CHAPITRE XXVII
Talon Karrde accueillit ses hôtes avec un sourire radieux. Mirax dissimula sa surprise – comment pouvait-on être de bonne humeur quand on avait un Booster Terrick furieux sur le seuil de son bureau ?
Mais Karrde semblait en avoir vu d’autres, et Mirax dut avouer que malgré ses défauts, l’homme était abominablement séduisant. Avec ses manières félines et ses dents étincelantes, on aurait dit un pirate de l’espace.
— Installez-vous, je vous en prie, dit-il en désignant les fauteuils. Je m’abstiendrai de faire les salutations d’usage : depuis les événements d’Alderaan, vous doutez sans doute de ma sincérité…
Mirax s’assit, mais son père resta debout, les deux mains sur le bureau, prêt à bondir.
— Karrde, j’ai étudié toutes les possibilités, dit-il d’une voix dure. J’ai détaillé les faits et gestes de tous mes collaborateurs. (Booster désigna Mirax.) J’ai même demandé à son petit ami de la CorSec de vérifier un certain nombre de choses…
Mirax battit des paupières. Il est gonflé. C’est moi qui ai fait intervenir Corran, et papa était furieux quand il s’en est aperçu.
Karrde leva la main.
— Je sais ce que vous allez dire.
— Ah oui ? grogna Booster.
— Que la fuite venait de mon organisation.
— Vous le saviez ?
— Je ne me doutais de rien jusqu’à l’attaque. Après, j’ai dû me rendre à l’évidence. C’est Mélina Camiss qui vous a vendus.
Booster se redressa.
— Vous l’avez tuée ?
— Pas encore. Je ne voulais pas précipiter les choses.
Le père de Mirax laissa échapper un petit rire.
— Vous voulez découvrir comment elle a contacté Isard…
— Je veux surtout savoir si elle a des complices. Mais maintenant que vous êtes là, à vous de décider de son sort… Je vous dois bien ça. La jeter dans l’espace est une méthode expéditive, mais efficace. Il y a plus sophistiqué… J’ai entendu parler de bandits twi’leks qui mettaient leurs victimes dans des cuves bacta. Ils les torturaient à coups de décharges électriques, laissaient le bacta les soigner, puis recommençaient.
Mirax lutta contre la nausée avant de proposer :
— Plus simple encore… Faites courir le bruit que Mélina est un agent double et qu’elle nous a prévenus de l’embuscade. Isard réglera le problème.
— Bonne idée, dit Karrde. J’ai aussi un employé wookie qui pourrait…
Booster secoua la tête.
— Non, pas de Wookies. Ces paillassons vivants sont juste bons à transporter des cadavres.
— Si vous voulez vous charger de Mélina seuls, je peux vous prêter des armes spéciales, expliqua Karrde. J’ai quelques spécimens traditionnels dont vous me direz des nouvelles… Entre autres, un lanvarok de la Sith. Mais il est prévu pour un gaucher.
Mirax se redressa.
— Vous avez un lanvarok ?
— En effet. Vous connaissez un acquéreur ?
— Oui, un collectionneur.
— Parfait.
— Gaucher, précisa Mirax.
— Encore mieux.
— Si vous pouviez me donner des détails sur l’arme, et la preuve de son origine…
— Veuillez m’excuser, coupa Booster, mais nous avons un problème à régler avant de passer à cette affaire.
Karrde acquiesça.
— Bien sûr… Nous pourrions nous servir du lanvarok sur Mélina, et holographier la scène, ce qui nous permettrait de prouver à l’acheteur que…
Le père de Mirax secoua la tête.
— Non.
— Vous avez une autre idée ?
— En effet. Faites comme si de rien n’était et laissez Mélina continuer son travail.
Karrde fronça les sourcils.
— Pourquoi ?
— J’ai mes raisons.
— Désolé, Booster. Elle a trahi un de mes clients, mis en danger mes employés et ma réputation… Je dois la punir.
Mirax leva les yeux vers son père.
— Où veux-tu en venir, papa ?
— Mieux vaut un ennemi qu’on connaît qu’un traître tapi dans l’ombre… Si Isard ignore que son espion est grillé, elle ne prendra pas la peine d’en recruter un autre.
— Je comprends votre point de vue, dit Karrde, mais je ne marche pas.
— Pourquoi ?
— Je vous en prie, ne prenez pas cet air offusqué. Ne pas faire d’exemple serait catastrophique pour mon autorité, vous le savez parfaitement. Non, Mélina doit mourir… et pas de vieillesse. Désolé, ce point n’est pas négociable.
— Vraiment ? (Booster s’assit et joignit les mains.) Je pourrais faire affaire ailleurs…
— Si j’avais un crédit à chaque fois qu’un client me dit ça, soupira Karrde, j’aurais déjà racheté le cartel du bacta. Bien. Problème réglé… (Il se tourna vers Mirax.) Reparlons de ce lanvarok…
— Pas si vite, jeune homme, protesta Booster. Vous êtes notre fournisseur en munitions, pour l’instant du moins… Mais j’ai un autre marché à proposer.
— Si vous comptez acheter la vie de Mélina avec, il faut qu’il soit très intéressant.
— Il l’est. En vérité, je pensais le confier à Billey, en souvenir du bon vieux temps…
Karrde hocha la tête.
— Il paraît que son nouvel assistant, Dravis, est très efficace.
