L’ambulance déboucha en trombe avec d’impérieux coups de klaxon.
« C’est ici, arrêtez-vous », cria Gorgio au chauffeur.
Toujours debout sur le marchepied, il s’étonna d’apercevoir une troisième personne debout près du vieux couple.
Il sauta sur le sol, chercha des yeux la jeune femme blessée. Il était impatient de la retrouver, de lui annoncer qu’il venait lui porter secours et qu’il était bien décidé à la sauver.
Tenant toujours son arme, il avança en hésitant.
« C’est le franc-tireur, s’écria Anya.
— C’est le jeune homme qui est parti chercher l’ambulance. Il a tenu sa promesse. »
Steph fixa Gorgio avec méfiance. Avec son accoutrement, cette arme à ses côtés, il ressemblait à ces tueurs improvisés qu’on lui avait souvent décrits.
Steph porta sa main vers la poche de son veston, s’assura que son revolver était en place. Il ne s’en était jamais servi.
S’apercevant de la manœuvre, Gorgio bredouilla :
« J’ai amené l’ambulance… Je l’ai cherchée partout. Cela m’a pris beaucoup de temps. »
Les trois infirmiers venaient de mettre pied à terre à leur tour.
« … Les infirmiers vont s’occuper de la blessée, ajouta-t-il.
— C’est trop tard, s’écria Anya. Trop tard ! »
Anton avança vers les hommes en blouse blanche et plus bas :
« C’est trop tard. Elle vient de mourir. »
Gorgio recula de quelques pas. Sa randonnée avait trop duré ; il s’en voulut de chaque seconde perdue et se mit à trembler, à bredouiller.
Puis, se rapprochant de Steph :
« Vous êtes de sa famille ? »
Ce dernier le repoussa brutalement.
« C’est toi qui rôdes dans le quartier ? »
Gorgio ne trouvait plus ses mots.
« C’est toi le tueur ? » insista-t-il en le bousculant.
Gorgio recula :
« Non… L’ambulance… c’est moi… je voulais la sauver.
— Je ne te parle pas de l’ambulance. Je te demande si c’est toi qui as tiré sur cette femme ? »
La mitraillette glissa à ses pieds. Les bras ballants, les yeux exorbités, Gorgio fixait Steph sans trouver de réponse.
Tirant le revolver de sa poche, ce dernier s’approcha, l’arme au poing, tandis qu’Anton tentait de le retenir.
« Qui te dit que c’est lui ? Calme-toi, je t’en supplie. »
Le coup était déjà parti.
Gorgio le reçut en pleine poitrine et s’effondra.
Le carnet en moleskine tomba de sa poche. Quelques feuillets se dispersèrent.
« Vivre est gloire » flotta dans l’espace avant de rejoindre le sol.
Les infirmiers affolés se hâtèrent de regagner leur véhicule.
Le chauffeur, toujours à son volant, fit rapidement demi-tour.
L’ambulance s’éloigna en vrombissant.