessure sérieuse.
La créature effectua une culbute à l’envers et retomba sur ses six pattes avant de se redresser, cette fois sur ses mains. Elle semblait rigoureusement identique à ce qu’elle était auparavant.
Derrière elle, la première s’extirpa des gravats dans lesquels elle avait atterri.
Une troisième créature sortit de la chambre forte.
Le ventre de Shigar se noua.
— Tout le monde dehors ! cria-t-il à Larin dans le comlink avant que les tirs ne reprennent. C’est trop dangereux ici.
— Et vous ?
— Je vais faire de mon mieux pour les retenir.
— Pourquoi ne pas les laisser partir ?
Il n’avait pas de réponse brève à cette question. Parce que s’il avait choisi cette solution, il aurait admis son échec. Parce que quelle que soit la nature de ces choses, il n’allait pas les laisser s’emparer de ce qui s’était trouvé à bord du Cinzia. Parce qu’il n’était pas question que ces créatures déversent leur feu meurtrier sur les habitants désarmés du palais hutt.
— Parce que, c’est tout.
— Très bien, dit-elle. Mais je reviendrai avec un armement plus lourd dès que…
Le reste de sa phrase se perdit dans le chaos. Avec des hurlements à crever les tympans, les trois créatures s’étaient mises à tirer de concert.