125.
Un mois plus tard, Conklin et moi étions de retour à l’Alta Plaza Park, là où tout avait commencé.
Cette fois, nous regardions Henry Tyler descendre l’allée vers nous, le vent faisant claquer son manteau. Il serra la main de Conklin, puis la mienne.
— Vous nous avez rendu la vie. Je n’ai pas assez de mots pour vous remercier.
Tyler héla sa femme et sa petite fille, qui jouait sur une structure hexagonale. Le visage éclairé de surprise, Madison se laissa tomber des barres et courut vers nous.
Henry Tyler prit sa fille dans ses bras. Madison, se penchant par-dessus l’épaule de son père, noua ses bras autour de mon cou et celui de Rich, nous réunissant tous trois dans une seule et même étreinte.
— Vous êtes mes préférés ! s’exclama-t-elle.
Je souriais toujours quand Henry Tyler reposa Madison sur le sol et nous dit, le visage radieux :
— Nous vous sommes tellement reconnaissants, Liz, moi, Maddy... nous sommes vos amis pour la vie.
Mes yeux s’embuèrent.
Aujourd’hui, il faisait bon d’être flic.
Tout en revenant vers notre véhicule, Richie et moi évoquions le mal qu’il fallait se donner pour résoudre une affaire : la difficulté même, le contact avec les criminels et autres drogués, les fausses pistes...
— Et puis une affaire tourne bien et c’est le pied absolu, fis-je remarquer.
Rich s’arrêta et posa une main sur mon bras.
— Posons-nous ici une minute.
Je m’assis sur une des larges marches chauffées par le soleil. Rich s’installa près de moi. Je voyais bien qu’il avait quelque chose derrière la tête.
— Lindsay, je sais que tu penses que j’ai le béguin pour toi, dit-il. Mais c’est plus fort que ça. Crois-moi.
Pour la première fois, il me fut douloureux de regarder en face le si beau visage de Rich Conklin.
Repenser à notre étreinte dans l’hôtel à Los Angeles me mettait encore mal à l’aise.
— Tu veux bien nous donner une chance ? demanda-t-il. Laisse-moi t’emmener dîner. Je ne tenterai rien, Lindsay. J’ai juste envie qu’on...
Rich déchiffra sur mes traits ce que je ressentais et s’interrompit.
— Je la bouclerai à partir de maintenant, reprit-il.
J’avançai ma main et la posai sur la sienne.
— Je regrette, murmurai-je.
— Ne t’en fais pas... oublie ça, Lindsay. Oublie ce que je viens de dire. D’accord ?
Il s’efforça de sourire.
— Il me faudra quelques années de thérapie pour digérer ça.
— Tu fais une thérapie ?
— Non. Tu crois que ça m’aiderait ? dit-il en éclatant de rire.
— Je suis juste..., tu vois, tu sais ce que je ressens pour toi. Ça suffit presque.
Le retour en voiture pour le palais fut difficile. Notre conversation resta sous pression jusqu’à ce que nous recevions un appel nous signalant un cadavre dans le Tenderloin et nous demandant de nous en occuper. Nous consacrâmes à l’affaire toutes nos heures ouvrables et même au-delà. Et ce fut bon, comme si nous faisions équipe depuis des années.
Peu après 21 heures, je pris congé. Je venais de déverrouiller ma portière de voiture quand mon portable sonna.
— Quoi encore ? marmonnai-je.
Il y eut un grésillement, puis une voix profonde et sonore se fit entendre, éclairant ma nuit comme le plein jour.
— Je ne sais pas comment on surprend un officier de police armé sur son paillasson, blondinette. Alors... je te préviens ouvertement. Je serai en ville ce week-end. J’ai du nouveau. Et j’ai vraiment envie de te voir.