CHAPITRE XXXII

— Je sais, Whistler, dit Horn. Le convoi a dix minutes de retard.

Corran tapota nerveusement le tableau de bord. Dix minutes, ce n’était pas grand-chose… Mais la mission n’était pas normale.

Et le convoi devait conduire Isard à la station.

Corran n’était pas seul. Gavin, Rhysati et Inyri le suivaient dans leurs ailes X ; Mirax était juste derrière, aux commandes du Pulsar.

Dire qu’ils ne se doutent de rien, soupira Corran, qui avait dû leur cacher la vérité. Mais Wedge a raison : ils n’ont pas besoin de savoir. Et puis, le danger n’est pas pour tout de suite…

Une lumière clignota sur la console de communication. Corran appuya sur un bouton.

— Ici Rogue Neuf.

— Rogue Neuf, ici le Pulsar, dit la voix de Mirax. (Corran se sentit aussitôt plus léger.) Alors, puisque nous avons le temps, tu vas me raconter ce qui s’est passé avec mon père ?

Corran fronça les sourcils.

— Puis-je savoir comment tu es au courant ?

— Ne t’inquiète pas, tu ne parles pas dans ton sommeil, dit la jeune femme. C’est le message que mon père m’a laissé qui m’a mis la puce à l’oreille… D’habitude, quand je m’en vais en mission, j’ai droit à : « Sois prudente et ne suis pas Horn n’importe où. » Alors qu’aujourd’hui, il m’a dit : « Sois prudente et obéis à Corran. » Il y a une nuance, non ?

— Si on veut.

— Parle, ou je tire.

— Eh bien, ton père et moi avons eu une petite discussion…

Sachant que Mirax ne le laisserait pas en paix tant qu’il n’aurait pas donné tous les détails, Corran raconta la scène, l’intervention de Wedge, et la réconciliation qui avait suivi.

Mirax l’écouta avec attention.

— Ainsi, c’est le souvenir de Hal Horn qui t’a poussé à faire le premier pas. Intéressant. Dis-moi, en veux-tu à ton père ? Je veux dire… pour ne pas t’avoir révélé la vérité sur ton héritage Jedi ?

— Pas vraiment, répondit Corran après un moment de réflexion. Il l’a fait pour me protéger, et les temps étaient durs. Mais je suis sûr qu’il avait l’intention de tout m’avouer un jour ou l’autre – connaissant mon père, il devait être fier de sa lignée. Sa mort prématurée m’a privé de la conversation que nous aurions dû avoir.

— Et ton grand-père adoptif, Rostek Horn ?

— Il est sur Corellia. Depuis la prise de pouvoir du Diktat, je n’ai pas eu l’occasion de le revoir. J’irai le voir quand cette histoire sera terminée… Mais ce ne sera pas pareil. (Corran soupira.) J’aurais aimé entendre mon père parler du sien.

Whistler sifflota. Corran hésita, puis se tourna vers le droïd.

— « Je n’ai qu’à demander ? » Whistler, que veux-tu dire ?

Le droïd émit un sifflement agacé.

— Oui, bien sûr, la question est rhétorique. Alors, qu’arrivera-t-il si je « demande » ?

La voix inquiète de Mirax résonna dans le communicateur.

— Corran, que se passe-t-il ?

— Je ne sais pas… Attends.

Whistler fredonna une petite mélodie triomphante et Corran regarda, ébahi, les informations s’afficher sur son moniteur.

— J’aurais dû y penser, dit-il lentement. Mirax, écoute ça. Mon père a codé un fichier holo et l’a chargé à l’intérieur de Whistler. Il a dû lui confier quand je me suis engagé dans la CorSec, mais Whistler dit que le contenu du message a été enregistré bien avant.

« Whistler prétend que pour obtenir le message, il fallait que j’en fasse la demande et que je sois capable de donner la clé. Je suppose que ce doit être Nejaa ou Valin Halcyon… Le vrai nom de mon grand-père, ou celui de mon père.

— Corran, c’est incroyable, souffla Mirax. Qu’est-ce que tu attends ? Vas-y, écoute-le…

Corran réfléchit un long moment.

— Non, dit-il enfin. Le moment n’est pas venu.

— Pourquoi ? Tu n’as rien de mieux à faire…

— L’existence du message prouve que mon père accordait une grande importance à notre ascendance Jedi, expliqua Corran. Il aurait sans doute aimé que je commence mon apprentissage, que je m’engage aux côtés de Luke Skywalker. Mais ce n’est pas une décision que je veux prendre pour l’instant. Il y a la guerre contre Isard, la promesse que j’ai faite aux prisonniers… Je ne veux pas me laisser distraire. Et entendre mon père ne ferait qu’embrouiller les choses.

— Tu es sûr ?

— Oui. Quand nous aurons réglé le problème de Thyferra, j’aurai l’esprit libre. Mon père respectait mes décisions. Il m’aurait laissé prendre celle-là.

— C’est une grande force qu’il t’a donnée.

Corran sentit sa gorge se serrer.

— Merci, Mirax. (Whistler émit un sifflement alarmé et Corran revint à la réalité.) Attention, les voilà…

Une douzaine de vaisseaux apparurent dans l’espace, se dirigeant vers les ailes X. Corran laissa le droïd faire les vérifications nécessaires. Les vaisseaux étaient les cargos attendus, avec un poids correspondant à la cargaison qu’ils étaient supposés apporter.

— Bien, dit Corran avec un soupir soulagé. Le convoi a l’air normal, Mirax.

— Bien reçu, Neuf. Ici le Pulsar. Diadème, vous pouvez continuer.

— Bien reçu, Pulsar. Donnez-nous les coordonnées.

Le flot d’informations passa sur les moniteurs de Corran. Celui-ci imagina la réaction de Mélina Camiss en les lisant. Le premier passage en hyperdrive, prévu dans un système abandonné, non loin de l’endroit où ils se trouvaient pour l’instant, ne lui donnerait aucune information particulière… Mais l’espionne croirait sans doute avoir gagné le jackpot avec les coordonnées du second vol. En vérité, la destination était une étoile assez éloignée de Yag’Dhul. Booster avait prévu d’utiliser le puits de gravité pour attirer le convoi hors de l’hyperespace au moment où les vaisseaux passeraient près de la station.

Avec toutes ces précautions, Mélina ne soupçonnera jamais que nous voulons qu’elle nous trahisse…

Le risque était énorme. Corran sentit son cœur se serrer.

Si seulement je savais ce que Booster et Wedge ont en tête…

— Pulsar, ici Neuf. Nous sommes prêts.

— Ouvre-nous le chemin, Neuf, et sois prudent.

— Toujours. Je ne voudrais pas décevoir ton père…