CHAPITRE VIII

Je rêve.

Ou plutôt, je cauchemarde.

Wedge entrouvrit les paupières. Rien ne semblait anormal dans la pièce obscure…

Puis la voix s’éleva de nouveau.

— Bonjour, monsieur. Je suis heureux de vous revoir.

Wedge roula sur le côté et soupira.

— M3 ?

— Merci de vous souvenir de moi, comm… je veux dire, maître Wedge, déclara le droïd. Vous n’avez sans doute pas eu le temps de bien vous reposer. S’il ne tenait qu’à moi, je vous aurais laissé dormir plus longtemps. Mais c’est l’heure à laquelle vous avez demandé qu’on vous réveille…

Wedge grogna. Peu de temps après le départ de Corran, de Mirax et de Gavin pour Tatooine, Winter avait localisé la présence de pièces détachées sur Rishi. Wedge avait loué un cargo léger corellien YT-1300, le Chasseur d’Éclipse, et il était parti vérifier l’information avec Ooryl Qrygg. Le voyage s’était bien passé, mais le cargo avait perdu un répulseur à l’atterrissage. Ooryl s’était occupé de le remplacer pendant que Wedge se débattait dans le labyrinthe des lois religieuses de H’Kig, qui semblaient prohiber tout ce qui pouvait simplifier la vie.

Enfin, il avait réussi à trouver le « trésor » et à l’acheter. Avec les pièces détachées, il y avait de quoi fabriquer deux ailes X.

C’était déjà ça, mais il s’attendait à mieux…

Les lois religieuses sur l’utilisation des véhicules à répulseurs avaient encore compliqué les choses, retardant leur départ d’une douzaine d’heures.

Quand ils étaient enfin retournés sur Yag’Dhul, Wedge avait quatre jours de retard sur le planning et il était épuisé. Il avait posé le cargo avant de se réfugier dans ses nouveaux quartiers.

Douze heures de sommeil n’ont pas été suffisantes, puisque j’ai des hallucinations. Ce fichu droïd est sur Coruscant…

Il se frotta les yeux…

M3 était toujours là.

— Que se passe-t-il ? Le général Cracken t’a envoyé nous tenir à l’œil ?

— Je n’ai pas d’yeux, monsieur, protesta le droïd. Donc mon ancien propriétaire n’a pas pu me donner d’ordres en ce sens.

— Ton ancien propriétaire ? (Quelqu’un doit me faire une blague.) Va chercher Tycho.

Une toux polie incita Wedge à se retourner. Tycho était appuyé contre le chambranle de la porte.

— Je pensais que tu apprécierais d’entendre une voix familière, puisque ton environnement ne l’est pas.

— Merci, grogna Wedge. Fais attention, ma vengeance sera terrible…

— Je viens d’enchaîner un séjour dans une prison impériale et un procès. Peux-tu trouver mieux ?

Wedge secoua la tête.

— La bataille est perdue d’avance. Il y a du café ?

— Assez chaud et assez fort pour dissoudre du plastacier.

— Super.

Wedge sortit du lit, se glissa dans la robe de chambre tendue par M3, puis suivit Tycho vers le petit salon attenant. Les meubles de ses nouveaux appartements étaient de styles disparates, mais ils semblaient légers et robustes.

Wedge se laissa tomber dans un fauteuil et se réchauffa les mains sur la tasse de café brûlant. Une odeur exquise monta à ses narines.

— Excellent, ce café, s’extasia-t-il après y avoir goûté. Tycho, tu as deux secondes pour me dire comment M3 est arrivé ici…

— Tout n’est que politique, répondit Tycho avec un « grand sourire.

Wedge savoura une nouvelle gorgée.

— Fais-moi la totale.

— Très bien… Tu te souviens que Jan Dodonna avait conçu l’aile A un peu avant sa capture sur Yavin 4. L’Alliance avait lancé la production et commencé à utiliser ce modèle vers la fin de la Rébellion. La plupart des ailes A n’étaient pas fabriquées dans des usines, mais dans de petits hangars privés. Le design était le même, pourtant chacune avait son individualité. Celle que j’ai pilotée à Endor, par exemple était décorée de panneaux de bois de Fijisi. Elle devait venir de Cardouine…

— Les renforts arrivaient au goutte-à-goutte. Ça, je m’en souviens.

— Les corporations Incom et Koensayer ont eu peur que leurs ailes X et Y soient supplantées. Ils ont essayé de convaincre le Conseil Provisoire et les Forces Armées de lancer un nouvel appel d’offres. Incom pensait que ses nouveaux chasseurs avaient l’avantage quand nous avons démissionné… Koensayer a alors lancé une rumeur disant que nous partions parce que nous ne faisions pas confiance au modèle d’Incom.

« Du coup, les directeurs d’Incom ont travaillé sur de nouveaux concepts… et ils ont déclaré qu’ils seraient heureux d’équiper l’Escadron Rogue avec ce qui se faisait de mieux. Bref, ils ont proposé aux pilotes qui nous ont remplacés des ailes A modifiées pour que les canons couvrent l’arrière de l’appareil.

— D’accord, mais M3, dans tout ça ?

— J’y viens… et tu vas apprécier. Quelqu’un dans les hautes sphères – Cracken, à moins qu’il ne s’agisse de l’amiral Ackbar – a accepté la proposition d’Incom. Du coup, tout l’ancien matériel de l’Escadron Rogue a été inspecté et vendu au surplus. Winter l’a appris la première… et nous avons emporté le lot, y compris M3 et nos droïds astromechs.

— Au surplus ? demanda Wedge en clignant des yeux. Notre matériel a été vendu au surplus ?

