Couchée sur le côté, Marie vient d’apercevoir le vieux couple. Son cœur bat furieusement. Elle garde son cri en réserve, elle ne veut pas le gaspiller ; elle attend qu’ils se rapprochent.

Elle est attentive à chacun de leurs pas, elle s’amasse, se concentre autour de ce cri. Il faut qu’il soit audible, qu’il signale sa présence, qu’il les atteigne.

Son corps a renoncé à la lutte. Il se tasse, s’enroule sur lui-même, comme dans une coquille. Il ne laisse place qu’aux derniers sursauts de sa conscience, qu’aux dernières explorations de son regard.

Le couple avance, prudemment, l’œil aux aguets.

« Oui, tout à l’heure, j’ai entendu des coups de feu, se rappelle-t-elle.

— Pourtant c’est étrange, plus personne n’habite par ici.

— Sauf nous…

— Ils ont tout saccagé. Plus de téléphone, plus d’électricité, plus un seul commerçant.

— Plus rien. Pas une âme. C’est le moment de partir. Es-tu sûr qu’on trouvera des véhicules de l’autre côté du pont ?

— Tout à fait sûr…

— Où nous mèneront-ils ?

— On verra bien. Ce sera provisoire. Nous nous envolerons ensuite vers un pays lointain.

— C’est terrible d’être chassé de chez soi. »

Il lui entoure les épaules de son bras. « Ne crains rien.

— Tant que nous serons ensemble… »

Il reprend sa main. Ils continuent d’avancer.