CHAPITRE XXXIII
Malgré son désir de quitter la station au plus vite, Mélina Camiss réussit à sourire.
— Non, Mirax, inutile de vous excuser. J’ai beaucoup apprécié votre compagnie ces deux derniers jours. Je me serais sentie seule si vous ne m’aviez pas prise sous votre aile protectrice…
— Tant mieux, répondit Mirax, avec un sourire aussi sincère que celui de son interlocutrice. On m’accuse parfois d’être un peu… étouffante.
Un peu ? pensa Mélina. Mirax Terrick, vous étoufferiez un givin… Et ils n’ont pas besoin de respirer.
— Mais pas du tout… Qu’aurais-je fait sans vous ? Dites à votre père que Karrde ne m’en voudra pas. Attendre les fonds fait partie de mon travail, et mon patron est très compréhensif.
— J’en suis ravie, dit Mirax en regardant l’ascenseur s’ouvrir. À bientôt, Mélina. Au prochain chargement.
— Bien entendu.
Les portes se fermèrent, mais Mélina continua à sourire.
Ce serait bien d’eux d’avoir des holocams de sécurité dans les ascenseurs. Garde le masque jusqu’au Diadème, ma vieille.
Mélina Camiss aurait voulu repartir vite, mais cela s’était révélé impossible. Il avait fallu qu’elle attende le paiement de la livraison. Malgré la taille de la station, les quais de Yag’Dhul étaient tous occupés… Du coup, les chargements n’avaient pas pu être vérifiés tout de suite, et le dernier versement avait été retardé.
De plus, l’insistance de Mirax pour que Mélina abandonne le Diadème et « profite » de la station avait empêché l’espionne de révéler tout de suite à Isard la position de la base.
Mélina Camiss ne voulait pas transmettre les coordonnées avant d’être loin. Elle avait calculé sur son ordinateur de navigation le temps qu’il faudrait aux vaisseaux de Cœur de Glace pour arriver de Thyferra. Si Mélina avait envoyé les coordonnées dès son arrivée, elle aurait été prise au piège sur la station et massacrée avec les autres.
Cœur de Glace apprécie mes informations, mais je suis loin d’être indispensable.
Camiss sortit de l’ascenseur et avança sur les docks, passant entre deux cargos cabossés. Les Rogues utilisaient une collection bigarrée de vaisseaux qui lui rappelaient la force rebelle ayant servi à expulser Isard de Coruscant.
Sauf qu’il leur manque l’essentiel : les destroyers et les croiseurs calamariens. Mélina regarda autour d’elle avec mépris. Certains vaisseaux n’étaient qu’un assemblage de pièces détachées.
Isard n’aura même pas besoin du Lusankya pour les battre, le capitaine du Virulent le fera les yeux fermés.
Mélina gravit la rampe de son cargo corellien YT-1210 modifié. Elle avait fait monter des canons autour d’un système de lance-missiles. Ceux que je ne pourrai distancer, je les découragerai de me suivre, pensa-t-elle en souriant.,
Le pilote l’attendait à bord.
— Peet, sors-nous d’ici et dirige-nous vers Corellia, ordonna la jeune femme. J’ai une affaire à régler sur Sélonia. Préviens-moi quand tu auras calculé la trajectoire… Je vais dans ma cabine.
Une fois à l’intérieur, Mélina ferma soigneusement la porte derrière elle. La cabine était petite mais luxueuse, avec une station de rafraîchissement personnelle. Mélina était la seule femme à bord, et elle aimait rappeler aux autres la supériorité de son statut par certains privilèges.
S’approchant de son bureau, elle retira un tiroir, puis passa le bras à l’intérieur du trou. Derrière un panneau de duraplast, elle sortit une capsule argentée de la taille d’un doigt.
Elle la posa sur le bureau et remit tout en place.
D’un autre placard, elle sortit deux petites batteries, ainsi qu’une flasque de plastacier contenant du cognac. Dévissant la base de la bouteille sans la vider, elle y inséra les deux batteries et la capsule. Puis elle jeta le tout dans le vide-ordures de la station de rafraîchissement.
Le liquide désinfectant chassa la bouteille dans le réservoir de rétention.
Le Diadème s’éloignait lentement de la station. Après avoir ajusté sa trajectoire de sortie, le pilote déversa le contenu du réservoir dans l’espace. Le fluide désinfectant gela instantanément.
En temps normal, il aurait fallu des mois avant que les débris ne s’évaporent dans la fournaise solaire… Mais Mélina avait tout prévu. La baisse de température réveilla la capsule. Une étincelle provoquée par les batteries enflamma une partie du cognac, réchauffant la bouteille, qui se dégagea de sa gangue de glace.
Un panneau s’ouvrit sur la flasque ; des détecteurs électromagnétiques commencèrent à fournir des données à la capsule.
La mission de celle-ci était simple : déterminer les coordonnées du système dans lequel elle dérivait, localiser une station de transmission Holonet et transmettre un message à Fliry Vorru.
L’ordinateur de la capsule compara le ciel avec ceux des systèmes qu’il avait en mémoire. Vorru et son équipe avaient éliminé d’avance les étoiles autour desquelles n’orbitait aucun monde habitable. La mémoire de la capsule était minuscule ; il fallait gagner de la place.
