CHAPITRE XXXVI

Quand le Lusankya réintégra l’espace normal, le capitaine Drysso avait préparé ses arguments.

La station d’Antilles avait failli détruire le superdestroyer ; Drysso avait les relevés des détecteurs pour le prouver. Isard lui avait bien dit que préserver le navire était vital : se désengager était donc la seule solution. Considérant l’armement de la base rebelle, la meilleure tactique serait sans doute d’établir un blocus et de laisser les occupants mourir de faim.

Une fois la retraite décidée, la suite coulait de source. Les rapports indiquaient qu’Antilles, le croiseur d’Alderaan et des douzaines de cargos se dirigeaient vers Thyferra. La force de frappe était beaucoup plus importante que prévue. En retournant aussitôt sur la planète, le Lusankya pouvait les détruire.

Sans le Lusankya, le Front de Défense d’Erisi Dlarit se ferait déborder.

Oui, Drysso n’avait pas d’autre choix que de retourner sur Thyferra…

On lui reprocherait sûrement d’avoir abandonné ses chasseurs Tie à Yag’Dhul, mais là aussi, le capitaine avait trouvé une explication. Les Tie devaient défendre le Virulent. Les chasseurs pouvaient abattre les missiles avant qu’ils n’atteignent le destroyer… Peut-être même allaient-ils réussir à s’approcher assez près de l’artillerie pirate pour la détruire.

À vrai dire, si la station et le Virulent étaient tous deux anéantis, Drysso se fichait royalement que ses pilotes meurent. Ils accomplissaient leur devoir, comme lui le sien. S’il était resté pour récupérer les survivants, les torpilles auraient réduit le Lusankya en bouillie.

Drysso se tenait devant la baie principale, prêt à la sortie d’hyperdrive. Le tunnel de lumière disparut.

La boule vert et blanc de Thyferra flottait dans l’espace.

Pas d’ailes X.

Pas de chasseurs Tie.

Rien qui sortait de l’ordinaire… juste quelques cargos et les patrouilles habituelles.

Drysso s’était fait avoir par Antilles… La feinte de pirate l’avait contraint à sacrifier le Virulent.

Les Rogues avaient probablement abandonné la station à l’exception d’une poignée de volontaires prêts à sacrifier leur vie contre celle du destroyer. Le convoi qui a quitté Yag’Dhul a sûrement rejoint une autre base, que nous allons devoir à nouveau chercher pendant que les Rogues nous harcèleront !

La voix du lieutenant Waoren tira Drysso de ses pensées.

— Capitaine, un destroyer impérial réintègre l’espace normal à vingt-cinq kilomètres de nous.

Comment Varrscha a-t-elle réussi à tirer le Virulent de là ?

Drysso se tourna vers la console holographique.

— Yesti, ouvrez un canal. Capitaine Varrscha, comment vous êtes-vous échappée ?

Mais Varrscha n’était nulle part en vue. Drysso se figea en reconnaissant l’image de son interlocuteur.

— Capitaine Drysso, je crains que vous n’ayez confondu le Virulent avec mon Liberté, dit Sair Yonka en souriant. Ne dites pas que vous êtes heureux de me voir, vous le regretteriez.

— Capitaine, annonça le lieutenant, le Liberté lance des ailes X et des Affreux.

Drysso hésita, puis se tourna vers la console pour ordonner la réquisition des chasseurs restés sur la planète.

— Contactez la surface et faites décoller les escadrilles du Front de Défense Thyferrien. Je veux tous leurs chasseurs en protection. Navigateur, foncez sur le Liberté. (Drysso leva un index vers Yonka.) C’est vous qui regretterez bientôt de vous être mêlé à cette affaire.

Comme tous les bâtiments de Thyferra, le siège administratif de Xucphra était entouré d’une épaisse végétation. Le groupe d’Iella arriva sans encombre à vingt-cinq mètres de l’entrée secondaire. Le plan était de faire sauter la porte et de pénétrer dans le bâtiment. Dix mètres plus loin, à l’intérieur du centre de sécurité, il serait facile aux membres du commando de contrôler les alarmes et d’accéder aux couloirs et aux ascenseurs.

Les deux commandos gardant l’entrée n’étaient pas prévus au programme.

Iella s’aperçut vite que les « Impériaux » parlaient entre eux au lieu de monter la garde. Des Thyferriens en armure. Des banthas avec un manteau de rancor.

Mais Iella allait quand même devoir franchir à découvert la distance qui la séparait de la porte. Le plus mauvais garde du monde aurait du mal à la rater à vingt-cinq mètres. Les Rebelles n’avaient pas de blaster lourd, juste des armes de poing et des carabines. Tuer les Thyferriens à distance était impossible. Et avec nos blasters, nous ne sommes pas sûrs de traverser leur armure.

Il fallait une diversion. La seule solution était d’utiliser une charge explosive… Mais si les deux hommes ne mouraient pas sur le coup, ils donneraient l’alerte.

Iella sortait son comlink pour appeler Elscol et lui demander de l’aide quand un chasseur Tie passa au-dessus des arbres.

Un deuxième puis un troisième le suivirent ; les gardes levèrent la tête pour les observer. L’un d’eux retira même son casque afin de mieux voir. Prise d’une soudaine inspiration, Iella se leva et avança vers eux, le blaster derrière son dos, la tête levée vers le ciel.

Une douzaine de Tie quittaient les hangars.

Wedge et ses hommes sont enfin arrivés, pensa Iella. Maintenant, si je pouvais accomplir ma tâche…

Elle approcha, souriante.

— Désolé m’dame, mais vous ne devez pas être là, dit le premier garde. C’est interdit.

