CHAPITRE V

Wedge regarda les pilotes assis dans le petit amphithéâtre et sourit.

— Je vous remercie de votre présence. S’il s’agit de notre première réunion, certaines décisions ont déjà été prises. À moins d’une opposition farouche, nous ne reviendrons pas dessus.

« N’hésitez surtout pas à prendre la parole ou à poser une question… Le fonctionnement de ce groupe sera plus démocratique que celui de l’escadron. Nous sommes à l’origine des missions ; on ne nous les impose pas.

Il y eut quelques murmures approbateurs.

Wedge continua.

— Corran a lancé le mouvement en démissionnant de l’Escadron Rogue, mais il accepté de me laisser commander cette unité. Tycho Celchu sera mon second. Winter, devenue notre officier de renseignements, s’occupera d’une partie des tâches de M3 et Mirax Terrik de l’autre. Tycho, si tu veux bien nous parler de l’approvisionnement...

— Nous avons environ dix-sept millions de crédits, expliqua le pilote, ce qui commence à attirer les convoitises. Des rumeurs ont circulé malgré la tentative de désinformation du ministère. Ceux qui nous soutiennent sont nombreux, mais les vendeurs d’armes savent aussi combien nous sommes désespérés…

« Nous avons à notre disposition l’aile X de Corran et le Pulsar de Mirax. Pour obtenir d’autres vaisseaux, la meilleure solution serait d’engager des mercenaires avec leur matériel. Bien sûr, le prix risque d’être exorbitant. Tous les petits seigneurs de guerre cherchent des chasseurs et la loi de l’offre et de la demande joue en notre défaveur…

Wedge acquiesça et désigna l’holoprojecteur.

— Gardons ces données à l’esprit, déclara-t-il. Winter va maintenant nous parler de nos objectifs.

Celle-ci se leva et se dirigea vers le devant de la scène. En la voyant avancer, Wedge comprit pourquoi on la confondait parfois avec la princesse Leia Organa. Les cheveux blancs nattés, elle avait la prestance d’une reine. Elle était si belle et paraissait si fragile qu’il semblait incroyable qu’elle ait accompli tant de missions dangereuses pour la Rébellion.

Sans doute était-ce pour cela qu’elle n’avait jamais été soupçonnée.

Winter prit le bloc-notes informatique connecté à l’holoprojecteur et appuya sur une touche. Les lumières baissèrent tandis qu’apparaissait la projection holographique d’une planète.

— Thyferra, dit sobrement Winter. Planète habitable. Deux lunes, aucune n’ayant d’atmosphère… Thyferra est couverte de jungle ; sa journée dure vingt et une virgule trois heures… Il n’y a pas vraiment de saisons. À cause de la proximité du soleil et du taux élevé de dioxyde de carbone, le climat est tropical toute l’année. Après les tempêtes qui ont fait sauter la barrière d’énergie, Coruscant a connu une période similaire.

Wedge fronça les sourcils. Pour éliminer le bouclier de Coruscant, l’Escadron Rogue avait dû faire bouillir une masse d’eau considérable dans l’atmosphère afin de créer une gigantesque tempête.

L’air était resté lourd et épais dix jours durant.

Thyferra doit être un enfer. Pas étonnant que la plante qui entre dans la composition du bacta y pousse…

— La planète a trois spatioports. L’un est appelé Xucphra Ville. Les deux autres sont situés sur des continents différents et servent essentiellement au transfert du bacta. Les vaisseaux passent par Xucphra Ville pour remplir les formalités de douanes, puis ils sont envoyés vers les deux autres spatioports. Ils font leur tournée…

Nawara Ven leva la main.

— Je suppose que la métropole a changé de nom quand la corporation Xucphra en a pris le contrôle. Comment s’appelait-elle ?

— Zalxuc Ville, ce qui n’est guère mieux. Comme vous pouvez le voir, c’est loin d’être une métropole. La population humaine de Thyferra ne comptait que dix mille membres avant l’arrivée d’Isard. De nombreuses familles Zaltin se sont enfuies ; leurs maisons ont été réquisitionnées par les officiers de l’Armée et de la Marine Impériales, ainsi que par les soldats en permission. Le Lusankya transporte l’équivalent de vingt-cinq fois la population humaine de la planète. Isard n’aura aucune difficulté à occuper la ville le moment venu. Pour l’instant, elle n’a pas mis d’officier impérial à la tête du Front de Défense Thyferrien.

Winter désigna un insectoïde à six pattes debout au fond de la salle.

— La population indigène de Thyferra est composée de Vratix. La fabrication du bacta – une fermentation d’alazhi et de kavam – leur procure une satisfaction quasi mystique… Qlaem Hirf, ajouta-t-elle en souriant à l’insectoïde, est un verachen, un maître fermenteur, qui commande une équipe d’ouvriers. Un verachen a des droits et des devoirs très précis.