— Vous l’êtes encore plus…
— Certains l’affirment.
— J’ai besoin d’un projecteur de puits de gravité, déclara Booster.
Mirax réprima un sourire en voyant l’expression de Karrde.
Ainsi, on peut le surprendre. Ce n’est pas facile, mais c’est possible…
— Un projecteur de puits de gravité ? (Le trafiquant secoua la tête.) Billey ne vous l’obtiendra pas.
— Si c’est impossible, tant pis, soupira Booster. Le matériel nous serait très utile, mais je comprends les difficultés…
— Doucement, interrompit Karrde. J’ai dit que Billey ne réussirait pas à en dégoter un.
— Vous, oui ?
— Sans problème.
— Ben voyons…
— Vous aurez votre projecteur de puits de gravité… et vous le paierez une fortune. Mais ça ne vous donnera pas la vie de Mélina Camiss.
— Six mois de sa vie me suffiraient.
— Mettons deux. Et elle ne s’occupera plus d’aucun contrat majeur chez nous.
Booster hocha la tête.
— Je veux aussi des pièces détachées pour chasseurs Tie, des canons à ions pour ailes Y et des circuits qui me permettront de les adapter n’importe où.
— Du sur mesure, hein ? Possible mais cher. Je vous rajoute un mois de vie de Mélina en bonus.
Booster secoua la tête.
— Vous vous paierez sur les futurs profits du bacta.
Le trafiquant rit.
— Vous vendez la vie du bantha avant de l’avoir tué…
— Karrde, il va falloir me faire confiance, même si je sais que c’est difficile. Wedge a prévu un certain nombre d’interventions ; le bacta va bientôt affluer, croyez-moi. Localisez le matériel demandé, et attendez notre feu vert. Nous vous vendrons le bacta à soixante-dix pour cent de la cote.
— À cinquante pour cent… Et vous me laissez le marché de Coruscant.
Le visage de Booster se durcit.
— Coruscant n’est pas une source de profit. Nous donnons le bacta à la Nouvelle République… Un acte à la fois charitable et intelligent, puisque il évite la propagation du virus à d’autres systèmes.
— Tout est source de profit, Booster, et vous le savez parfaitement. (Karrde leva la main pour interdire les protestations.) Je donnerai gratuitement soixante-dix pour cent du bacta aux autorités médicales, et je vendrai les trente restants au marché noir. Aujourd’hui, quarante pour cent de ce que vous fournissez est détourné… Avec ma méthode, les hôpitaux de Coruscant y gagneront.
— Et en échange, vous suspendez l’exécution de Mélina.
— Sa vie est entre vos mains.
Booster réfléchit.
— C’est d’accord. Karrde, vous êtes un salopard.
— Sans doute… mais j’aurais pu monter à trente-cinq pour cent pour le marché noir, et vous auriez accepté.
— Vrai. Vous êtes un salopard intelligent.
— Merci.
Mirax observa les deux hommes, choquée par la brutalité avec laquelle la vie de Mélina avait été négociée.
J’ai tort de m’offenser. Ce n’est pas de la brutalité, c’est de la franchise…
— Pourquoi n’avez-vous pas exigé trente-cinq pour cent, si vous pensiez les obtenir ? demanda-t-elle à Karrde.
Le trafiquant hésita ; Mirax comprit qu’il hésitait à dévoiler ses secrets.
Comme un prestidigitateur… Il ne veut pas qu’on sache comment il fonctionne…
— Je vais sous-traiter le marché noir à Billey, expliqua-t-il enfin. Or je ne pense pas que Travis et lui soient capables de gérer les trente-cinq pour cent. Mieux vaut que les clients restent un peu sur leur faim, pour ne pas faire baisser les prix.
— Petit malin, dit doucement Booster. Bien. Je veux que Mélina Camiss continue à s’occuper de nos livraisons… Je lui donnerai un cap, qu’il faudra qu’elle suive avec son convoi. À chaque système, nous dirons aux vaisseaux s’ils doivent continuer le voyage ou s’arrêter pour effectuer la livraison… Isard ne pourra pas préparer une embuscade à chaque étape tout en continuant à protéger ses chargements de bacta.
— Bien pensé, apprécia Karrde. Au moindre signe de danger, vous enverrez les cargos ailleurs…
Booster hocha la tête.
— Comme ça, Camiss aura du boulot ; elle continuera à renseigner Isard… mais celle-ci ne pourra rien faire.
— Vous avez une idée derrière la tête, hein ? demanda Karrde. Pour Camiss, je veux dire.
— Peut-être. (Booster sourit.) Dans combien de temps pouvez-vous m’obtenir le projecteur de puits de gravité ?
— Comptez un mois, peut-être deux.
— Parfait, dit Booster en se levant. (Il tendit la main vers Karrde.) Je ne dirais pas que c’était un plaisir de négocier avec vous, mais j’ai connu pire.
— Je suis heureux que vous ayez pris votre retraite, Booster, dit le trafiquant en acceptant la poignée de main. Je n’aimerais pas avoir à partager la galaxie avec vous. Mais ne partez pas tout de suite… Acceptez mon hospitalité.
Booster sourit.
— Vous voulez parler du lanvarok à Mirax, c’est ça ?
Karrde lui rendit son sourire.
— Décidément, Booster, vous êtes trop perspicace… Restez à la retraite.