SÉQUENCE 21
TÉMOIGNAGE DE FABER, LE
MAÎTRE-BÂTISSEUR
FABER : Si j’avais commis un crime, pourquoi aurais-je volé au secours de mon pire ennemi, lui permettant ainsi de revenir raconter sa version des faits ?
MAÎTRE-JURISTE : Notre interrogatoire n’a pas encore commencé. Vous répondez à des questions qui n’ont pas été posées.
FABER : Si le Gardien m’a protégé, dans un contexte de destruction massive, ce n’était pas par sentimentalisme. Il connaissait ma valeur.
MAÎTRE-JURISTE : Le Gardien était corrompu.
FABER : Comment voulez-vous corrompre une machine ?
MAÎTRE-JURISTE : Vous avez trouvé un moyen d’y parvenir. Encore une fois, ces déclarations sont prématurées. Notre enquête touche à sa fin. Il reste cependant quelques détails annexes à résoudre, et vous allez peut-être pouvoir nous y aider.
FABER : Vous n’êtes pas en train de m’accuser, alors ?
MAÎTRE-JURISTE : Nous nous intéressons à votre tentative, après votre capture de l’Urdidacte dans le système en quarantaine des San’Shyuums, de vous débarrasser de lui dans une zone infestée par les Floods. Une Brûlure.
FABER : Je ne sais pas de quoi vous parlez.
MAÎTRE-JURISTE : Qu’avez-vous fait des humains et du Manipuleur, Novelastre, qui se trouvaient en compagnie du Didacte ?
FABER : J’ai rendu le Manipuleur à sa famille.
MAÎTRE-JURISTE : Et les humains ?
FABER : Ils ont été déposés sur un Halo.
MAÎTRE-JURISTE : Saviez-vous que ce Halo se trouvait sous le contrôle du Primordial ?
FABER : J’avais déjà été arrêté. Inutile de vous dire que j’avais donc perdu le contrôle de mes installations.
MAÎTRE-JURISTE : Vous n’avez pas maintenu votre influence sur Mendicant Bias ?
FABER : Certainement pas. Mendicant Bias est avant tout le produit du Didacte… Vous le savez, n’est-ce pas ?
MAÎTRE-JURISTE : Nous souhaitons également vous entendre au sujet de Catalogue.
FABER : Ah.
MAÎTRE-JURISTE : L’Urdidacte nous a appris que Catalogue ainsi que deux autres individus se trouvaient avec lui dans la Brûlure. Veuillez nous expliquer pourquoi.
FABER : Pourquoi est-ce que j’enverrais qui que ce soit dans une Brûlure avant de voler ensuite à son secours ? Mes subordonnés ont dû tout comprendre de travers. Mal interpréter mes ordres. Ou bien, comme je le pense, les prisonniers se sont échappés et fourrés tout seuls dans le pétrin.
MAÎTRE-JURISTE : Rappelez-nous donc comment, après avoir envoyé le Didacte dans une Brûlure…
FABER : C’est faux ! Je me tue à vous le répéter.
MAÎTRE-JURISTE : Comment se fait-il que vous l’ayez retrouvé ?
FABER : Par accident. Je le jure sur le Manteau. Je participais aux opérations de défense contre les Floods.
MAÎTRE-JURISTE : Vous aviez réuni vos gardes et des Serviteurs-Combattants en disgrâce, et bricolé une petite flottille.
FABER : Bricolé ? Nous combattions les Floods. C’était d’autant plus facile que personne ne savait que j’étais vivant. Je pouvais manœuvrer en toute liberté, m’affranchir de nos stratégies désuètes et vouées à l’échec. J’avais le temps d’en développer de nouvelles. Et ça a été efficace ! Nous avons tenu cette saillie pendant trois ans. Sans qu’on nous témoigne la moindre reconnaissance pour cela, d’ailleurs.
MAÎTRE-JURISTE : Comment en êtes-vous venu à effectuer cette opération de sauvetage ?