« Vous noterez aussi que les Vratix ne sont ni mâles ni femelles ; ils jouent ces deux rôles à des moments différents de leur cycle de vie. Les pronoms « il » ou « elle » sont donc inappropriés. La conscience des Vratix étant proche d’un esprit de ruche, ils préfèrent l’utilisation du pluriel, comme « ils » et « eux ».

Le Vratix fit claquer ses mandibules.

— Votre exposé nous fait honneur, dame Winter.

— Merci. Vu leur désir, voire leur besoin, de fabriquer du bacta, les Vratix ont accueilli avec joie les humains désireux d’exploiter leurs talents. Ainsi, la demande de bacta a grimpé, incitant les Vratix à produire plus encore, ce qui les satisfait pleinement…

« Mais les lois impériales leur ont retiré tout pouvoir de décision et de commandement. Les corporations Zaltin et Xucphra ont obtenu le monopole de la production, en échange de pots-de-vin payés au Moff local ou à l’Empereur… Thyferra est devenue une planète très riche. Hélas, seuls les humains en profitent. Les Vratix vivent modestement dans les jungles.

Winter tapota sur un clavier ; l’image de la cité s’effaça, remplacée par celles de trois personnes.

— Ysanne Isard s’est proclamée présidente de Thyferra au terme d’un coup d’État, il y a deux semaines. Les préparatifs ont été effectués bien avant ; la révolution était terminée avant l’entrée en orbite de son superdestroyer, le Lusankya. On ne sait pas grand-chose d’Isard. La rumeur affirmant qu’elle fut une des maîtresses de l’Empereur n’a jamais été confirmée… Son père était Directeur des Renseignements Impériaux. Isard a fourni à l’Empereur les preuves qu’il allait rejoindre la Rébellion. Ainsi, elle a causé sa perte… et obtenu son poste.

Nawara Ven leva la main.

— Son père était-il vraiment un Rebelle ?

— Je l’ignore, dit Winter en haussant les épaules. Sa fille est assez ambitieuse pour avoir fabriqué des preuves. Elle est très dangereuse : la déloger sera difficile et nécessitera probablement un assaut terrestre. Comme elle ne pilote pas, vos chances de l’abattre en vol sont nulles. (Du doigt, Winter désigna la personne suivante.) Fliry Vorru, lui, pourrait vous affronter de manière directe.

« Vorru est un ancien Moff Impérial de Corellia, libéré des mines de Kessel par notre escadron. Vorru est parti sur Thyferra avec Isard et il occupe depuis le poste de ministre du Commerce. On ne sait pas depuis quand il collabore avec Isard… Nous avons attribué nos difficultés durant la conquête de Coruscant à Zekka Thyne et aux autres espions impériaux. Peut-être aurions-nous dû nous méfier également de Vorru… Il travaillait déjà pour Cœur de Glace – c’est le surnom d’Isard – quand il a été nommé colonel dans la police de Coruscant.

Winter désigna la troisième personne, une grande jeune femme mince, aux courts cheveux bruns.

— Erisi Dlarit vous est plus familière. Elle appartient à une famille de Xucphra. La taupe impériale au sein de l’Escadron Rogue, c’était elle. Elle est sans doute responsable de la capture de Corran, de la mort de Bror Jace, ainsi que de la livraison du convoi de bacta aux seigneurs de guerre Zsinj. Erisi a communiqué à l’Empire de nombreux renseignements sur nos opérations. Par bonheur, Wedge a interdit tout contact extérieur avant la dernière tentative de destruction du bouclier planétaire, ce qui l’a empêchée de prévenir Isard. À part tenter de détruire notre droïd de construction avec son Z-95, elle n’a rien pu faire. Mais elle a transmis les codes qui ont permis à Isard de prendre le contrôle du vaisseau de Corran.

Wedge regarda ses hommes tandis que Winter dénonçait sans passion les agissements de l’espionne.

Erisi Dlarit avait été l’une d’entre eux. Elle avait combattu à leurs côtés lors de nombreux engagements. Quand elle s’était fait abattre, Tycho avait risqué sa vie pour la secourir… Même si elle n’avait pas joué un grand rôle, son intervention avait causé des morts inutiles.

La colère de Wedge se teintait de chagrin – et d’un soupçon d’admiration. Erisi Dlarit s’était sortie de situations délicates sans se trahir. Wedge avait compris qu’elle était une espionne seulement quand elle avait quitté Coruscant.

Wedge vit que Corran le regardait.

— Elle s’est bien débrouillée.

— Exact, répondit Corran. Mais il va falloir qu’elle fasse mieux encore. La première manche, elle l’a gagnée en espionnant. La seconde se jouera aux commandes d’un vaisseau… et elle la perdra.

