Comment définir cette contrée, comment déterminer ses frontières ? Pourquoi cerner, ou désigner cette femme ? Tant de pays, tant de créatures, subissent le même sort.
Dans la boue des rizières, sur l’asphalte des cités, dans la torpeur des sables, entre plaines et collines, sous neige ou soleil, perdus dans les foules que l’on pourchasse et décime, expirant parmi les autres ou dans la solitude : les massacrés, réfugiés, fusillés, suppliciés de tous les continents, convergent soudain vers cette rue unique, vers cette personne, vers ce corps, vers ce cœur aux abois, vers cette femme à la fois anonyme et singulière. À la fois vivante et blessée à mort.
Depuis l’aube des temps, les violences ne cessent de se chevaucher, la terreur de régner, l’horreur de recouvrir l’horreur. Visages en sang, visages exsangues. Hémorragies d’hommes, de femmes, d’enfants… Qu’importe le lieu ! Partout l’humanité est en cause, et ce sombre cortège n’a pas de fin.
Dans chaque corps torturé tous les corps gémissent. Poussés par des forces aveugles dans le même abîme, les vivants sombrent avant leur terme. Partout.
Comment croire, comment prier, comment espérer en ce monde pervers, en ce monde exterminateur, qui consume ses propres entrailles, qui se déchire et se décime sans répit ?