Les fantômes du fascisme
L’histoire fasciste de Rome reste un sujet extrêmement sensible. Ces dernières années, des historiens situés de part et d’autre du spectre politique se sont accusés réciproquement de remanier l’histoire pour l’adapter à leur vision : ceux de gauche ont accusé leurs homologues de droite d’enjoliver les aspects les plus déplaisants du régime de Mussolini, tandis que ceux de droite reprochaient aux premiers d’étouffer certains faits pour perpétuer un mythe simplificateur de l’antifascisme.
Le comédien génois Beppe Grillo a fait une entrée fracassante sur la scène politique quand son Mouvement 5 étoiles (M5S) a remporté 25% des suffrages lors des élections de février 2013. Agitateur charismatique au franc parler, Grillo a exprimé la colère ressentie par de nombreux Italiens contre l’élite politique privilégiée.
Mussolini
Né à Forli, une petite ville d’Émilie-Romagne, en 1883, Benito Mussolini fut dans sa jeunesse un membre actif du Parti socialiste italien, puis son engagement dans la Première Guerre mondiale et la débâcle de l’Italie entamèrent ses convictions socialistes et, en 1919, il créa le Parti fasciste italien. Préconisant des droits pour les anciens combattants, la loi et l’ordre, et une nation forte, le parti séduisit des soldats démobilisés, des chômeurs, des jeunes bourgeois, dont beaucoup rejoignirent les milices des Chemises noires que Mussolini utilisait pour intimider ses ennemis politiques.
En 1921, Mussolini fut élu à la Chambre des députés mais il ne bénéficiait que d’un soutien limité des parlementaires. Le 28 octobre 1922, il organisa la marche sur Rome avec 40 000 Chemises noires. Essentiellement symbolique, cette marche eut l’effet escompté puisque, de crainte de voir une guerre civile opposer fascistes et socialistes, le roi Victor-Emmanuel III invita Mussolini à former un gouvernement. Son premier gouvernement fut une coalition de fascistes, de nationalistes et de libéraux, mais la victoire aux élections de 1924 lui permit de consolider son pouvoir et, à la fin 1925, de contrôler toute l’Italie. Afin de museler l’Église, Mussolini signa les accords du Latran en 1929, faisant du catholicisme la religion d’État et reconnaissant la souveraineté de l’État du Vatican.
À Rome, Mussolini lança un énorme programme de construction : la Via dei Fori Imperiali et la Via della Conciliazione furent tracées ; des parcs furent ouverts sur l’Oppius (Oppio) et la Villa Celimontana ; des fouilles furent entreprises dans les forums impériaux et les temples du Largo di Torre Argentina ; le monumental complexe sportif du Foro Italico et l’EUR furent édifiés. À l’étranger, l’Italie fasciste envahit l’Abyssinie (l’actuelle Éthiopie) en 1935 et s’allia à Hitler en 1936. En 1940, du balcon du Palazzo Venezia, le Duce annonça l’entrée en guerre de l’Italie à une foule en délire. L’euphorie ne dura pas ; Rome souffrit d’abord du régime fasciste, puis après la chute de Mussolini en 1943, fut occupée par les Allemands avant d’être libérée par les Alliés le 4 juin 1944.
L’affaire des fuites du Vatican (Vatileaks) a éclaté début 2012 lorsque des documents confidentiels ont été donnés à la presse italienne dans le but officiel de dénoncer la corruption et les luttes de pouvoir qui régnaient au cœur du Saint-Siège. L’enquête ordonnée par le Vatican a révélé que la “taupe” n’était autre que le majordome personnel du pape.
L’après-guerre
La défaite lors de la Seconde Guerre mondiale ne détruisit pas totalement le fascisme italien et, en 1946, des partisans de Mussolini fondèrent le Movimento Sociale Italiano (MSI ; Mouvement social italien). Pendant près de 50 ans, ce parti ouvertement fasciste resta exclu des coalitions gouvernementales. Le MSI fut finalement dissous en 1995, quand Gianfranco Fini lui donna une forme plus modérée sous le nom d’Alleanza Nazionale (AN ; Alliance nationale). L’aile la plus dure forma le Movimento Sociale-Fiamma Tricolore (MSFT ; Mouvement social-Flamme tricolore), qui continue de se situer clairement à l’extrême-droite. L’AN resta un important acteur de la vie politique jusqu’à son intégration dans le grand parti unitaire de droite Popolo della Libertà (PDL ; Peuple de la liberté), fondé par Silvio Berlusconi en 2009.