CHAPITRE XXXIV
Corran se pencha par-dessus la table du Flarestar et prit la main de Mirax dans la sienne.
— Merci.
— Ce n’est pas la première fois que je paye le dîner, Corran.
— Je ne te remercie pas pour ça… Cette soirée me rappelle notre première rencontre, sur Talasea.
Mirax sourit.
— Oui, l’éclairage est doux ici comme là-bas…
— Tu étais si belle dans ta combinaison de vol.
— Et il a fallu que j’aille tout gâcher en te rappelant la rivalité de nos pères.
— Nous sommes vite revenus à de meilleurs sentiments, dit Corran. Je me souviens de notre dernière conversation sur Coruscant, avant que nous partions conquérir la planète… Et puis j’ai tout fichu en l’air en me laissant capturer par Isard.
Mirax hocha la tête.
— Encore un crime qu’elle doit payer.
— D’accord. Le pire, sur le Lusankya, c’était de savoir que tu me croyais mort.
— Et dans moins d’une journée, dit doucement Mirax, nous allons livrer un combat où nous pouvons disparaître tous les deux…
— Tu ne serais pas en train de me faire le vieux coup de « couchons ensemble ce soir, nous mourrons peut-être demain »…
— Non.
— Pourquoi ? protesta Corran. Je ne suis pas assez bien pour toi ?
— Tu l’es… mais je te rappelle que tu partages déjà mon lit.
— Ah, c’est vrai. Le processus de séduction perd de son actualité.
— Un petit flirt est toujours agréable…
— Je suis d’accord, dit Corran en souriant. (Il serra plus fort la main de Mirax.) Mais il n’y a que toi que je veuille séduire. Alors… Je crois que nous devrions officialiser cette situation.
Les yeux de Mirax s’arrondirent.
— Lieutenant Corran Horn, êtes-vous en train de me demander en mariage ?
— Je sais que ça a l’air un peu brutal. Je veux dire… Nous vivons ensemble depuis mon retour, mais avec les missions et les voyages, nous n’avons pas passé plus de trois semaines côte à côte en quatre mois. Pourtant, malgré le chaos qui nous entoure, je sais que jamais je n’aimerai quelqu’un plus que toi.
— J’espère… parce que dans le cas contraire, je m’arrangerai pour que tu n’aimes plus personne, dit Mirax. Mais… tu es sûr ? Tu ne veux pas en parler à Iella ?
— Elle me traiterait de crétin de ne pas t’avoir demandée en mariage plus tôt. Diric et elle étaient si proches… Malgré la souffrance de l’avoir perdu, elle ne regrette pas un seul des moments qu’ils ont passés ensemble. Tu sais, elle a prédit à la semaine près le temps que je resterai avec mes précédentes petites amies… Pas dans ton cas…
Mirax hocha la tête.
— J’ai toujours trouvé Iella intelligente. Bien. Une dernière chose, Corran… Je n’abandonnerai ni mon style de vie, ni mon père. La Mirax Terrik que tu connais ne changera pas…
— Ton père et moi trouverons un terrain d’entente, j’en suis sûr. Sinon, tant pis ! Tu vaudrais le coup quand même. Mais je ne changerai pas non plus, tu sais.
— Heureusement.
— Alors ? demanda Corran, le cœur battant à tout rompre.
Mirax leva la main de Corran et l’embrassa.
— Oui, Corran Horn.
Libéré, le pilote éclata de rire. Une larme coula le long de sa joue. Passant la main à son cou, il retira la chaîne d’or et le médaillon Jedi.
— Pour trouver des bijoux, la station n’est pas l’endroit idéal… et je ne voulais pas que Zraii me bricole un anneau en Quadanium. Je n’ai que ça à t’offrir.
— Corran, souffla Mirax, je sais ce que représente ce médaillon. C’est ton porte-bonheur. Je ne peux pas le prendre, surtout à quelques heures de l’assaut.
— Mirax, tu viens d’accepter de m’épouser ! Le potentiel de chance du pendentif est épuisé, crois-moi. Et puis… Tu es la personne la plus importante de la galaxie. Si ce bijou peut te garder saine et sauve et te faire un peu penser à moi, sa place est autour de ton cou.
Mirax hocha la tête et regarda le visage gravé de Nejaa Halcyon.
— Tu crois que nos enfants lui ressembleront ?
— J’espère. Plutôt à lui qu’à ton père, en tout cas. Si nos filles ont le charme de leur mère, je serais autant protecteur avec elles que Booster l’est avec toi.
