CHAPITRE I

Le bourdonnement du sabrolaser résonnait dans la nuit. La lumière argentée de la lame allait et venait dans l’obscurité, repoussant les ombres.

Corran Horn observa le rayon d’énergie. La lueur n’était pas agressive. Du bout de la lame, il dessina un huit, puis se mit en garde.

Cette arme est une relique d’une époque révolue… Pourtant, elle évoque des images, des sensations.

Il appuya sur le bouton noir. La lame s’éteignit, plongeant la pièce dans l’obscurité. Oui, le sabrolaser était un symbole, mais de quoi ?

Luke Skywalker était considéré par tous comme un héros, et comme le digne héritier de la tradition Jedi. Ses efforts pour reconstruire l’Ordre étaient universellement acclamés. Seuls ceux qui craignaient le retour de la paix dans la galaxie souhaitaient sa défaite…

Je l’admire autant que les autres, soupira Corran. Et pourtant, ma décision est prise.

Que Luke Skywalker lui ait demandé de quitter l’Escadron Rogue pour devenir un Jedi avait été un immense honneur. Skywalker avait expliqué à Corran que son grand-père, Nejaa Halcyon, était un Maître Jedi tué durant la Guerre des Clones. Le sabrolaser que Corran avait découvert dans le Musée Galactique appartenait à Halcyon. Il était juste que Corran en hérite.

Mais cet héritage n’était pas le seul…

Toute sa vie, Corran avait cru que son grand-père était Rostek Horn, un membre influent de la CorSec. Son père, Hal Horn, en faisait lui aussi partie. Adulte, Corran n’avait pas eu le choix : il avait suivi la tradition Horn et s’était engagé à son tour.

Le grand-père de Corran avait mentionné sa rencontre avec un Jedi mort durant la Guerre des Clones. Ce n’était qu’une anecdote parmi d’autres… Rostek avait aussi parlé avec le Grand Moff Fliry Vorru, et visité le Centre Impérial – le nom que portait Coruscant sous l’Empire.

Un jour, Corran avait compris que Rostek Horn et son père avaient travesti la vérité. Après la mort d’Halcyon, Rostek avait consolé la veuve du Jedi, puis il l’avait épousée… adoptant dans la foulée le fils d’Halcyon, Valin. L’enfant avait grandi sous le nom de Hal Horn. Quand l’Empereur avait entamé sa campagne d’extermination des Jedi, Rostek s’était servi de sa position dans la CorSec pour effacer toute trace du véritable père de son fils adoptif.

Quand j’étais petit, mon père ne me racontait rien sur les Jedi…

Sans les holos de propagande, qui leur donnaient le mauvais rôle, et les souvenirs de son grand-père sur la Guerre des Clones, Corran n’aurait rien su ou presque des Jedi. Comme la plupart des enfants, il les trouvait romantiques, mais un peu sinistres.

Le jeune homme leva une main et la posa sur le médaillon doré qu’il portait autour du cou. Il avait hérité du bijou après la mort de son père. Corran ignorait alors que celui-ci l’avait gardé parce que l’image de Nejaa Halcyon y était gravée.

Il le portait pour honorer son père et défier l’Empire…

Apprendre qu’il était le petit-fils de Nejaa Halcyon avait ouvert les yeux de Corran. En rejoignant la CorSec, il avait choisi de consacrer sa vie à rendre la galaxie plus sûre. En devenant un Jedi, lui avait expliqué Luke, il continuerait son œuvre, mais à plus grande échelle.

L’idée était séduisante ; tous les compagnons de Corran s’étaient attendus à ce qu’il saute sur l’occasion.

Le jeune homme sourit.

Quand le conseiller Borsk Fey’lya a appris que j’avais refusé, il a failli avoir une crise cardiaque.

Ça ne m’aurait pas dérangé, d’ailleurs…

Corran secoua la tête. Cette pensée était indigne de lui. Le conseiller bothan était persuadé que cette décision était vitale pour la Rébellion. Le futur ordre Jedi serait le ciment de la Nouvelle République, pensait-il. Accueillir des membres des différentes nations dans l’Escadron Rogue avait aidé à unir les peuples qui la composaient.

De la même manière, un Jedi corellien pourrait pousser le Diktat à améliorer ses relations avec la Nouvelle République…

Skywalker avait demandé à Corran de rejoindre l’Ordre ; Fey’lya ne pouvait imaginer qu’il refuserait. Mais Corran avait des obligations plus urgentes que la plus noble cause galactique.

Des dettes à régler !

Les forces de l’Empire l’avaient capturé, torturé et emprisonné à l’intérieur du Lusankya, un superdestroyer enterré sous la surface de Coruscant. Il s’en était échappé avec l’aide des autres prisonniers, et il leur avait juré de revenir pour les libérer.

Horn comptait tenir sa promesse. Qu’ils soient enfermés dans le ventre d’un vaisseau en orbite autour de Thyferra ne lui rendrait pas la tâche aisée, mais pourquoi s’arrêter à des détails ?

Je suis Corellien. Les probabilités m’ennuient.

Pour tout arranger, les prisonniers rebelles de Lusankya étaient menés par un vieil homme qui se faisait appeler Jan. Corran avait vu un holo-reportage sur les héros de l’Alliance Rebelle. Un des plus grands était le général qui avait dirigé la défense de Yavin 4 et préparé la destruction de la première Étoile Noire, Jan Dodonna. Le documentaire affirmait qu’il s’était fait tuer durant l’évacuation de Yavin 4, mais Corran l’avait reconnu.

