CHAPITRE XL
Trois escadrilles de chasseurs jaillirent du Virulent.
Le cœur de Wedge se serra. Il redressa son aile X et se résigna à livrer sa dernière bataille.
Ce destroyer transporte six escadrilles de Tie. J’ai toujours dit que l’Escadron Rogue disparaîtrait glorieusement… On dirait que le moment est venu.
— Gâte, vise un des chasseurs du Virulent.
Le droïd s’exécuta. Wedge jeta un coup d’œil sur le diagramme affiché sur son écran.
— C’est une aile A.
Gâte le corrigea d’un bip.
— Pardon, une aile A MKII, souffla Wedge, ébahi.
Il secoua la tête. Des ailes A ? Comment Isard a-t-elle pu s’en procurer ?
Une voix familière sortit de l’unité de communication.
— Chef As à Chef Rogue. Tu nous permets de jouer avec toi, Wedge ?
— Pash Cracken ? D’où viens-tu ?
— Du vaisseau amiral de Booster. Le puits de gravité a fait sortir mon unité de l’hyperdrive juste au-dessus du Virulent, pendant que la station et le destroyer se regardaient dans les yeux. Booster a fait croire au capitaine Varrscha que notre arrivée était prévue… Bref, elle s’est rendue, et lui a cédé le destroyer.
Wedge sourit.
Booster a enfin trouvé un vaisseau à sa taille.
— Capitaine Cracken, le Lusankya est à vous.
— Messieurs, nous sommes vos obligés. C’est parti…
Wedge vit le Virulent tirer une première rafale contre le Lusankya. Les turbolasers et les batteries ioniques de Booster pilonnèrent le flanc bâbord du superdestroyer.
Un ruban de feu courut le long de la tranchée des batteries. L’incendie continua à être alimenté par les explosions secondaires bien après que les armes du Virulent se furent tues.
Le Vaillant en profita pour approcher, tirant à bout portant sur les moteurs du grand vaisseau. Les turbolasers ravagèrent les ponts de l’immense bâtiment impérial. Un instant, un éclair brillant masqua le croiseur d’Alderaan…
Une secousse parcourut le Lusankya, lui arrachant une section carbonisée de sa proue.
Rapides comme l’éclair, les ailes A de Pash tiraient des missiles sur les tours d’artilleries et les dômes de détection. Les derniers canons du Lusankya essayaient de les détruire, mais leur puissance de feu ne pouvaient rien contre des cibles trop rapides pour se laisser atteindre.
— Chef Rogue, ici Trois. Nous entamons une passe de nettoyage.
— Bien compris, Gavin, dit Wedge en regardant son moniteur. Je crois que je vais me joindre à vous.
Corran se rapprocha des intercepteurs et passa sur les lasers jumelés.
Un tir au but suffit toujours, mais si ces pilotes savent manœuvrer, j’aurai besoin de tous mes talents.
Pour être puissants, les boucliers de son aile X ne le rendaient pas invulnérable pour autant.
— Neuf, soyons prudents.
— Bien compris, Sept. Dix, sur moi !
— Ooryl comprend.
— Whistler, balaye les fréquences et trouve-moi celle des intercepteurs. Ne te tracasse pas avec le code ; je veux seulement leur parler.
Whistler émit un bip indigné.
— Oui, je me doute qu’Erisi vole avec eux. Je veux qu’elle sache qui la poursuit.
Le droïd bipa.
— Qu’elle m’insulte, ça n’a pas d’importance. C’est à cause d’elle que je me suis fait descendre sur Coruscant, et je vais lui rendre la monnaie de sa pièce.
Le pilote prit pour cible un intercepteur placé au centre de la formation, tout en gardant une trajectoire fixe, comme s’il se préparait à attaquer un vaisseau de l’arrière. Les intercepteurs les plus proches dégagèrent. Corran plongea, faisant mine de les suivre, puis il dirigea son chasseur vers sa cible.
Une pression sur la détente : deux rayons écarlates traversèrent le cockpit de l’intercepteur. Les moteurs ioniques explosèrent, transformant le navire thyferrien en une boule de feu argentée.
— Un de moins.
Whistler bipa ; Corran appuya sur un bouton de son unité de communication.
— J’espère que ce n’était pas toi, Erisi. Ça m’ennuierait de penser que tes talents de pilotage ont baissé à ce point.
— C’est de mes talents de tueuse dont tu devrais t’inquiéter, Corran.
— Ici Huit. J’ai deux Tie dans mon sillage.
Corran vira, Ooryl à ses côtés. Deux Tie pistaient l’aile X de Nawara. Tycho accourut, mais il ne réussit qu’à viser le Tie de queue. Nawara tourna sur sa gauche, redressa sur la droite : l’intercepteur restait collé à sa proie.