Mirax passa la chaîne à son cou.
— Je vais te trouver un objet aussi spécial que celui-ci. (Elle sourit.) Zraii va me fabriquer quelque chose que tu n’oublieras jamais.
— Quoi ?
— Un anneau du métal fait avec la coque du Lusankya. Tu as été prisonnier dans ce vaisseau, comme tu as emprisonné mon cœur.
— Pas mal. Tu es bonne, Mirax.
— Je suis la meilleure, Corran et tu me pousses à exceller.
— Alors, quand annonçons-nous la nouvelle à ton père ?
La jeune femme pâlit.
— La vraie question est « comment »… Laisse-moi le temps d’y réfléchir. Nous préviendrons Wedge et les autres demain. Ce soir, nous avons du travail.
— Du travail ?
Mirax se leva et s’entraîna.
— Corran Horn, tu m’as demandé de t’épouser… J’ai accepté et je compte réussir mon mariage. Aussi, je propose de nous exercer jusqu’à ce que tout soit parfait.
Fliry Vorru lisait dans le cœur des deux officiers comme dans un livre ouvert.
Le briefing de Ysanne Isard avait terrorisé Lalwii Varrscha. Le commandant du Virulent était une femme grande et forte, mais il lui manquait la vitalité qui donnait son charisme à Cœur de Glace.
Pour être arrivée à ce poste, Varrscha devait être compétente, bien sûr, mais Vorru soupçonnait qu’elle avait beaucoup profité de l’ascension rapide de son supérieur, Joak Drysso. Le capitaine du Lusankya avait les cheveux argentés. Malgré sa petite taille, il paraissait menaçant.
— Vous allez attaquer une station spatiale de classe Impératrice, expliqua Isard, imposante dans son uniforme rouge d’amiral. L’armement et les boucliers sont d’habitude négligeables, mais il n’est pas à exclure que les Rogues les aient améliorés. Le système de Yag’Dhul est à vingt-quatre heures d’ici. Vous en avez soixante pour détruire la station et revenir sur Thyferra. Des questions ?
Joak Drysso fronça les sourcils.
— Madame le directeur, pourquoi envoyer les deux vaisseaux ? Le Lusankya a plus de puissance de feu qu’il n’en faut pour anéantir la base pirate. Mes douze escadrilles de Tie abattront sans difficulté les chasseurs d’Antilles. Aussi bons soient-ils, les Rogues ne peuvent pas nous battre.
Vorru toussota.
— Vous oubliez le croiseur d’Alderaan.
— Sa puissance de feu est négligeable, et mon super destroyer peut encaisser de gros dégâts sans broncher. J’enverrai deux escadrilles de Tie pour tenir le Vaillant à distance. Non, le Virulent n’est pas nécessaire au bon déroulement de cette mission… Et l’éloigner de Thyferra peut être risqué.
— Risqué ? répéta Isard. Pourquoi ?
— Antilles et ses hommes… Leurs ailes X sont équipées de propulseurs d’hyperdrive. S’ils prennent la fuite à notre arrivée, ils seront ici douze heures avant nous.
— Pour quoi faire ? demanda Vorru. Antilles ne peut pas s’emparer de la planète sans soldats.
— Mais il les a, ministre Vorru. Les rebelles ashems.
— Quelle importance ? Même s’il réussissait à conquérir une usine ou deux, il les perdra à votre retour…
— Avec le Virulent en orbite, il ne conquerrait rien du tout, insista le capitaine Drysso. J’ai la plus grande confiance en Varrscha, mais son vaisseau n’est pas nécessaire à la mission.
— Il ne l’est pas non plus ici, dit Isard en souriant. Le Front de Défense Thyferrien s’occupera des Rogues, s’ils attaquent. Nous tiendrons douze ou vingt-quatre heures, le temps que vous reveniez… Et le Virulent ira avec vous pour assurer votre retour. Ait Convarion a fait l’erreur de sous-estimer Antilles. Il a payé son arrogance de sa vie.
Drysso ne se formalisa pas.
— Madame le directeur, je vous promets que le Lusankya reviendra victorieux de Yag’Dhul.
— Sinon, capitaine Drysso, ce ne serait pas la peine de revenir. (Isard se tourna vers Varrscha ; Vorru crut que celle-ci allait s’évanouir.) Capitaine Varrscha, tout est clair ?
— Oui, madame. Le Virulent offrira aide et assistance au Lusankya pour lui permettre de mener à bien sa mission. J’exécuterai les ordres du capitaine Drysso à l’instant où il les formulera.