Une heure après son arrivée dans l’espace, la sonde trouva. Le système Yag’Dhul. S’orientant pour envoyer les données, elle découvrit un obstacle sur son faisceau de transmission.
La capsule n’avait aucun moyen d’identifier l’obstacle. Elle compta le nombre d’étoiles que sa masse occultait, enregistra sa présence puis se déplaça pour pouvoir communiquer avec la station relais.
Alors la sonde émit son message. Elle transmit pendant trois heures, jusqu’à ce qu’une micrométéorite fracasse la bouteille.
Wedge regarda les pilotes assis dans l’amphithéâtre de la station. Ils paraissaient impatients.
— Nous attendons l’arrivée du Lusankya et du Virulent dans un délai compris entre vingt-quatre et trente-six heures, déclara-t-il. L’évacuation de la station a commencé ; nos vaisseaux prennent position à la limite du système. Ils sont positionnés pour filer vers Thyferra au premier signal. Bien compris ?
Nawara Ven leva la main.
— Commandant, pensez-vous que cette manœuvre trompera les officiers thyferriens ?
Bror Jace secoua la tête.
— Pas les Thyferriens, mais les Impériaux. Ils ont l’habitude de nous prendre pour des lâches.
Wedge sourit.
— Nous sommes presque certains que les officiers croiront à une fuite, surtout en nous voyant passer en hyperdrive sur une trajectoire qu’ils connaissent bien. Le capitaine Drysso pensera que nous sommes partis frapper la planète d’Isard… Nos chasseurs sont deux fois plus rapides que le Lusankya. Drysso sait qu’il ne peut pas nous battre de vitesse… Il détruira la station et partira ensuite à notre poursuite.
Wedge soupira.
— Écoutez-moi bien. Pour des raisons de sécurité, je suis resté volontairement vague sur la stratégie globale. Vous avez chacun votre rôle, concentrez-vous dessus. Vos chefs d’escadrilles vous donneront des ordres plus précis le moment venu. Je voulais seulement vous annoncer que l’action était imminente… Mettez de l’ordre dans vos affaires et préparez les hologrammes que vous voudriez voir envoyer à vos proches en cas de malheur.
Gavin sourit.
— Ne les laissez pas sur la station…
— Nous les enverrons sur Coruscant. Ne nous leurrons pas, ajouta Wedge, la bataille va être dure. Beaucoup d’entre nous ne reviendrons pas. Le prix de la libération de Thyferra sera terrible, mais il sera plus élevé encore si rien n’est fait aujourd’hui… Nous n’avons pas le choix ; il s’agit de notre seule occasion de détruire Isard. Si nous échouons maintenant, nul n’osera plus s’opposer à elle.
— L’échec n’est pas une option, n’est-ce pas, Wedge ? dit Asyr en s’éclaircissant la gorge.
— Pas pour nous.
Fliry Vorru étudia les données qui s’affichaient sur sa console holographique. Erisi Dlarit regardait derrière son épaule.
— La station Yag’Dhul. Plutôt malin de leur part, n’est-ce pas, ma chère ? Vous auriez pu y penser.
Erisi hocha la tête.
— J’y ai pensé, et j’ai effectué des recherches. Les rapports indiquaient que la station avait été détruite. Mais ils venaient de Pash Cracken ; j’aurais dû me méfier.
— Ne vous flagellez pas, ma chère.
— Non, madame le directeur le fera à ma place…
— Vous la connaissez si bien. Elle se conduit de manière assez injuste envers vous. Mais la situation pourrait changer.
Erisi le regarda.
— Qu’avez-vous en tête ?
— Après la destruction de la station par le Lusankya, la puissance de feu d’Isard ne sera plus secrète. Quand la Nouvelle République aura fini de s’amuser avec Zsinj, elle s’occupera de Ysanne Isard… Il n’y en aura pas pour longtemps.
— Je vois.
— Avec l’arrivée de l’Alliance, ma position ici cessera d’être intéressante. J’ai réussi à mettre de côté un certain nombre de crédits, assez pour – disons – acheter une planète. J’aurai besoin de compagnons loyaux et d’un groupe de pilotes efficaces pour me protéger.
Erisi hocha la tête.
— Je vois. Et pourquoi voulez-vous m’engager ? Comme pilote, ou comme compagne ?
— En tant que pilote, vous auriez une grande valeur pour moi. Votre compagnie, elle, n’aurait pas de prix. Je vous laisse le choix.
— Très bien, dit Erisi. Je commencerai comme commandant de votre escadrille ; nous verrons plus tard. Comment comptez-vous organiser notre « démission » ?
— Au retour des vaisseaux d’Isard, nous irons inspecter le Virulent. Il y aura un accident ; nous disparaîtrons. Les choses peuvent s’arranger.
— Arrangez-les, dit Erisi. (Elle s’approcha de la fenêtre.) Cœur de Glace trouvera un moyen de détruire ce monde. Je ne veux pas être là quand cela se produira.
— Moi non plus, chère Erisi, moi non plus.