SÉQUENCE 6
[TT : DIALOGUE ULTÉRIEUR, DATE INCONNUE. NON CONTIGU À LA SÉQUENCE PRÉCÉDENTE, MAIS SEMBLE AVOIR SA PLACE AU SEIN DE CE FLUX.]

MAÎTRE-JURISTE : Les Juristes confirment l’ouverture d’une liaison par un Catalogue démis de ses fonctions depuis une région infestée par les Floods. Cependant, tous les portails de cette région avaient été fermés, et les citoyens et les vaisseaux, soumis à une interdiction absolue. Pourquoi n’avez-vous pas profité de ce flux ouvert pour révéler votre présence en ces lieux ? Une expédition de sauvetage aurait pu être déployée.

DIDACTE : Peu probable. Et puis j’étais curieux. Je pensais que nous pouvions nous montrer plus utiles là où nous étions.

MAÎTRE-JURISTE : Êtes-vous sincère ?

DIDACTE : Et je n’ai jamais fait confiance aux Juristes. Je ne fais confiance à personne, sauf peut-être à mon épouse – et même elle a parfois omis de me dévoiler certains de ses projets. Il est également possible qu’elle ait découvert une information cruciale après m’avoir fait entrer dans mon Cryptum. Est-ce le cas ?

MAÎTRE-JURISTE : Ceci est votre témoignage.

DIDACTE : Vous comptez vous accrocher à votre protocole même si cela doit signifier la mort de l’écoumène, et par là même la disparition de l’intégralité de l’histoire ainsi que de vos lois adorées ?

MAÎTRE-JURISTE : Les Juristes ont étudié la question de la loi dans une civilisation dominée par les Floods. Nous avons cru comprendre que les Fossoyeurs étaient d’immenses réceptacles combinatoires emplis de souvenirs et d’informations. Des bibliothèques vivantes, en quelque sorte. Dans de telles conditions, quels éléments essentiels à la civilisation pourrait-on considérer comme perdus, en réalité ?

DIDACTE (dégoûté) : Vous comprenez, désormais, pourquoi je ne vous fais pas confiance. Vous faites montre de la même attitude défaitiste depuis des millénaires… La Bibliothécaire vous a-t-elle jamais apporté son soutien ?

MAÎTRE-JURISTE : Quelle que soit la réponse, je ne peux vous la divulguer.

DIDACTE : Dans ce cas, mon témoignage s’arrête ici.

MAÎTRE-JURISTE : Voilà qui est fâcheux. Pouvez-vous au moins me révéler le destin de Catalogue dans la Brûlure ?

DIDACTE (amusé) : À une seule condition. Vous devez d’abord me dire si mon épouse a contribué d’une manière ou d’une autre à nous envoyer là-bas. J’étais sur le point de quitter l’échiquier, et c’était à son tour de jouer. A-t-elle conclu un pacte – un nouveau pacte-avec le Maître-Bâtisseur ?

MAÎTRE-JURISTE : Recherche en cours… Recherche en cours… La jurisprudence m’indique qu’un témoignage crucial peut être encouragé par la cession d’une information n’ayant aucune incidence sur l’affaire dont il est question.

DIDACTE : Même si cette information a pu jouer un rôle dans le mobile de l’accusé ?

MAÎTRE-JURISTE : Essayez-vous de me convaincre d’accepter votre requête, ou de la rejeter ? Je n’ai pas l’autorité nécessaire pour effectuer de subtiles distinctions sur des points épineux de la loi.

DIDACTE : Dans la Brûlure, c’est exactement ce qu’a fait Catalogue… de subtiles distinctions. Et c’est très probablement ce qui m’a sauvé la vie.

MAÎTRE-JURISTE : Peut-être.

DIDACTE : Ai-je aiguillonné votre curiosité ?

MAÎTRE-JURISTE : Ma curiosité personnelle est inexistante.

(Brève interruption de l’enregistrement)

MAÎTRE-JURISTE : J’ai trouvé les précédents nécessaires. Pour éviter un débat casuistique, je vous informe simplement que je suis autorisé à vous céder cette information mineure.

DIDACTE : Faites donc, et je reprendrai le cours de mon récit.

MAÎTRE-JURISTE : Ce n’était pas le plan de la Bibliothécaire.

DIDACTE : C’était donc celui du Maître-Bâtisseur.

MAÎTRE-JURISTE : Aucune confirmation possible. En revanche, c’est une conclusion logique. Comment et pourquoi Catalogue a-t-il agi de manière non conforme à ses instructions ?

DIDACTE : Il a vu ce que je voyais. Il s’est découvert du courage. Il est redevenu un véritable Forerunner.