23.
Le journal m’attendait sur mon paillasson le lendemain matin, barré d’un très gros titre, surmontant la signature de Cindy : LE TIREUR DU BAC EN CALE SECHE.
Un petit groupe de journalistes guettait mon arrivée au palais de justice.
— Comment vous sentez-vous, lieutenant ?
— En super forme, lançai-je avec un grand sourire. Je ne me suis jamais mieux portée.
Je répondis à des questions, fis l’éloge de mon équipe et souris pendant qu’on me prenait en photo. Puis j’entrai dans le bâtiment et montai jusqu’au deuxième étage en ascenseur.
À peine avais-je franchi le portillon de la salle de garde que Brenda frappa le petit gong posé près d’elle, puis se leva et me serra dans ses bras. J’aperçus les fleurs sur mon bureau à l’autre extrémité de la pièce.
Je réunis mon équipe autour de moi et les remerciai pour tout ce qu’ils avaient fait. Quand l’inspecteur Lemke me demanda si je pouvais donner des cours pour leur apprendre à faire apparaître les assassins comme par magie, on éclata de rire.
— J’ai beau maîtriser le truc du nez qui remue, ajouta-t-il, ça ne marche jamais avec moi.
— Parce qu’il faut que tu remues le nez, que tu croises les bras et que tu clignes de l’œil en même temps, lui lança Rodriguez.
Je me servais du café avant de me plonger dans l’épaisse pile de paperasses qui occupait la moitié de la surface de mon bureau quand Brenda apparut à la porte.
— Le Chef sur la ligne un, annonça-t-elle.
Je retournai dans mon bureau et déplaçai l’énorme corbeille de fleurs posée sur ma table de travail tout en jetant un coup d’œil à la carte glissée entre les roses. Le petit mot de Joe était rempli de X et de O[5]. Joe, mon merveilleux Joe, mon homme à moi.
Je souriais encore en décrochant le combiné. La voix du chef, tout sucre tout miel, me demanda de monter dans son bureau.
— Le temps que je réunisse l’équipe, répondis-je.
— Non, venez seule.
Après avoir prévenu Brenda que je m’absentais quelques minutes, je pris l’escalier et gagnai l’antre lambrissé de noyer de Tracchio, au quatrième.
Le chef se leva à mon entrée, me tendit sa main charnue au-dessus du bureau et serra la mienne.
— Boxer, l’arrestation de ce barjo est à marquer d’une pierre blanche pour le SFPD. Je tiens à vous féliciter une fois de plus pour l’excellence de votre travail.
— Merci, chef. Et merci de votre soutien.
Je m’apprêtai à partir, mais le chef eut soudain l’air embarrassé – une expression que je ne lui connaissais pas.
Il me fit signe de m’installer et se rassit de son côté, faisant rouler son fauteuil plusieurs fois sur la moquette avant de croiser les mains à hauteur de son nombril.
— Lindsay, j’en suis arrivé à une décision contre laquelle j’ai bataillé bec et ongles.
Allait-il me donner plus d’effectifs ? me demandai-je. Augmenter le budget des heures sup ?
— J’ai observé la manière dont vous avez mené cette affaire. La ténacité et la détermination dont vous avez fait preuve au cours de cette enquête m’ont impressionné.
— Merci...
— Et je dois reconnaître que vous aviez raison et que j’avais tort.
Raison à propos de quoi ? Je cherchai à anticiper son raisonnement, tâchant de devancer ses paroles... mais j’échouai.
— Comme vous me l’aviez dit, poursuivit Tracchio, vous êtes bien meilleure sur le terrain que clouée derrière un bureau. Et je vous comprends maintenant. Pour faire simple, vous cantonner à des tâches administratives, c’est gaspiller votre talent.
Je dévisageai le chef qui posa un insigne devant moi.
— Félicitations, Boxer. Vous avez bien mérité d’être rétrogradée sergent.