Steph courait, courait vers l’immeuble de Marie. Il monterait à pied les cinq étages, il sonnerait à la porte, il la verrait enfin, à moins qu’elle ne soit déjà dans la rue.
Il se ferait pardonner, il le savait. Ils se pardonnaient toujours. Malgré la tragédie qui s’était abattue sur ce petit pays, il ne pensait plus qu’à une chose : la rejoindre. Ensemble, ils décideraient de ce qu’il restait à faire. Dorénavant, il prendrait toujours son avis.
Les ruelles étroites, qu’il franchissait au pas de course, s’ouvriraient bientôt sur la grande rue qui glisse en légère pente vers le quartier où se situe l’appartement que Marie avait loué pour un an. Le centre de la ville se trouvait plus loin et grouillait d’une population inquiète, excédée. Le quartier de Marie, qui avait subi les premiers bombardements, s’était vidé de sa population ; quelques personnes y demeuraient encore dans une relative sécurité.
En habitué du jogging, Steph courait sans s’essouffler. Ses mollets avaient gardé leur élasticité, ses pieds rebondissaient dans leurs baskets à triple semelle, ses articulations étaient souples. Il respirait à grandes goulées, sans haleter. La jeunesse était un privilège, il en était conscient. Combien de temps durerait-t-elle ? Steph était persuadé qu’en disciplinant son corps, cela pouvait durer des années… Il se sentait fort, capable de franchir tous les obstacles ; capable de lutter plus tard contre les affaiblissements de l’âge.
Steph s’élance toujours… Dans quelques secondes il atteindra la grande rue.
Si Marie guette à sa fenêtre elle pourra l’apercevoir, de très loin, accourant vers elle.