C’est Erisi.
L’intercepteur tira quatre fois. Les deux premières rafales transpercèrent le bouclier arrière de Nawara.
Les suivantes frappèrent le moteur gauche et touchèrent le fuselage du cockpit.
Le droïd de Nawara explosa. Corran craignit le pire en voyant l’incendie, mais le siège éjectable jaillit du chasseur.
— Huit est dans l’espace ! cria Corran. Dix, reste avec lui. Je me charge d’Erisi. Whistler, redonne-moi sa fréquence.
Le droïd s’exécuta.
— Tu as toujours choisi les cibles les plus faciles, n’est-ce pas, Erisi ? Prendre des risques, ce n’est pas ton truc…
— C’est toi, Corran ? Seul ? Je pensais que tu avais appris la leçon de ton père : il n’y a rien de plus triste que de crever en solitaire.
— Bonne réflexion, Erisi. Mais prends garde : ce n’est pas moi qui vais mourir ici. Horn, terminé. (D’une pression du pouce, il coupa la communication.) Allons-y, Whistler ! Il est temps qu’elle rembourse ses dettes.
L’aile X fonça sur l’intercepteur qui tourbillonnait pour éviter les tirs. Erisi vira sur la gauche ; Corran décrivit une longue boucle pour l’affronter de face.
L’intercepteur se dégagea avant qu’il puisse s’approcher. La poursuite reprit.
Normal. Elle sait qu’un duel serait un suicide.
Tuer Erisi n’allait pas être aussi facile que prévu. Elle n’est moins bonne que moi, mais elle est douée. Et son intercepteur est plus rapide et plus agile que mon aile X. Ça peut lui donner l’avantage… En plus, elle connaît bien les performances de mon vaisseau.
Corran sourit.
On ne se bat pas contre un appareil, mais contre un pilote. Et son arrogance est une faille trop énorme pour que je ne l’exploite pas.
Corran réduisit sa vitesse de quatre-vingt-cinq pour cent, laissant son ennemie prendre de l’avance. Puis, virant sur la gauche, il décrivit une longue boucle pour se rapprocher du cœur du combat. La distance séparant son vaisseau de celui d’Erisi se stabilisa ; l’écart se réduisit. Quand l’intercepteur fut à trois kilomètres, Corran tira sur son manche à balai.
Il resserra sa boucle, accéléra et fonça sur son adversaire.
Les tirs d’Erisi rebondirent sur les bouchers avant du chasseur. Corran répliqua et toucha l’intercepteur sur l’aile gauche.
Il inversa la poussée, plongea, et inversa à nouveau.
— Whistler, quels sont les dommages ?
Les statistiques s’affichèrent sur l’écran. L’intercepteur avait réduit sa vitesse de cinq pour cent. Il était toujours plus rapide que l’aile X, et plus agile, même si l’écart s’était réduit.
Ça va prendre un moment.
— Neuf, tu poursuis Erisi ?
— Oui, Sept.
— Achève-la vite.
— Vous avez besoin d’aide ?
— Dix tient le coup, mais la navette s’enfuit. Elle passera en hyperdrive si personne ne l’arrête.
— Bien compris, Sept. Je m’en occupe. (Corran jeta un coup d’œil à l’écran.) Whistler, à quelle distance sont les cargos asservis à ma télémétrie ?
Le droïd bipa tristement.
— Hors de portée ? Tant mieux. Je ne veux pas gâcher leurs torpilles.
Pour plus de sûreté, le pilote coupa son transpondeur, puis passa sur les torpilles à protons. Il se colla à la trajectoire d’Erisi et accéléra.
Whistler bipa quand le réticule devint écarlate.
Corran appuya sur la détente et tira. Ses deux dernières torpilles filèrent sur Erisi, qui dévissa.
J’ai trente secondes pour la tuer.
Corran passa aux lasers, puis dériva l’énergie du bouclier arrière sur les moteurs. Il accéléra jusqu’à atteindre une vitesse supérieure à celle d’un intercepteur et commença à réduire la distance.
Erisi vira sur la gauche, vers la plus grosse lune de Thyferra. Les missiles la dépassèrent, puis firent demi-tour avant de reprendre la chasse. La jeune femme garda son vaisseau pointé vers la lune, tourna sur la gauche quand les torpilles approchèrent, amorçant un survol en rase-mottes du terrain lunaire.
Une torpille s’écrasa sur le satellite. La seconde suivit l’intercepteur. Erisi passa par-dessus une crête rocheuse où la torpille s’écrasa.
Le monticule la protégea de l’explosion.
Mais il aveugla ses détecteurs arrière au moment où Corran fondait sur elle.
