89.
En arrivant au cinquième étage de Blakely Arms, Conklin et moi aperçûmes deux policiers au bout du couloir, devant la porte de l’appartement 5G. Je reconnus l’agent Patrick Noonan, qui faisait des pieds et des mains pour intégrer la criminelle.
— Que s’est-il passé, Noonan ?
— Un beau carnage, sergent, je ne vous dis que ça. La victime s’appelle Ben Wyatt. Il habite l’immeuble depuis un an.
Conklin souleva le ruban jaune et je plongeai dessous, Noonan poursuivant son laïus.
— L’agresseur est passé par la porte. Soit elle était ouverte, soit la victime l’a laissé entrer, soit l’auteur des faits avait une clé.
— Qui a signalé l’incident ?
— Sa voisine de palier. Porte 5F. Virginia Howsam.
Conklin et moi pénétrâmes dans l’appartement de la victime, sommairement meublé. Une mare de sang sombre auréolait la tête de l’homme sur le plancher de chêne poli.
C’était un individu de race noire ayant à peine dépassé la trentaine, en bonne forme physique, vêtu d’un short, d’un mince T-shirt gris et de chaussures de sport. Il était couché sur le flanc gauche, non loin d’un tapis de course d’intérieur.
Je me penchai pour l’examiner. Ses yeux étaient fermés et il respirait avec beaucoup de difficulté, mais il était toujours vivant.
Des auxiliaires médicaux franchirent la porte avec fracas, s’affairèrent autour de la victime et, après avoir compté jusqu’à trois, la soulevèrent pour l’installer sur une civière.
— Il est inconscient, m’informa l’un d’eux. On l’emmène à l’hôpital général. Vous pourriez vous pousser juste un peu, sergent ? Merci.
Les sirènes remontaient déjà Townsend Street en hurlant quand Charlie Clapper et deux ou trois de ses techniciens de scènes de crime entrèrent dans le salon de Wyatt et s’approchèrent du tapis roulant.
— On a tranché le cordon électrique de ce truc, dit Clapper. Tu as vu la victime ?
— Oui, il est vivant, Charlie. Du moins pour le moment. On dirait bien qu’on l’a assommé par-derrière.
Comme pour Irene Wolkowski, l’instrument qu’on avait utilisé pour frapper Ben Wyatt sur le crâne n’était plus dans l’appartement. Autre similitude avec la scène de crime Wolkowski : il y avait très peu de désordre ailleurs.
Aucun doute ne subsistait : un lien évident existait entre les deux agressions. Ce qui créait un climat de terreur quasi quotidien à Blakely Arms.