CHAPITRE II
Décidément, Wedge Antilles se sentait mal à l’aise sans uniforme. Il avait passé toute sa vie d’adulte au sein de l’Alliance Rebelle. Quitter l’armée était un choc.
Pourtant, sa décision était la bonne. La Nouvelle République ne pouvait pas attaquer Thyferra et traîner Ysanne Isard en justice. C’était une révolution qui avait placé Isard à la direction de l’État thyferrien, non une agression impériale. Si la Nouvelle République décidait de s’opposer au « choix » du peuple thyferrien, de nombreux mondes hésiteraient avant de demander leur adhésion.
Reprenant ses esprits, Wedge se força à sourire à Tycho Celchu, assis en face de lui.
— Alors ? Avons-nous les yeux plus gros que le ventre ?
— Thyferra est un sacré morceau, dit Tycho. Mais en ouvrant grand la bouche, nous réussirons peut-être à l’avaler… Nous avons récupéré les dix millions de crédits que Ysanne Isard avait placés en banque pour monter un coup contre moi. Cet argent m’appartient, donc il nous appartient. Nous avons aussi les cinq Z-95 dont nous nous sommes servis pour libérer Coruscant…
— Ils n’ont pas d’hyperpropulsion.
— Pas grave, expliqua Tycho en souriant. Les Z-95 sont rares, et ils ont joué un rôle historique important. J’ai reçu de nombreuses offres de musées et de parcs d’attractions. Nous devrions obtenir un million et demi de crédits par vaisseau… L’Académie Militaire bothane veut celui que pilotait Asyr, qu’importe le prix.
Wedge secoua la tête.
— Cinq fois un million et demi ? Ça nous ferait un joli trésor de guerre.
— Qui devrait suffire à couvrir l’essentiel de nos besoins.
— À condition que nous trouvions où acheter des armes illégales sur la plupart des mondes civilisés…
— Winter et Mirax s’en occupent. Winter a localisé des dépôts impériaux et elle sait où acheter, emprunter et voler les pièces détachées. Mirax affirme avoir trouvé un vendeur pour le reste… Et puis, n’oublions pas les donations…
Wedge sourit. Le petit bureau où ils étaient assis témoignait de la générosité de la population. Après leur démission, les pilotes avaient été obligés de quitter le Q. G. de l’Escadron Rogue. Des donateurs s’étaient alors présentés pour leur proposer la jouissance de bureaux ou d’appartements… Pour de nombreux sympathisants, les membres de l’escadron étaient les seuls à avoir conservé l’esprit rebelle qui avait vaincu l’Empire.
— Crois-tu que c’est à cause de nous si le Conseil Provisoire a ordonné le maintien au sol des griffe-ciel ?
— La rumeur a couru après que nous avons acheté le SoroSuub, mais je ne pense pas que ce soit la raison. Les problèmes de sécurité posés par les griffe-ciel sont réels. Quand le Lusankya en a abattu un, les débris ont dévasté une zone de deux kilomètres carrés…
— Dommage, l’un d’eux nous aurait été bien utile. Nous aurions eu assez de place pour entreposer notre matériel…
Wedge secoua la tête.
— Essayons plutôt de trouver un Q. G. en dehors de Coruscant… Dans une ancienne base rebelle, par exemple.
— Plutôt mourir que de remettre les pieds sur Hoth, grogna Tycho. J’ai vu assez de neige comme ça.
Wedge frissonna au souvenir de la planète glacée.
— Je pensais plutôt à Yavin 4 ou à Talasea… Pas à Endor, en tout cas : les Ewoks feraient des cibles trop faciles.
On sonna à la porte ; Wedge leva les yeux.
— Entrez.
La porte s’ouvrit pour révéler un grand homme roux, portant l’uniforme d’un capitaine des Forces Armées de la Nouvelle République. Il commença à saluer, hésita, puis acheva son geste.
Wedge se leva et lui rendit son salut.
— Bienvenue, Pash. Je vois que tu as récupéré ton grade. Tu rejoins ton groupe de combat ?
Pash Cracken acquiesça, puis serra la main de Tycho et de Wedge avant de s’asseoir.
— Content de vous revoir, dit-il en soupirant. J’aurais tant aimé me joindre à vous… Tu n’as qu’un mot à dire, Wedge et je retourne dans le civil.
— Pash, tu ne peux pas démissionner. Ton père est à la tête de la Sécurité de l’Alliance… Si tu viens avec nous, personne ne voudra croire à notre indépendance. Je sais que tu n’as pas les mêmes opinions que ton père, mais en politique, tout n’est qu’apparence.
— Je sais. (Pash secoua la tête.) Je rejoins l’escadrille du commander Varth. Le gros de la flotte pourchasse Zsinj : nous allons patrouiller vers le Noyau, là où il avait l’habitude de traîner. Folor, la lune de Commenor, sera notre base. Tu parles d’une aventure.