Des rayons pourpres déchiquetèrent les panneaux solaires. Privé de ses stabilisateurs, l’intercepteur plongea vers la lune. Les deux moteurs à fond, il s’écrasa contre la paroi d’un cratère avant de s’arrêter dans un nuage de poussière.
Corran tourna autour du point d’impact.
— Pas d’explosion, rien de spectaculaire. Erisi aurait détesté ça.
Whistler bipa durement.
— Tu as raison, on s’en fout ! (Corran s’éloigna de la lune.) Trouve-moi la navette, Whistler. Je veux parler à son propriétaire.
La salve du Virulent déchira les entrailles du Lusankya.
Wedge fit une nouvelle passe, martelant la coque du superdestroyer avec ses lasers. Le Lusankya tentait de se défendre, mais ses turbolasers étaient des cibles faciles pour les ailes X, les ailes A, les Chir’daki et les vaisseaux étranges des Gands.
Il sera bientôt sans défense. Continuer le pilonnage pourrait faire courir des risques aux prisonniers.
Wedge passa devant la passerelle de l’ennemi.
— Gâte, ouvre-moi un canal. (Le droïd obéit.) Ici le commandant Wedge Antilles, qui s’adresse au capitaine du Lusankya. Nous sommes prêts à accepter votre reddition.
Une voix hystérique lui répondit.
— Ici le capitaine Joak Drysso… Non, l’amiral Drysso, du Lusankya. Nous ne nous rendrons jamais.
— Capitaine…
— Comment osez-vous m’insulter !
— Amiral, grand amiral même, si ça vous aide à reprendre vos esprits… Vos boucliers se sont effondrés. Vos moteurs sont touchés. Vous n’avez plus de couverture aérienne. Vous ne pouvez plus atteindre vos adversaires. (Wedge marqua une pause.) C’est sans espoir… Il y a eu assez de morts. Abandonnez.
— Abandonner ? Un grand amiral n’abandonne jamais
— Nous vous traiterons avec le respect qui vous est dû, assura Wedge, s’obligeant à garder son calme. Rendez-vous.
— Jamais ! Nous sommes tous des enfants de l’Empire. La mort plutôt que le déshonneur ! Navigateur, moteurs au maximum ! Nous allons percuter la planète ! Antilles, un grand amiral ne se…
La liaison cessa brusquement.
— Drysso !
— Le capitaine Drysso n’est plus là, monsieur. Ici le… capitaine suppléant Waroen.
— Voulez-vous percuter la planète, Waroen ?
— Pas si nous pouvons l’éviter, monsieur. Si vous demandiez au croiseur d’arrêter de tirer sur nos moteurs, et si le Virulent acceptait de nous tracter vers une orbite haute pour nous éviter le crash, nous accepterions toutes vos conditions…
— C’est un plaisir de collaborer avec vous, capitaine Waroen. Vous avez choisi la solution la plus honorable…
— Et la moins désastreuse.
Corran repéra la navette et tira.
— Whistler, ouvre-moi un canal.
Quand Whistler lui annonça qu’il avait trouvé deux fréquences, Corran tira une deuxième salve d’avertissement.
— Choisis-en une, Whistler. Ici Corran Horn, qui s’adresse à la navette Thyfonian ! Arrêtez et retournez vers Thyferra ou je serai obligé de vous abattre.
Une voix que Corran pensait ne plus jamais entendre résonna dans le cockpit.
— J’aurais dû savoir que c’était toi, Horn. Abandonne, tes lasers ne peuvent rien contre moi.
— Je vais essayer de te réchauffer le cœur, Ysanne.
Corran appuya sur la détente. Les rayons illuminèrent les boucliers du vaisseau sans les pénétrer.
Quoi ? Ce n’est qu’une navette…
— Horn, tu remercieras Fliry Vorru de ma part, s’il est encore vivant, ricana Cœur de Glace. Il a fait placer des boucliers lourds sur le vaisseau. Le confort s’en ressent, mais tant pis. Ton chasseur n’a pas la puissance nécessaire pour les transpercer.
Peut-être, mais je ne suis pas tout seul…
Corran passa sur la fréquence tactique de l’escadron.
— Neuf a besoin d’aide… Isard est dans la navette, et je n’arrive pas à percer les boucliers.
— Neuf, ici Sept. J’arrive aussi vite que possible. Empêche-la de passer en hyperdrive.
— Je vais faire de mon mieux, mais il me faut tes lasers pour l’arrêter.
— Compris, Neuf, je fonce.
— Whistler, demanda Corran, dans combien de temps peut-elle passer en hyperdrive ?
Le droïd afficha une image du système solaire, des cercles concentriques indiquant les limites des effets gravifiques. Le point représentant la navette était à la limite de l’ombre hyperspatiale de Thyferra.
Fils de la Sith, elle y est presque.