— Il manquait des pièces.

— Comme ?

— Les PL-1.

— Les PL-1 ? C’est quoi ?

— Les pilotes, dit Tycho en souriant.

Wedge secoua la tête.

Quelqu’un sur Coruscant veut nous aider… ou nous fournir le matériel nécessaire à notre suicide.

J’espère qu’il s’agit de la première solution.

— M3 faisait partie du lot ?

— Il coûtait cher, mais j’ai pensé qu’il valait l’investissement, dit Tycho. Zraii et son équipe ont démissionné et ils ont suivi nos vaisseaux ici. Bref, nous avons une escadrille au complet et les pièces détachées que tu as ramenées devraient aider à la maintenir opérationnelle.

— Bien. Comment est la base ?

— Pas mal. Je te donne une demi-heure pour te rafraîchir, puis nous ferons le tour du propriétaire. Ce n’est pas l’Étoile Noire, mais ça ira !

Sanglé dans sa combinaison brun clair, Wedge suivit Tycho dans la station. La petite suite où il s’était réveillé était une des plus luxueuses des lieux. Les rafraîchisseurs étaient communs, ainsi que les salles à manger.

Il y avait quelques salons privés, mais la nourriture était préparée dans une cuisine centrale et livrée dans les réfectoires de la station, qui servaient aussi de salles de repos.

— Nous avons neuf ascenseurs, expliqua Tycho en appuyant sur un bouton. Six pour le personnel et trois monte-charge pour le fret.

Wedge leva la main et toucha le plafond grisâtre.

— Tout a l’air… réduit. J’ai l’impression d’être un géant.

— La station est très compacte. Elle a sans doute été conçue ainsi pour compliquer la tâche aux commandos en cas d’invasion. (Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent ; Tycho entra dans la cabine.) Il y a vingt-cinq niveaux au-dessus du pont d’envol et vingt-cinq au-dessous. Commençons par le plus bas. M3 travaille à libérer les dix derniers niveaux inférieurs pour notre personnel.

— Je serais plus rassuré si nous évacuions tous les occupants. Isard finira par découvrir où nous nous cachons et ces gens seront en danger…

— Wedge, si nous les laissons partir, Isard apprendra aussitôt notre présence. En plus, les techniciens font tourner la station. Si nous nous en débarrassons, nos hommes devront mettre la main à la pâte. Et le ragoût de tauntaun que tu as essayé de faire sur Hoth était…

— C’est bon, Tycho, j’ai compris. Connaissent-ils les risques qu’ils courent ?

— Selon eux, après Zsinj, Isard est presque une bénédiction. J’ai parlé avec les techniciens. Ils pensent que notre arrivée découragera tous les bandits du quadrant de venir leur rendre visite dès qu’ils ont du temps libre…

— Nous ne pourrons pas les payer très cher. J’espère que ça ne causera pas de problèmes.

L’ascenseur s’ouvrit sur la zone d’envol. À travers les parois de transpacier, la vue sur Yag’Dhul était spectaculaire. La planète était petite et dense. Les trois lunes en orbite créaient de puissants courants dans l’atmosphère, générant des tempêtes dont les éclairs étaient visibles à travers les nuages grisâtres.

— Difficile de croire que la vie se soit développée dans ce maelstrom, dit Wedge en frissonnant. Pas étonnant que les Givins aient un exosquelette et puissent vivre dans le vide.

— Notre attaque contre Zsinj a abîmé la station, et les techniciens ont engagé des Givins pour les réparations. Tout va bien à présent, à une exception près : le vieux Maître est mort.

Wedge fronça les sourcils. Il se souvenait d’un vieux Twi’lek, aussi gras que Dark Vador était maléfique.

— Il s’appelait Valsil Torr, n’est-ce pas ?

— Je crois, oui. Il a essayé de forcer un Givin à lui verser un pot-de-vin. Alors qu’ils en parlaient dans le bureau de Torr, il y a eu une brusque décompression. Le Twi’lek a été expulsé dans l’espace à travers un trou de la taille de… eh bien, d’un impact de blaster. Le Givin a survécu et il a réparé le trou.

— Donc, personne ne commande la station.

— Les marchands ont formé un Conseil Économique et ils semblent avoir la situation en main. Nous devrons nommer un contrôleur… (Tycho leva le bras.) Voilà la zone principale d’envol, qui comprend dix niveaux. Les six centraux servent au fret et au stockage. Les quatre autres abritent les logements des techniciens, quelques petits magasins, deux restaucafs et le foyer des pilotes de transports. Les restaucafs servent la même chose qu’à la cantine, mais les lumières baissent et les prix montent.

— C’est ce que je me tue à vous dire. Dans une ambiance appropriée, ce ragoût de tauntaun aurait été délicieux…

— Bien sûr, Wedge, soupira Tycho en désignant la piste triangulaire. Les vaisseaux atterrissent ici, puis déchargent et ressortent. Si les membres d’équipage veulent passer la nuit sur la station, le vaisseau se met en orbite et les navettes s’occupent de transporter les passagers… Les hangars sont rares et nous les avons tous réquisitionnés. Il y a quand même quelques emplacements libres, au cas où nous aurions des réparations à faire.

— Pas mal, dit Wedge en regardant un petit yacht aux lignes effilées approcher vers la station. On dirait que le Pulsar est de retour. Tu as des nouvelles ?

— Il y a eu un transfert de fond vers le compte de Huff Darklighter. Je suppose donc que tout s’est bien passé.

— Parfait, dit Wedge en se dirigeant vers l’ascenseur. Descendons les accueillir et vérifions les emplettes de Mirax.