— Folor, répéta Wedge en souriant. Pour le confort, tu repasseras…
— Ce sera toujours mieux que sur Generis. Les habitants sont si arriérés qu’ils ignorent que l’Ancienne République est tombée…
— Et ils se demandent pourquoi ils ne reçoivent plus rien d’Alderaan, ajouta Tycho.
Pash acquiesça.
— Tu vois le tableau. Yag’Dhul, le système des Givin, sera notre secteur de patrouille. Une de nos premières missions consistera à rendre la station spatiale inhabitable, pour que Zsinj ne puisse pas s’y replier.
— Je croyais qu’il n’avait pas remis les pieds là-bas depuis l’attaque ? s’étonna Wedge.
Le capitaine acquiesça.
— En effet. Et c’est pour ça que je me suis dit que la station pourrait vous intéresser. En vous y installant, vous empêcheriez le retour de Zsinj tout en bénéficiant d’une plateforme d’envol proche de Coruscant comme de Thyferra…
Tycho sourit.
— Autre avantage : tu pourrais venir nous voir et nous aider en cas de problèmes.
Pash se redressa, feignant la surprise.
— Qu’allez-vous imaginer ? Ce genre de considération ne m’a jamais traversé l’esprit. Bien sûr, mes hommes seraient libres de vous rendre visite. Le temps est pourri sur Yag’Dhul.
— Compris, dit Wedge.
— Oui, la station ferait une bonne base, ajouta Tycho. Si Pash déclare haut et fort qu’elle est inhabitable, Isard n’ira pas y fouiner… du moins pas tout de suite. Elle nous découvrira un jour ou l’autre, c’est inévitable. Mais nous nous défendrons mieux sur une plateforme spatiale opérationnelle que dans un griffe-ciel ou dans un entrepôt de Coruscant.
— C’est la meilleure solution, conclut Wedge. Merci, Pash. Tu as résolu un de nos problèmes majeurs. Nous avons à présent un toit.
— J’espérais que vous accepteriez, dit le soldat en souriant. Je pars en fin de semaine sur une aile A. Nous garderons la station jusqu’à votre arrivée.
— J’apprécie ton geste. (Wedge fronça les sourcils.) Pash, quand tu as rejoint l’Escadron Rogue, tu désirais te faire une opinion sur tes capacités de pilote. Tu voulais appartenir à la meilleure unité pour tester tes talents. As-tu obtenu ce que tu souhaitais ? Es-tu prêt à rejoindre ton groupe ?
— Je crois que oui. Mon passage dans l’escadron a été court, mais utile. Piloter un Z-95 dans une ville obscure, en pleine tempête, quelle sensation ! J’ai effectué des manœuvres que je n’aurais jamais crues possibles. J’aimerais presque découvrir une nouvelle Étoile Noire pour pouvoir m’y attaquer.
— Je n’irais pas jusque-là, Pash…, dit Wedge en souriant. Tu es bon, très bon même. Les Impériaux ont toutes les raisons de te craindre.
— Merci, Wedge. Venant de toi, ça signifie beaucoup. L’Escadron Rogue m’a aussi appris que dans une unité, chaque soldat comptait. Une de mes craintes majeures, en tant que capitaine, était que mes hommes ne réfléchissent pas… qu’ils me suivent aveuglément, même si je faisais une terrible erreur. Dans l’escadron, chaque pilote connaît l’importance de sa mission. Si nous n’avions fait qu’obéir, sur Coruscant, les Impériaux seraient encore en place…
« J’agirai de même avec mes hommes. Si je leur donne des responsabilités, ils comprendront que je leur fais confiance… Ils sauront que je suis prêt à les écouter et ils ne me suivront pas bêtement dans une impasse.
Wedge se leva et tendit la main vers Pash.
— Tu nous manqueras, capitaine Cracken, mais ce que nous perdons, ton unité le gagne. Nous nous reverrons sur la station de Yag’Dhul.
— Merci, Wedge, merci Tycho. J’attends ce moment avec impatience.
La porte se referma derrière Pash.
— Bien, dit Wedge. Notre problème immobilier est résolu. Il ne nous manque plus qu’une douzaine d’ailes X, les munitions qui vont avec, les droïds, les techniciens, le ravitaillement et l’équipement nécessaire pour réparer les dégâts de notre nouvelle base…
— Ça fait beaucoup, dit Tycho. Oserais-je le dire ?
— Quoi ?
— J’aimerais que M3 nous aide à tout emballer. Wedge sourit en pensant à leur droïd de protocole.
La mission initiale de M3 était de garder un œil sur Tycho au cas où celui-ci se serait révélé un espion impérial, mais le droïd alimentait à merveille l’escadrille. Hélas, il était tellement bavard que Wedge préférait le côtoyer le moins possible.
— Ouais, il me manque aussi, soupira-t-il. Nous devrons faire de notre mieux sans lui…
— En espérant que ça suffise, ajouta Tycho.