Dodonna était un des prisonniers du Lusankya.

Sa célébrité n’avait rien à voir avec l’affaire. Jan, comme Urlor Sette et les autres captifs, avaient aidé Corran à s’échapper. Les abandonner à Ysanne Isard aurait été une félonie. Ils risquaient la mort ou pire : la conversion en agents impériaux…

— Du mal à dormir ?

Corran sursauta et se retourna vers la jeune femme brune debout dans l’encadrement de la porte de la chambre à coucher.

— Un peu. Navré de t’avoir réveillée, Mirax.

— Ce n’est pas toi qui m’as réveillée, c’est ton absence. (Mirax bâilla et désigna le sabrolaser, dans la main de Corran.) Tu regrettes ta décision ?

— Laquelle ? Celle de refuser l’offre de Skywalker ou… celle de m’installer avec toi ?

— Je pensais au Jedi, dit la jeune femme en levant le menton. Si tu as des réserves sur le reste, je peux réapprendre à dormir seule.

— Je ne regrette rien. Ton père et le mien étaient ennemis mortels, mais je ne peux pas imaginer meilleure amie que toi…

— Ou maîtresse.

— En effet.

— Les hommes disent tous la même chose quand ils sortent de prison, fit Mirax en haussant les épaules.

— Tu as sûrement raison, mais comment le sais-tu ?

— Une intuition.

Corran éclata de rire et traversa la pièce pour enlacer sa compagne.

— Après mon évasion, souffla-t-il à l’oreille de la jeune femme, Tycho m’a présenté ses condoléances pour ta mort. Il m’a raconté comment le seigneur de guerre Zsinj avait détruit un convoi sur Alderaan, dont le Pulsar faisait partie… Tout s’est écroulé en moi. Te perdre m’a arraché le cœur.

— Tu sais maintenant ce que j’ai ressenti à la nouvelle de ton « décès » sur Coruscant, dit la jeune femme en posant sa tête sur son épaule. J’ai mesuré la part que tu prenais dans ma vie lorsque tu as disparu. Mon esprit était mort ; je me demandais quand le corps suivrait.

— J’ai eu plus de chance que toi. Le général Cracken m’a appris que tu étais partie en mission sur Borleias pour transporter du ryll kor, du bacta et un verachen Vratix. L’embuscade de Zsinj n’était qu’un camouflage…

— Nous nous sommes servis du complexe de biotique pour fabriquer du rylca, puis assez de bacta pour attaquer le monopole thyferrien… (Mirax soupira.) J’aurais préféré que le plan se déroule comme prévu. Nous aurions évité tant de morts.

— Tu n’y peux rien.

— Et tu n’es pas responsable du fait qu’Isard ait repris les autres prisonniers, dit Mirax en reculant. Tu en es conscient, n’est-ce pas ?

— J’en suis conscient, mais je ne l’accepte pas. Tu sais, rester avec moi risque de ne pas être de tout repos…

Mirax papillonna des cils comme une jeune fille effarouchée.

— Des problèmes en perspective… ? Que voulez-vous dire, lieutenant Horn ?

— Eh bien… Voyons donc. J’ai incité les pilotes du plus célèbre escadron de chasse de la Nouvelle République à démissionner… J’ai juré de libérer Thyferra des griffes de Ysanne Isard… Mon armée se résume à une douzaine de pilotes, plus mon aile X et ton cargo – si tu nous suis dans cette aventure.

— Contre trois destroyers impériaux et un super destroyer… plus les forces thyferriennes.

— Bien résumé.

— D’accord. Et les mauvaises nouvelles ?

— Mirax, sois sérieuse…

— Je le suis. Tu oublies que c’est une aile X et un cargo qui ont détruit la première Étoile Noire…

— La situation est différente.

— Pas vraiment. Toi et moi, Wedge, Tycho et tous les autres savons ce qu’il faut avoir pour battre l’Empire. Ce n’est pas une question d’équipement, mais de force et de volonté. Palpatine a été battu parce qu’il le fallait, pour le bien de tous. Les Rebelles n’avaient pas le choix et ils ont tout donné. Ici, c’est la même chose… Nous savons que nous pouvons gagner, que nous le devons.

— Très bien, Mirax. Je suis d’accord, mais c’est une entreprise monumentale. Rien que le matériel à trouver…

— Je ne dis pas que ça sera facile… mais c’est possible.

— Je sais, admit Corran en se frottant les yeux. Trop de variables, pas assez de données…

— Ni de sommeil. Le soleil se lève dans trois heures. Aussi intelligent que tu sois, Corran Horn, on ne fait pas de bon travail au milieu de la nuit…

Corran sourit.

— Ce n’est pas ce que tu disais hier à la même heure…

— Tu ne pensais pas à Ysanne Isard, mais à moi.

— Et ça fait une différence ?

— De mon point de vue, tu parles ! dit Mirax en prenant le sabrolaser. (Elle le posa au-dessus de l’armoire, puis lentement, fit glisser sa robe de chambre à terre.) Prêt à réétudier… le corps du délit ?

Corran embrassa Mirax sur le bout du nez.

— Avec un plaisir non dissimulé.

— Lieutenant Horn, ce n’est que la moitié de l’objectif.

Le jeune homme la suivit jusqu’au lit.

— Pardonne-moi. Tu sais, je sors de prison.

— Pas de pardon prévu, dit son amie en souriant. Mais ta bonne conduite peut jouer en ta faveur…