Corran tira encore, mais ne fit que titiller le bouclier arrière.
Et si elle bluffait en dérivant toute sa puissance dans le bouclier arrière ? Ça serait bien son style…
Corran essaya d’obtenir une ligne de tir oblique. Soudain, Isard changea de direction pour lui faire face.
Corran arrosa les boucliers.
La navette répliqua. Des rayons d’énergie traversèrent le bouclier avant de l’aile X, frappant le stabilisateur gauche.
Corran plongea avant de revenir dans le sillage du Thyfonian.
— Whistler, que s’est-il passé ?
La voix d’Isard s’éleva de nouveau.
— Ai-je mentionné que Vorru avait aussi amélioré les lasers ?
Je vais t’en donner, moi, de l’amélioration !
Corran jeta un coup d’œil à la liste des dégâts et grimaça. Ses lasers gauches n’étaient plus qu’un amas de métal fondu. Un coup d’œil sur le moniteur secondaire lui montra que Cœur de Glace n’avait plus qu’un kilomètre à parcourir avant de passer en hyperdrive.
Il lui suffit de voler tout droit et d’effectuer son saut…
Corran réfléchit, puis sourit. Alors comme ça, Vorru a amélioré la navette ?
Passant aux torpilles, le pilote visa le Thyfonian. Devant lui, la navette commença à manœuvrer.
Le sourire de Corran s’élargit.
Oui. Il a équipé le vaisseau avec un système d’alerte de verrouillage. C’est la seule chose de bien que tu aies faite dans ta vie, Vorru…
— Alors, Ysanne ? Tes boucliers ne sont pas capables d’arrêter une torpille ?
— Tu le sauras si tu réussis à m’avoir, Horn.
Corran regarda son écran. Tycho se rapprochait, mais il était encore à huit kilomètres. Tant que tu danses.
Isard, tu ne peux pas passer en hyperdrive. Et ça signifie que nous pouvons te griller.
Whistler annonça que le verrouillage était effectué, mais Corran s’arrangea pour que la navette se dégage, manœuvrant pour ramener le vaisseau dans le champ d’attraction de Thyferra.
— Tu ne peux pas m’échapper, Cœur de Glace.
La voix d’Isard se fit entendre.
— Tu bluffes, Horn. Si tu avais des torpilles, tu les aurais déjà lancées…
La navette se stabilisa et se prépara à passer en hyperdrive.
— J’espérais te prendre vivante, Isard. Je tirerai si je le dois.
— Fais de ton mieux, Horn. Quand nous nous reverrons, j’agirai de même !
Le cœur de Corran se serra.
Non, elle ne peut pas s’échapper. Je ne peux pas la laisser fuir ! Mes lasers sont inutiles… Et je n’ai pas de missiles pour me débarrasser de ses boucliers.
Je ne peux rien faire… Rien…
Sauf…
— Whistler, transfère toute la puissance au bouclier avant ! cria Corran en poussant les moteurs. Accroche-toi, nous allons l’éperonner !
Le droïd émit un bip bizarre.
— Nous avons une petite chance de survivre. Ce n’est pas ça l’important ; nous devons endommager son vaisseau !
Deux étoiles bleues fusèrent de part et d’autre du cockpit de Corran. La première torpille explosa contre le bouclier arrière de la navette d’Isard, qui s’effondra aussitôt. La seconde transperça la coque. Corran vit le vaisseau se déformer, puis disparaître, devenant une gigantesque boule de feu.
L’aile X traversa les flammes. Du Thyfonian, il ne restait que des débris.
Parti en fumée.
— Qui a fait ça ? demanda Corran en ouvrant la communication.
— Ici Sept, Neuf. Merci de m’avoir donné le verrouillage.
— Quoi ?
Corran regarda son tableau de bord. Le réticule était allumé.
J’ai dû l’activer accidentellement.
Le visage de Luke Skywalker dansa devant ses yeux.
La chance n’existe pas, Corran. Seule la Force nous guide…
Corran hocha la tête. Ou la justice.
— Beau tir, Tycho. Si je n’ai pas pu l’avoir… Eh bien, c’est que tu la voulais plus que moi.
— Corran, nous l’avons eue. C’est tout ce qui compte.
Corran se dirigea vers Thyferra.
— Il n’y a plus d’intercepteurs, Tycho, fit-il en souriant. On dirait que tu t’es bien amusé pendant mon absence.
— J’ai bien bossé, mais Dix en a désintégré un max. Il compte six victoires. Au fait : le Lusankya ne tire plus.
Corran sourit.
— Isard et Erisi tuées, un superdestroyer abattu… Et si Elscol, Iella et les Ashems ont fait leur travail, une planète aura été libérée. La journée n’a pas été mauvaise. On rentre ?