CHAPITRE XXXIX

Sur la passerelle du Liberté, le capitaine Sair Yonka se releva avec peine. Il s’essuya le front avec sa manche et s’aperçut qu’elle était tachée de sang. Déchirant sa tunique, il se noua une bande de tissu autour de la tête.

— Que quelqu’un me fasse un rapport. Lieutenant Carsa ?

— Carsa est mort, monsieur. Son écran lui a explosé au nez.

— Sommes-nous aveugles, enseigne… Votre nom ?

— Issen, monsieur. Non, pas aveugles… Le Lusankya s’est fait moucher par des missiles et des torpilles. Il a détourné son feu vers les cargos, nous laissant tranquilles pour l’instant.

— Je ne peux pas dire que je le regrette. Navigateur, pouvons-nous bouger ?

— Nous avons perdu cinquante pour cent de notre mobilité, répondit une voix au fond de la passerelle. (L’officier parlait avec difficulté, comme s’il avait été blessé.) Nous pouvons avancer. Tourner sera difficile… Mais je crois que je vais pouvoir nous sortir d’ici.

— Armement ?

— Nous avons encore la plupart de nos batteries bâbord. À tribord, rien ne répond. Je ne peux vous donner aucune estimation.

— Boucliers ?

Un officier se pencha sur une console puis tapa dans ses mains.

— Les boucliers reviennent. Soixante-dix pour cent du nominal. Ils tiendront le temps de s’éloigner d’ici.

Sair Yonka secoua la tête.

— Nous n’irons nulle part. Lieutenant Phelly, présentez nos batteries bâbord au Lusankya.

— Je vous demande pardon, monsieur, mais nous ne sommes pas payés assez pour mourir ici.

— Alors débrouillons-nous pour l’éviter. (Yonka se tourna vers ses officiers.) Nous savions que nous risquions notre peau avec Isard. En la quittant, nous savions aussi également qu’elle nous pourchasserait dès qu’elle aurait réglé le problème d’Antilles… Il faut abattre le Lusankya ici et maintenant, ou il nous rattrapera et nous tuera. Ce n’est pas une question d’argent, mais de survie et de liberté.

Le capitaine désigna la baie principale.

— Les cargos et les chasseurs harcèlent ce Léviathan. Mais pour le Lusankya, ce sont des moustiques. Ils peuvent le piquer, pas le tuer. C’est notre travail. Si nous devons périr, nous ne le ferons pas en fuyant. L’Empire est mort, messieurs, nous le savons tous. Et la victoire est notre passeport pour l’avenir.

Wedge vit le Liberté commencer à tourner tandis que les turbolasers du Lusankya se déchaînaient contre les cargos. Une salve détruisit un bâtiment corellien.

Aucun autre vaisseau n’explosa.

Un coup de chance. Ils ne vont pas tenir longtemps.

— Chef Rogue à Deux, c’est notre dernière passe.

— Négatif, Chef Rogue, j’ai un Tie aux fesses.

— J’arrive, Deux.

Wedge tira sur le manche à balai et fit décrire une boucle à son aile X tandis qu’Asyr lui passait devant. Un Tie la suivait. Wedge fonça, mais trop tard : le vaisseau impérial avait tiré et transpercé le bouclier d’Asyr.

Quelque chose explosa à l’arrière du chasseur, qui partit en vrille.

— Deux ? Au rapport.

Pas de réponse.

— Gâte, donne-moi les dégâts de Deux.

Le droïd bipa une réponse ; les informations défilèrent sur l’écran, mais Wedge les ignora. J’ai quelque chose à faire avant.

Le Tie vira sur la droite. Wedge monta en chandelle et plongea. Deux tirs touchèrent les panneaux solaires de son adversaire sans faire de dégâts sérieux.

Ce type est bon.

Le Tie vira sur la gauche et décrivit une courbe serrée. Wedge le dépassa puis inversa la poussée. Son adversaire se rapprochait beaucoup plus vite que prévu… Le Rogue monta de quelques mètres, puis poussa le manche à balai en avant. Des rayons verts illuminèrent ses boucliers sans qu’il s’en inquiète.

Et Gâte qui hurle !

Le Tie dépassa l’aile X ; Wedge appuya sur la détente.

Les deux rafales frappèrent le chasseur impérial sur son aile indemne, l’arrachant du fuselage. Le cadavre du vaisseau tomba en vrille vers Thyferra.

Wedge n’attendit pas de le voir exploser. Il rétablit sa course et se retrouva devant le Lusankya. Une partie de l’avant du vaisseau avait été détruite, mais le superdestroyer continuait à tirer.

Il est blessé. Hélas, ce n’est pas assez.

— Ici Chef Rogue, je commence ma troisième attaque.

