CAUCHEMAR

Je savais que j’étais en train de rêver, mais ça ne changeait rien. J’étais un enfant, essayant de faire ses premiers pas. Une grande personne devant moi m’appelait en me tendant les bras.

— Viens ici, Van. Tu peux le faire. Marche jusqu’à moi.

Dans mon rêve, je ne pouvais pas voir son visage. Il avait une voix douce, amicale, mais son visage restait caché.

— Viens ici, Van. Avance. Viens.

C’était terriblement difficile. Il était beaucoup plus facile de m’accrocher de mes petits doigts dodus à n’importe quel bout de meuble. Ou de me laisser tomber et d’avancer à quatre pattes. Mais la voix me soutenait, tour à tour encourageante et implorante, et en fin de compte j’y allai.

Je fis un pas en titubant, puis un autre.

— Bravo, Van, bravo !

Alors je découvris son visage. C’était mon frère Alex. Encore enfant lui-même, neuf ou dix ans. Mais il m’aidait, me soutenait. J’essayai de le rejoindre. Pas à pas, difficilement, j’essayais d’atteindre ses bras accueillants.

Mais au lieu de cela, mes jambes fléchirent et je tombai sur le plancher.

— Tu es désespérant, Runt. Absolument désespérant. Soudain c’était mon père qui me dominait de toute sa taille, avec un regard dégoûté.

— Les anciens Grecs t’auraient laissé au sommet d’une montagne pour nourrir les loups et les vautours.

Alex n’était plus là. Il était mort, me rappelais-je. Je restai là par terre et sanglotai comme un bébé.