FABER : Nous avons retrouvé le Didacte – le Didacte original – à bord d’un croiseur qui tentait de franchir notre cordon. Nous faisions de notre mieux pour protéger un flanc vulnérable contre les Floods, qui pilotaient des vaisseaux forerunners ! Ce flanc avait été ouvert en grand par l’échec de Jat-Krula et de ses installations linéaires. Je n’ai aucune idée de la manière dont le Didacte s’était emparé de ce vaisseau.
MAÎTRE-JURISTE : Un vaisseau que des pillards auraient trouvé fort alléchant.
FABER : Tout son armement avait été détaché. C’est pour ça que nous ne l’avons pas détruit. Il était inoffensif.
MAÎTRE-JURISTE : Qu’avez-vous fait de l’Urdidacte, lorsque vous avez découvert qu’il se trouvait à bord du croiseur ?
FABER : J’ai entrepris de le ramener… Ça représentait un sacré coup, tout de même ! J’ai décidé de prendre le croiseur en remorque et de l’emmener jusqu’à un centre de recherches.
MAÎTRE-JURISTE : Auriez-vous par hasard espéré que le retour du Didacte, du Didacte original, causerait des problèmes à son double ?
FABER : Vous m’offensez.
MAÎTRE-JURISTE : Après avoir secouru l’Urdidacte, avez-vous remarqué un quelconque changement dans son comportement ?
FABER : Il était calme, maussade même. Il avait l’air complètement dénué de rancœur ou de haine. Il m’a dit qu’il avait fait l’expérience directe des Floods, qu’il avait beaucoup appris à leur sujet… et que cela n’avait fait que le conforter dans l’idée que les Halos n’étaient pas le meilleur moyen de les combattre.
MAÎTRE-JURISTE : Ses opinions n’avaient donc pas changé.
FABER : Pas du tout. Il avait l’air éteint, mais en dehors de cela, c’était tout à fait le même Didacte que celui qui avait été mon adversaire acharné pendant des millénaires. Toujours farouchement opposé à l’utilisation des Halos. Cela dit, je voyais bien qu’il me cachait quelque chose, j’ignore quoi. Il voulait qu’on l’emmène sur Requiem, son monde-bouclier principal.
MAÎTRE-JURISTE : Il n’a pas demandé à ce qu’on le conduise à la Bibliothécaire ?
FABER : Non.
MAÎTRE-JURISTE : De quand date votre dernier contact avec la Bibliothécaire ?
FABER : C’était il y a des années. Nous n’avons plus communiqué après mon arrestation pour corruption et usage non autorisé d’une arme stratégique.
MAÎTRE-JURISTE : Vous n’avez jamais été en contact avec le Primordial, ni avec aucune forme avancée de Fossoyeur ?
FABER : Non… Mais le Didacte ne vous répondrait peut-être pas la même chose. Vous l’avez interrogé ?
MAÎTRE-JURISTE : Votre témoignage est truffé de contradictions. Comment l’expliquez-vous ?
FABER : Cela fait des années maintenant que je me bats en première ligne. Je n’ai reçu que très peu de soutien et aucune reconnaissance pour mes efforts. Heureusement, les membres de la garde des Bâtisseurs qui ont bataillé sous mes ordres ont fait preuve d’une grande vaillance et d’une loyauté indéfectible. Nous avons accompli bien des exploits.
MAÎTRE-JURISTE : En réalité, vous vous empariez de vaisseaux plus petits et plus faibles, infestés par les Floods. Vous les soumettiez à un processus de décontamination insuffisant avant de les proposer à des équipages de Serviteurs-Combattants en échange d’une somme astronomique, et ce grâce à la lettre de marque d’un commandant de la région. Nombre des équipages assignés à ces vaisseaux reconditionnés furent infectés plus tard par des composants des Floods qui n’avaient pas été détectés. C’est avant tout dans ce but que vous vous étiez emparé du croiseur où se trouvait le Didacte, n’est-ce pas ?
FABER : Je ne sais pas de quoi vous parlez.
MAÎTRE-JURISTE : Le taux de retraite et de défaite des Forerunners, dans la zone que vous prétendez avoir défendue, est plus de cinq fois supérieur à celui des thèmes voisins. Votre contingent comptait au départ cinq cents vaisseaux, et il ne vous en reste plus que vingt.
FABER : Ce n’était pas facile. Nous avons fait de notre mieux.