CHAPITRE IX
Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent, révélant le hangar de l’escadron. Un instant, Wedge se demanda s’il rêvait encore. Une douzaine d’ailes X attendaient sur le tarmac, entourées de techniciens.
Mais ce n’était pas ça l’étonnant…
— Tycho, que se passe-t-il ?
— Nous ne faisons plus partie des Forces Armées de la Nouvelle République, expliqua son ami en souriant. Nous ne pouvons donc plus porter leurs couleurs… Après tout, que Corran ait gardé le symbole de la CorSec sur la coque n’a jamais choqué personne. Alors nous nous sommes dit : pourquoi pas ? Que chacun peigne son vaisseau comme ça lui chante…
Tycho désigna une aile X rouge sang rayée de blanc sur le nez et sur les ailes.
— Voilà mon appareil, expliqua-t-il. J’ai fait quelques recherches… Ce sont les couleurs de l’unité de la Garde d’Alderaan, qui existait avant que la planète ne bannisse les armes. Zraii a changé mon signal d’identification. J’ai un vieux code de l’époque : d’après les légendes, celui du Deuxième Chance. Une façon d’afficher que nous n’appartenons plus à la Nouvelle République…
Wedge hocha la tête.
Ça se tient. Et comme ça, nos chasseurs ont l’air… plus féroces.
— J’aime bien, Tycho, soupira-t-il, mais je me demande comment décorer mon chasseur. Corran s’est réservé le vert et noir de la CorSec…
Tycho réfléchit.
— Pourquoi pas bleu nuit, avec des rayures rouges sur les flancs ?
— Je n’ai jamais fait partie de l’armée corellienne et je n’ai jamais gagné de Lignes de Sang. Si Yan Solo en porte sur son pantalon, c’est qu’il est passé par l’Académie Impériale, où il a fait preuve de bravoure…
— Et tu ne t’es jamais montré courageux, peut-être ?
— Ça se discute… (Un sourire naquit sur le visage de Wedge.) J’ai une idée. Repeignez mon vaisseau en noir, et ajoutez un motif vert et doré sur le fuselage avant.
— Ça ne me dit rien qui vaille, protesta Tycho.
— Mes parents tenaient une station de carburant à Gus Treta. Mon père économisait pour racheter les murs et lancer sa propre chaîne. Il avait choisi le vert, le noir et le doré pour le futur logo et les uniformes… Vous avez tous choisi des couleurs qui vous lient à votre jeunesse, Corran le premier. Celles-ci me rappelleront le foyer que j’aurais dû avoir…
Tycho hocha la tête.
— Je vais donner l’ordre. (Au fond du hangar, le Pulsar se posa, suivi d’une petite navette.) Ton vaisseau et celui de Gavin seront les derniers à être prêts.
Wedge se tourna vers le chasseur immaculé d’Ooryl.
— Et celui-là ?
— La peinture est terminée.
— Blanc ? C’est banal.
— Apparemment pas pour ceux qui voient les ultraviolets. D’après Zraii, c’est un chef-d’œuvre.
— Je ne serai jamais un artiste, soupira Wedge.
Il fit un signe amical à Corran, à Mirax et à Gavin qui descendaient du Pulsar.
Une seconde. Qui c’est, celui-là ?
Un inconnu les accompagnait, plus grand et plus musclé que Gavin. Il fit quelques pas avant que Wedge le reconnaisse.
— Tiens tiens… Voilà pourquoi Corran a l’air tout penaud.
— Quoi ? demanda Tycho, sans comprendre. Qui est ce type ?
— Le père de Mirax.
— Oh… Oh.
Wedge partit à la rencontre du nouveau venu.
— Ça fait un bail, Booster, dit-il en lui serrant la main.
— J’ai passé cinq ans sur Kessel, et quand je suis sorti, tu te gelais les miches sur Hoth, répondit le père de Mirax. Je pensais bien tomber sur toi un jour ou l’autre… Et comme tu vois, j’avais raison.
— En effet. (Wedge jeta un coup d’œil à Mirax.) Ta fille est une bénédiction, tu sais. Et pas seulement pour moi…
— Oui, j’ai cru le comprendre, dit Terrik en passant un bras autour des épaules de Wedge. Mais tu aurais dû la protéger des manigances de Horn…
— Si ta fille ne t’obéit pas, comment veux-tu qu’elle m’écoute ? protesta Wedge. Et Corran n’a rien à voir avec son père. C’est un des hommes les plus loyaux que je connaisse…
— Cette réflexion prouve que tu ne sors pas assez, répliqua Booster en désignant le hangar. Joli petit château que vous avez là. La station ne résistera pas à un destroyer, mais je suppose que vous en êtes conscients…
— Tycho va me faire faire le tour des lieux. Voudrais-tu m’accompagner ?
— J’en serais heureux.
Wedge se tourna vers Gavin.
— Tout s’est bien passé sur Tatooine ?
— Parfaitement, monsieur. Nous avons récupéré des armures personnelles et des pièces de rechange. Oncle Huff dit que c’est tout ce qui lui reste du matériel de l’Eilodon.