Winter fit apparaître une autre image holographique.

— Si elle perd, ce ne sera pas à cause du manque de matériel. Quatre vaisseaux impériaux défendent Thyferra. Un superdestroyer, deux destroyers et un destroyer de classe Victoire. Respectivement, le Lusankya, l’Avarice, le Virulent et le Corrupteur.

« L’Avarice, le Virulent et le Corrupteur n’ont pas fait de grandes carrières, mais leurs équipages sont compétents. Je suis en train de compiler toutes les informations possibles sur leurs officiers. Le plus dangereux d’entre eux, le capitaine Ait Convarion, est aux commandes du Corrupteur. Convarion a fait du bon travail dans les zones extérieures, pourchassant et éliminant les groupes de pirates… à qui, il faut bien le dire, nous ressemblons.

Wedge se leva quand l’holoprojecteur s’éteignit.

— Comme vous pouvez le voir, nous avons affaire à un ennemi formidable et bien armé. Peut-être faudra-t-il admettre un jour ou l’autre notre incapacité à mener à bien cette mission. Détrôner Isard peut se révéler impossible…

Corran tapota l’épaule de Gavin, assis devant lui.

— Là, tu es censé dire que ce ne sera pas plus dur que de chasser la vermine de Tatooine…

— Où sont les tranchées, les canyons et les rats sauteurs ? répondit Gavin. Je ne suis pas habitué à prendre des planètes d’assaut.

— Aucun de nous ne l’est, dit Wedge en souriant. J’ai envoyé des messages à des personnes qui pourraient nous être utiles… Nous devons avant tout éliminer les vaisseaux. Pour cela, il faut les pousser à se séparer. Nous allons inciter Isard à leur faire couvrir les convois de bacta, mais il nous faudra des armes. Beaucoup d’armes.

Riv Shiel retroussa les babines.

— Il nous faut la flotte Katana…

— Ce serait idéal, dit Wedge, pensant à la légendaire flotte fantôme censée dériver dans l’hyperespace. Nous pouvons aussi espérer que le Projet de Vol Extérieur porte enfin ses fruits et qu’un groupe de Chevaliers Jedi non humains viennent nous rejoindre… Mais je n’y crois pas trop.

Gavin leva la main.

— Et le fameux vaisseau sur lequel Alderaan aurait chargé toutes ses armes quand les politiciens ont démilitarisé la planète ? Je ne me souviens plus de son nom… Il paraît qu’il dérive dans l’espace et qu’il reviendra si le besoin se fait sentir. La princesse Leia a peut-être un moyen de le contacter.

Winter secoua la tête.

— Le Deuxième Chance… Il a été récupéré par des sympathisants de la Rébellion avant les débâcles de Derra IV et de Hoth. Les armes dataient de la Guerre des Clones ; elles ont permis de renforcer l’infanterie après la perte du convoi de Derra IV.

— Je n’en savais rien, protesta Gavin.

— C’est normal, dit Winter. À part les hommes qui ont découvert le vaisseau – plus les contrebandiers qui ont aidé à transporter la marchandise et les huiles de la Rébellion – nul n’a jamais entendu parler de cette opération. Nous avons laissé l’Empire perdre du temps et de l’énergie à essayer de localiser le Deuxième Chance.

— Par bonheur, nous avons d’autres options, dit Wedge. Winter a localisé d’anciens dépôts impériaux. La plupart ont déjà été pillés, mais pas tous. Nous allons retourner sur certains sites et voir ce que nous pouvons trouver… Mirax accompagnera Corran. Toi, Gavin, tu pars sur Tatooine. Une des caches d’armes que nous avions trouvées il y a deux ans est entre les mains du père de Biggs Darklighter.

— Oncle Huff ?

— Lui-même. Il a déclaré avoir armé ses forces de sécurité et vendu le reste du matériel… Mais ça m’étonnerait ; il y avait trop de choses. Gavin, tu vas rentrer à la maison et convaincre ton oncle de partager son trésor avec nous.

— Je ne sais pas s’il m’écoutera.

— C’est pourquoi nous envoyons aussi Corran. Ton oncle a des secrets et il peut les déterrer. Ça nous aidera.

Gavin hésita, puis sourit.

— D’accord. Ça lui apprendra à m’avoir assis à la table des enfants pendant les dîners de famille…

— Gavin, tu étais un enfant à l’époque, rappela Corran. (Il leva les yeux vers Wedge.) Que feront les autres ?

— Nous nous installerons dans notre nouvelle demeure, dit Wedge. Ce déménagement est une opération camouflée et nous allons prendre beaucoup de précautions. Nous ne garderons pas l’emplacement de notre base secret à jamais, mais autant qu’il le reste le plus longtemps possible… Faites vos bagages et préparez-vous à partir. La Guerre du Bacta commence !