REFLET

 S… Seth ?

Seth ouvrit les yeux. La lumière du matin bataillait pour entrer par sa petite fenêtre. Il s’assit et cligna des yeux. Matthias se tenait sur le seuil de sa cellule, le visage figé, les yeux écarquillés.

— Matthias ! cria Seth en sautant du lit pour courir vers son ami. Par Zeus, comme c’est bon de te voir !

Quand il voulut serrer Matt dans ses bras, celui-ci recula d’un bond, comme frappé par la foudre.

— Eh ! Quel est le problème ?

— Seth ? souffla Matthias. Comment… Comment est-ce possible ?

Seth déglutit avec peine. Matt le fixait comme s’il venait de voir un fantôme.

— Matt ?

— Qu’es-tu ? chuchota Matt, la voix rauque.

— Pardon ?

— Seth, regarde-toi.

Seth baissa les yeux. Tout semblait à sa place : tunique, bras, jambes, pieds… Il interrogea Matt du regard.

— Ton… ton épaule…

Seth remua l’épaule. Parfait… mais la gêne qu’il avait réprimée la veille se fraya à nouveau un chemin dans sa conscience.

— Ta… ta jambe.

Sa jambe ? Ah oui ! Le coup de couteau. Il se frotta le mollet avec le pouce : complètement guéri.

Hésitant, Matt tendit le bras et posa la main sur le torse de Seth. Il sentit le battement régulier de son cœur.

— Ce n’est pas possible, Seth. Tu ne devrais pas être là. Tu ne te souviens de rien ? D’avoir rampé jusqu’à la caserne ? Je n’ai pas pu t’aider. Tu… tu as cessé de respirer… ton cœur s’est arrêté… Tu… es… mort !

Seth secoua doucement la tête.

Il se souvenait.

Il le savait depuis la veille, quand le monde bougeait de manière perturbante. Son environnement était pareil, mais pas pareil. La caserne désertée, les routes familières, la lumière, le miroitement…

À présent, il était bien obligé d’affronter la question qu’il repoussait sans cesse.

Il ne se sentait pas mort, mais en même temps, il ignorait quelle sensation cela pouvait faire.

Et s’il était vraiment mort, que faisait-il à Londinium ? Pourquoi n’était-il pas dans le royaume d’Hadès ? Plus singulier encore : qu’est-ce que Matthias fabriquait là ?

Celui-ci faisait les cent pas dans la petite pièce, les sourcils froncés.

Seth l’observait.

Aucun des deux ne trouvait les mots pour décrire le chaos dans leurs pensées.

Finalement, Matt saisit le pichet de vin au miel que Seth avait apporté de la maison du laniste et le porta à ses lèvres. Il but jusqu’à la dernière goutte. Puis il s’essuya avec le dos de la main, se racla la gorge et lâcha tristement :

— Seth, je crois que je suis mort, moi aussi.