— On a fait une bonne affaire, Wedge, précisa Corran. Nous avons récupéré assez d’armes pour équiper une force d’intervention de taille moyenne. Les armures valent celles des commandos…
Un bruit de pas interrompit Corran. Wedge se tourna, pour découvrir un homme gigantesque au crâne rasé et à la barbe broussailleuse accompagné d’une petite femme mince.
Wedge hésita, puis sourit en les reconnaissant.
— Déjà ? Comment avez-vous fait pour vous pointer si tôt ?
— Je suis également ravie de te voir, Wedge, déclara cérémonieusement la jeune femme. Tu n’as pas changé… Tycho et Mirax non plus, d’ailleurs. (Elle salua les autres et tendit la main à Corran.) Je m’appelle Escol Loro, et voici Sixtus Quin.
— Escol a rejoint l’escadron après Bakura, expliqua Wedge avant de désigner l’homme au crâne rasé. Sixtus Quin était un agent des services secrets impériaux. Son commandant l’a trahi. Il nous a aidés lors d’une mission sur Tatooine…
Corran s’inclina légèrement.
— Les nouveaux pilotes sont toujours les bienvenus…
— Nous ne sommes pas là pour ça, dit Escol. (Elle se tourna vers Wedge.) Nous étions en chemin quand nous avons reçu ton appel. En apprenant qu’un coup d’État avait eu lieu sur Thyferra, nous nous sommes dit que nous allions y exercer notre métier…
— Votre métier ? demanda Corran, sourcils froncés.
— Repérer les mondes régis par des tyrans impériaux et les libérer ! Sixtus, les gars de son escadron et quelques bons à rien nous accompagnent. Nous organisons des mouvements de résistance, nous fournissons des armes, nous aidons les rebelles indigènes à se débarrasser des Impériaux…
Wedge sourit.
— Aucun d’entre nous n’est spécialiste des révolutions, expliqua-t-il aux pilotes qui l’entouraient. Escol a de l’expérience. Elle n’aime pas la bureaucratie. Voilà pourquoi elle ne travaille pas pour la Nouvelle République…
— Je n’ai pas encore d’opinion définie sur l’Alliance, ajouta la jeune femme, bien que je n’aie guère apprécié son attitude au cours du procès de Tycho. Mais les Impériaux ont massacré ma famille. Je fais ce que je peux pour leur rendre la politesse.
— As-tu jeté un coup d’œil sur les infos que je t’ai envoyées ? demanda Wedge.
Escol hocha la tête.
— Si le pourcentage d’humains loyaux aux Vratix est confirmé, la conquête de ce monde ne devrait pas poser de difficultés. Le véritable problème, ce sont les vaisseaux… S’ils pouvaient être neutralisés ou détruits, une offensive bien menée nous débarrasserait de Ysanne Isard. Évidemment, il faut que j’aille jeter un coup d’œil en bas avant de vous donner des garanties.
— Vous voulez descendre sur Thyferra ? demanda Mirax, étonnée.
— Le plus tôt possible. Primo, nous devons entrer en liaison avec les Ashems, expliqua Escol en comptant sur ses doigts. Secundo, déterminer la nature de nos cibles pour mettre en place les moyens appropriés. Tertio, prévoir la réaction du peuple en cas de révolte, et quatro, trouver un leader indigène qui puisse en tirer le meilleur parti. Si Thyferra était une colonie oubliée de tous, nous prendrions moins de précautions. Mais la planète est d’une importance vitale. Nous devons être prudents et précis.
— Compris. (Wedge croisa les bras.) Nous n’avons pas assez d’hommes, ni assez d’armes, pour nous permettre de courir des risques.
Sixtus mit les poings sur ses hanches.
— Pensez-vous pouvoir cacher longtemps l’existence de cette station à Isard ?
— Aucune idée, soupira Wedge. Nous prendrons toutes les précautions possibles, mais nous sommes aussi vulnérables que l’était l’Alliance sur Hoth ou sur Yavin 4. Si Isard nous trouve, nous passerons un mauvais moment.
— Alors, le plus tôt nous serons sur Thyferra, plus vite nous occuperons Cœur de Glace, déclara l’ancien agent impérial. Nous devons l’inciter à envoyer certains de ses vaisseaux à votre recherche, mais certains seulement.
— Bref, nous vaincrons seulement si Isard se montre stupide, soupira Corran.
Escol secoua la tête.
— Pas tout à fait. Notre boulot est de lui donner assez de soucis pour la déstabiliser. La partie ne va pas être facile. Il y aura des morts, c’est inévitable. Tant pis. Si Isard continue à contrôler la production de bacta, il y en aura bien plus.
Wedge sentit un poids énorme s’abattre sur les épaules. Il n’avait pas sous-estimé la difficulté de sa tâche, mais entendre Sixtus mentionner les victimes lui rappelait ses responsabilités.
— Es-tu venue nous aider, Escol ? demanda-t-il froidement.
La jeune femme rit.
— Ai-je le choix ?
— Parfait. Alors ? Par où suggères-tu que nous commencions ?
— La première chose à faire, dit Escol sans perdre son sourire, c’est rendre Isard folle de rage.