111.
Juste après midi, ce même jour, Conklin et moi nous trouvions à l’Uncle Café, dans Chinatown. Nous avions commandé tous deux le plat du jour du mercredi : rôti en cocotte, purée de pommes de terre et haricots verts. Si Conklin avait attaqué vaillamment sa purée, je manquais quant à moi d’appétit.
Depuis notre table, nous jouissions d’une vue imprenable sur une rangée de maisons en brique et le Registre Westwood, de l’autre côté de cette rue lugubre.
Une Chinoise enceinte remplit nos tasses de thé. En regardant à travers la devanture une infime seconde plus tard, Paul Renfrew, comme il se faisait appeler maintenant, franchissait le seuil de sa maison et descendait les marches du perron.
— Vise-moi un peu ça, dis-je en tapant de ma fourchette sur l’assiette de Conklin.
Mon portable sonna. C’était Pat Noonan.
— Mr Renfrew m’a annoncé qu’il sortait déjeuner et qu’il serait de retour dans une heure.
J’en doutais fort.
Renfrew allait s’enfuir.
Sans avoir idée du nombre d’yeux qui l’épiaient.
Conklin régla l’addition. Je passai des coups de fil à Stanford et à Jacobi, zippai mon blouson tout en observant Renfrew arriver d’un pas alerte devant herboristeries et autres boutiques souvenirs, se dirigeant vers l’angle de Waverly Place et Clay Street.
Conklin et moi montâmes dans notre Crown Victoria à l’instant même où Renfrew déverrouillait la portière de son coupé BMW bleu nuit. Après un regard jeté derrière lui, il s’installa au volant et prit la direction du sud.
Dave Stanford et sa coéquipière, Heather Thomson pilèrent derrière Renfrew quand il atteignit Sacramento Street, tandis que Jacobi et Macklin empruntaient un itinéraire vers le nord, direction Broadway Avenue. Nos talkies-walkies bipaient et jacassaient au fur et à mesure que les membres de notre équipe signalaient leurs positions et celle de la BMW, la laissant filer parfois pour mieux regagner leur place en slalomant et reprendre la filature.
Mon cœur battait la chamade tandis que nous suivions le trajet de Paul Renfrew.
Nous traversâmes le Bay Bridge, puis nous roulâmes vers le nord, via le Highway 24, pour pénétrer enfin dans Contra Costa County.
Conklin et moi étions dans la voiture de tête au moment où Renfrew quitta Altarinda Road pour l’une des routes secondaires menant à Orinda, ville tranquille huppée, en partie dissimulée dans les replis des collines environnantes.
J’entendis Jacobi prévenir à la radio la police locale que nous effectuions une opération de surveillance dans le cadre d’une enquête criminelle en cours. Macklin réclama du renfort auprès de la police d’État, puis celle d’Oakland à laquelle il demanda un hélicoptère. J’entendis ensuite la voix de Stanford qui réclamait les grands moyens, à savoir un groupe d’intervention du FBI.
— Le SFPD vient de perdre le contrôle de l’opération, dis-je à Conklin alors que la BMW de Renfrew ralentissait, avant de s’engager dans l’allée d’une maison blanche à multiples pignons et aux volets bleus.
Conklin dépassa la maison comme si de rien n’était.
Arrivés à l’embranchement, au bout de la route, nous fîmes demi-tour. Puis, rebroussant chemin, nous nous garâmes dans l’ombre des arbres, juste en face de l’endroit où Renfrew avait rangé sa BMW bleue, près d’un minivan Honda noir.
Il ne pouvait s’agir en aucun cas d’une coïncidence.
Ce van devait être le même que celui qui avait servi à l’enlèvement de Madison Tyler et Paola Ricci.