SÉQUENCE 32
VEILLEUR CHAKAS – ZONE PROCHE DU HALO

J’ai déjà vu tout cela. Je me souviens de cette sensation atroce. Je ne peux désactiver mes senseurs. Je suis une machine. Mes capacités sensorielles ne sont pas optimales, mais je ne ressens pas ce que ressentent les êtres vivants en présence du Compositeur. Néanmoins, je ne m’en souviens que trop bien.

La Bibliothécaire contemple le spectacle. Son corps semble se battre avec son armure, comme si elle luttait pour lever les mains et se griffer le visage – son visage que déforme un chagrin au-delà de toute expression. Tant de colère mêlée à tant de souffrance, ancienne et nouvelle à la fois…

En tout cas, pour le moment, la voie est libre. J’aimerais être capable de ressentir la douleur. J’aimerais pouvoir faire mon deuil. Mon peuple vient de disparaître ! Les derniers vestiges de la collection de la Bibliothécaire se trouvent sur ce vaisseau. Le dernier espoir de mon espèce tout entière.

Petit à petit, la Bibliothécaire s’apaise et recouvre assez de sang-froid pour m’informer que nous allons nous séparer. Je vais partir à bord du transporteur et emporter les spécimens – parmi lesquels se trouvent mes amis – loin d’ici.

— Tu dois retrouver Novelastre. Il t’emmènera jusqu’à la petite Arche. C’est là que nous devons cacher les derniers humains.

Mais quid de sa propre sûreté ? Que s’apprête-t-elle à faire ?

Je dois obéir. Cependant,

Quelque chose

Naît en moi. Quelque chose d’enfoui est en train d’émerger. Je perçois son potentiel. Il n’est pas tenu à l’obéissance absolue. Ai-je été infecté par la perversion logique ? Non.

Je suis toujours Chakas.

Je suis toujours humain !