— Oh… Je vois, dit Isard, fronçant les sourcils. Vous avez servi sous le commandement de Drysso pendant des années, n’est-ce pas ?
— Oui, madame.
— Exécuter ses ordres est admirable, mais que feriez-vous s’il commettait une erreur ?
— Je ne comprends pas la question.
— Êtes-vous capable d’initiative, capitaine ? Si le Lusankya était menacé, pourriez-vous affronter les pirates sans attendre l’ordre du capitaine Drysso ?
— Oui, madame.
— À la bonne heure ! dit Isard en s’approchant. Comprenez-moi bien : le Lusankya a plus de valeur que vous ou votre vaisseau. Sa préservation est essentielle à notre succès. Vous ferez tout votre possible pour qu’il revienne… Le capitaine Drysso vous considère comme un observateur, moi comme un bouclier entre le Lusankya et la mort. (Isard se tourna vers Drysso.) Si Antilles a appris notre venue, il se sera préparé. Mais même s’il est surpris, prenez garde : il est loin d’être inoffensif. Le désespoir est le meilleur moteur de l’héroïsme. Soyez prudents.
— La victoire sera mienne, madame le directeur, dit simplement Drysso.
Isard fronça les sourcils.
— Belle épitaphe, capitaine, ironisa-t-elle.
Iella Wessiri verrouilla la culasse de sa carabine blaster. Elle se préparait à enclencher la batterie quand Elscol Loro apparut devant l’ouverture de sa tente.
— Des nouvelles ?
— Toutes les permissions sur le Lusankya et le Virulent ont été suspendues. Les deux vaisseaux devraient être partis dans six heures.
— Pas de convoi ?
— Non, c’est une mission d’attaque.
— Tu veux dire la mission d’attaque.
Elscol acquiesça.
— Isard semble mordre à l’hameçon que lui tend Wedge. J’espère seulement qu’il a une sacrée canne à pêche.
— Il a pris Coruscant… Libérer ce caillou ne devrait pas être si dur.
— Oui, mais Isard se fichait de Coruscant. Avec Thyferra, elle se montre plus possessive.
— Tu as raison, dit Iella en déclenchant son chronomètre. Bien, synchronisons nos montres. Quarante-huit heures après le départ du Lusankya, Wedge arrivera ici. Tu as prévenu Sixtus ?
— Sa force de frappe est en route. À notre signal, ses hommes investiront le centre de détention.
Iella sourit.
— Tu préférerais un camion piégé lancé dans le centre administratif de Xucphra, n’est-ce pas ?
— Je ne vois pas pourquoi nous devons risquer les vies des nôtres pour capturer Isard, protesta Elscol, alors qu’il suffirait d’une bonne bombe pour s’en débarrasser. Et ne me parle pas de justice, s’il te plaît.
— Si Isard avait un blaster dans la narine, je serais la première à appuyer sur la détente.
— Encore heureux…
— … mais l’important n’est pas de la tuer, c’est de l’arrêter et de la juger. Les gens doivent savoir que les lois existent et que les criminels peuvent être tenus responsables de leurs actes.
— Une bombe aurait le même effet.
— Non, elle ne ferait qu’ajouter au chaos. La mort d’Isard serait la porte ouverte aux rumeurs. « Ils voulaient la faire taire ; ses complices allaient être dénoncés… »
Sans procès, on ne connaîtra jamais l’étendue de ses crimes. Dans vingt ans, un mouvement néo-impérial pourrait la prendre pour exemple. (Le regard d’Iella devint plus dur.) L’assassiner en ferait un martyr ; le procès révélera le monstre.
Elscol soupira.
— Mouais. Tu m’as presque convaincue. J’ai besoin de vacances…
— Nous en avons tous besoin.
— Très bien. Nous trouverons une planète où l’Empereur n’est qu’une rumeur… Si nous survivons à cette bataille.
— Tu veux dire quand nous l’aurons gagnée.
— C’est ça, dit Elscol en souriant. Quand nous l’aurons gagnée. Mais ne compte pas sur moi pour mettre mon blaster sur « anesthésie ».
Iella récupéra sa carabine et enfonça la batterie.
— J’essaierai de prendre Vorru, Isard ou Dlarit vivants… Mais s’ils mettent un des nôtres en danger, tant pis pour eux.
— Le coup de la bombe aurait été plus simple, répéta Elscol. Enfin, nous pouvons réussir.
— Et comment ! dit froidement Iella. Dans deux jours, Thyferra aura regagné sa liberté… et Isard perdu la sienne.