Posant son arme contre le mur, le deuxième commença maladroitement à remettre son casque.

— Oh… Vraiment ? Je suis navrée.

Continuant à sourire, Iella leva son blaster et tira dans les plastrons des Thyferriens, qui s’écroulèrent.

Iella grimpa les marches, enjamba les cadavres et fit fondre la serrure. Elle eut le temps de pousser la porte du pied avant que les deux Ashems la dépassent, l’arme au poing.

La porte du poste de sécurité céda sous l’assaut ; des éclairs bleus étincelèrent. Iella rejoignit les Vratix, prête à tirer, mais les trois gardes de Xucphra étaient déjà hors de combat. Deux d’entre eux n’avaient même pas eu le temps de sortir leurs armes. Du café renversé maculait le sol.

— Le moment était mal choisi pour faire une pause, dit Iella. Attachez-les, je ne veux pas qu’ils nous posent des problèmes au réveil.

Deux hommes exécutèrent ses ordres ; un troisième s’installa devant la console principale. Iella se pencha vers lui.

— Tu vas réussir à couper les systèmes, Jesfa ?

L’individu désigna les écrans, au-dessus de la console.

— C’est comme si c’était fait, belle dame. J’utilisais le même système quand je travaillais pour Zaltin.

— Très bien. Arrête tout à l’exception d’un ascenseur, bloque les hangars des tours et ouvre l’entrée principale.

— Compris ! Je passe sur tac-deux pour me tenir au courant de ce qui se passe.

— Oui, mais ne t’étonne pas s’ils font sauter les holocaméras. C’est ce que je ferais à leur place. (Iella sortit le comlink de sa poche.) Hameçon à Lame, nous y sommes. La voie est libre.

— Nous arrivons, Hameçon, dit Elscol. (Sa voix était calme.) Bon travail.

 

Erisi Dlarit enrageait.

Les chasseurs de l’escadrille Puissance, un groupe de jeunes recrues, avaient décollé immédiatement alors que ses pilotes d’élite du Front de Défense étaient restés au sol. Erisi avait appelé Cœur de Glace pour lui en demander la raison, mais personne n’avait répondu. La jeune femme avait alors ordonné le décollage de son escadrille. Mieux vaut mourir en l’air qu’au sol.

Mais tout le monde ne pouvait pas sortir du hangar en même temps, et les vaisseaux faisaient la queue. Pour s’occuper, Erisi demanda les données tactiques… et se figea en voyant ce qui apparaissait sur l’écran.

Un destroyer impérial et un croiseur d’Alderaan harcelaient le superdestroyer d’Isard. Le Liberté – c’était le nom du destroyer – volait perpendiculairement au Lusankya, permettant à ses batteries bâbord de pilonner l’avant du superdestroyer. Le croiseur d’Alderaan se concentrait sur l’arrière ; il allait bientôt attaquer les moteurs du vaisseau géant.

Les chasseurs déployés par le destroyer approchaient du Lusankya en formation. Devant eux, les chasseurs du Front de Défense Thyferrien étaient dispersés. Les Rogues allaient les massacrer.

C’est du suicide…

Erisi activa la fréquence tactique de son unité de communication.

— Chef Élite à Chef Virile. Ralentissez et laissez l’escadrille Puissance vous rejoindre.

— Pas question, chef Elite. Nous avons des ordres.

— Ils viennent de changer. Soyez réaliste, c’est l’Escadron Rogue que vous allez combattre…

— Et c’est l’Escadron Rogue que nous allons briser. Pour la gloire de Thyferra…

Erisi passa sur la fréquence des Élites.

— Restez groupés. Nous engageons les Rogues. Espérons que nos collègues les auront un peu fatigués.

 

Wedge étudia l’analyse tactique transmise par le Vaillant et sentit un frisson le parcourir.

— Que font-ils ? Pourquoi nous attaquent-ils comme ça ?

Son unité R5 siffla doucement.

— Oui, je sais, Gâte, c’est une question rhétorique. Tu n’as pas assez de données pour déterminer la réponse. (Après la dernière sortie, Wedge avait effacé la mémoire de Mynock pour le faire évoluer. Sa nouvelle désignation était à présent R5-G8, son diminutif devenant Gâte.) Donne-moi un diagnostic sur le transpondeur.

Un nouveau bip indiqua que tout fonctionnait.

— Trente secondes avant la première vague de Tie, annonça Wedge dans son unité com. Souvenez-vous, notre objectif est d’atteindre le Lusankya, pas de perdre du temps à écraser des moustiques. Tuez simplement ceux qui vous empêchent de mener à bien la mission. Deux, reste avec moi.

— Compris, Chef Rogue, répondit Asyr.

D’un mouvement de pouce, Wedge passa sur les lasers. Il verrouilla une cible parmi les Tie et attendit que son réticule devienne écarlate. Puis il écrasa la détente et plongea pour éviter les rayons verts qui visaient son bouclier avant. Sa manœuvre l’empêcha de voir ce que devenait le chasseur ennemi, mais Gâte afficha « cible éliminée » en lettres de sang, sans ajouter de bip joyeux.

Si ça continue, je vais regretter Mynock.

Wedge jeta un œil sur les détecteurs ; il n’y avait plus que deux Tie dans son sillage. Asyr a descendu le sien aussi. Bien joué.

Il laissa les chasseurs ennemis aux pilotes des Chir’daki qui le suivaient.

Gâte bipa.

— Merci. Trente secondes avant la seconde vague de Tie. (Wedge ouvrit la fréquence tactique.) Restez serrés, Rogues. Encore deux escadrilles et la voie sera libre.