Personne ne répondit. Un frisson glacial parcourut la colonne de Wedge.

L’heure n’est pas encore venue de pleurer les morts. Nous le ferons quand la mission sera terminée.

Le Rogue se dirigea vers une gigantesque ouverture, à l’arrière du superdestroyer. Nous t’avons brisé le nez, il est temps de t’éventrer.

Il passa sur les torpilles, attendit que le réticule soit prêt et appuya sur la détente. Deux étoiles bleues filèrent vers le superdestroyer, bientôt rejointes par une demi-douzaine d’autres provenant des cargos. Il en fallut quatre pour percer le bouclier ventral du Lusankya… Mais les suivants plongèrent profondément dans ses entrailles. Les explosions projetèrent des débris dans l’espace avant que les réservoirs de carburants n’explosent à leur tour.

Plus de torpilles. Wedge passa aux lasers et chercha d’autres Tie à abattre.

S’il n’y en a plus, j’irai faire un tour sur la coque du Lusankya.

 

— Oui, madame le directeur, je comprends.

La voix d’Isard mourut ; Erisi ferma un instant les yeux. En apercevant la navette, elle avait espéré entendre Vorru. Mais la voix moqueuse d’Isard avait anéanti ses espoirs.

Erisi passa sur la fréquence tactique.

— Chef Élite à escadrille… Nous avons une nouvelle mission : protéger la navette Thyfonian. Nous devons la couvrir jusqu’à son passage en vitesse lumière.

— Six à Chef Elite. On nous abandonne, c’est ça ?

— Négatif, Six. Le Lusankya nous récupérera.

— Compris, Chef Elite.

— Douze à Chef Elite. Quatre ailes X en approche rapide.

— Bien reçu, Douze. (Erisi secoua la tête. Seulement quatre ? Tu regretteras cette erreur, Wedge Antilles.) Pilotes, restez en formation serrée. Les Rogues sont bons, mais nous pouvons les battre… Ne perdez pas la tête et vous garderez la vie.

 

Le capitaine Drysso partit d’un rire hystérique. Le Lusankya, touché par plus de cent-cinquante torpilles ou missiles, n’avait perdu que trente-cinq pour cent de ses capacités de combat. Ses capacités de manœuvre étaient limitées, ses boucliers faiblissaient rapidement, mais il surclassait encore ses adversaires.

Et nous massacrons leurs cargos.

— Capitaine, le Liberté revient à la charge, annonça le lieutenant Waroen.

— Batterie, feu à volonté !

— Bien compris, capitaine.

Le Lusankya pilonna sans merci le destroyer. Les turbolasers anéantirent les boucliers tandis que les batteries ioniques déchiraient la coque du Liberté. Les missiles ouvrirent d’immenses brèches, les explosions projetant des débris dans toutes les directions.

Le Liberté partit à la dérive dans l’espace. Mais les batteries de Yonka s’étaient acharnées sur le bouclier dorsal, portant le feu au cœur du superdestroyer.

Le Lusankya tremblait sous la violence des explosions.

— Estimation des dommages ! cria Drysso.

— Bouclier ventral hors service, répondit le lieutenant Waroen. Bouclier dorsal hors service, bouclier avant hors service, bouclier bâbord et tribord hors service.

— Nous n’avons plus que le bouclier arrière ?

Une nouvelle explosion secoua le vaisseau.

— Nous l’avions, monsieur.

— Capitaine, gémit l’officier des communications, je viens de recevoir un message prioritaire du directeur Isard. Elle nous ordonne de quitter les lieux. Nous devons suivre la navette.

— Quoi ?

— Elle dit que vous devriez partir avant de vous faire tuer.

— Tuer ! (Le rire de Drysso résonna sur la passerelle ; les hommes d’équipage se retournèrent.) Tuer ? Nous gagnons ! Le Liberté est mort. Les cargos sont en passe d’être détruits. Le croiseur est le suivant sur la liste et les ailes X n’ont plus de munitions. Nous avons gagné ! Qu’Isard fuie si ça l’amuse : le Lusankya restera là. Si elle abandonne Thyferra, je prendrai sa place et je récolterai ce qu’elle a semé.

Les officiers le regardèrent. Un silence pesant s’installa sur la passerelle.

Puis, sans avertissement, des exclamations s’élevèrent. Un instant, Drysso pensa que ses hommes l’acclamaient, avant de s’apercevoir qu’ils regardaient tous par la baie.

Il se retourna.

Devant le Lusankya, se tenait le Virulent.

Drysso applaudit.

— Le Virulent ! Il a nos escadrilles de Tie ! Ordonnez-lui de déployer les chasseurs. Plus rien ne s’interpose entre la victoire et nous !