Chapitre 63

Dans l'étincelante blancheur du vide, Jennsen vint soudain se camper devant son frère. Debout près d'elle, Tom lui entourait les épaules d'un bras protecteur. Anson, Owen et Marilee étaient là aussi.

À part Tom, tous étaient des trous dans le monde. Des Piliers de la Création totalement dépourvus de magie.

― Richard, dit Jennsen, nous voulons vivre dans le nouveau monde.

Une larme roula sur la joue du Sourcier. Tous les Piliers de la Création entendaient les mots de Jennsen, et tous partageaient sa volonté.

― Vous avez tous gagné le droit de rester ici et d'y être libres.

― Nous le savons, Richard. Je le sais ! Mais tu m'as appris la valeur de la vie et le respect que chacun doit à l'existence des autres. Ce monde est le royaume de la magie. Notre existence même est une menace pour le don et les créatures qui en dépendent. Les Piliers de la Création ont besoin de croître et de se multiplier, mais dans un monde sans magie, afin de ne rien détruire.

L'îlot dont tu parles est fait pour nous.

Richard prit tendrement le menton de sa soeur.

― J'aimerais que tu restes, mais je comprends ta position...

En réalité, Richard savait depuis le début que les Piliers de la Création choisiraient l'exil.

Il sourit à sa soeur, bouleversé par sa beauté extérieure... et son encore plus grande beauté intérieure.

― Je crois que tes amis et toi serez en sécurité dans votre nouveau monde..., dit-il.

― Vous le pensez vraiment, seigneur Rahl ? demanda Tom. Quand on songe aux gens que vous y exilez, on peut avoir des doutes.

― Les mouvements comme l'Ordre, qui dégradent en fait l'existence de leurs fidèles, ont besoin d'un ennemi pour détourner l'attention de leurs échecs et de leurs insuffisances. Le monde libre a joué ce rôle, devenant le mortier qui cimentait l'alliance des bouchers. Sans un « grand démon » à combattre, et à accuser de tout, les idéologies de ce type finissent par se vider de leur substance. Même s'il faut dix siècles pour cela, le processus est inéluctable.

Toutes les tyrannies ont besoin de boucs émissaires, c'est une histoire vieille comme l'humanité...

» Les trous dans le monde sont bien trop peu nombreux pour jouer ce rôle.

Dans votre nouveau pays, vous passerez inaperçus, Tom. C'est une certitude.

― J'en suis persuadée, renchérit Jennsen, trop subtile pour ne pas entendre le doute qui faisait très légèrement trembler la voix de son frère. Sans un ennemi puissant à blâmer et à conquérir, l'Ordre Impérial retournera sa haine contre lui-même. Et pendant qu'ils s'entre-tueront, les bouchers ne feront pas attention à nous. Tout ira très bien.

― Si vous les côtoyez, ils vous écraseront, j'en ai peur, dit Richard. Mais vous trouverez un sanctuaire, j'en suis sûr. Peut-être à l'endroit où s'étend l'Empire bandakar dans notre monde... J'aimerais qu'il y ait une autre solution, mais ce n'est pas le cas.

» Jennsen, j'ai également exilé la Chaîne de Flammes dans ce qui sera votre monde. Assez rapidement, vous oublierez jusqu'à notre existence. Afin que toute magie accidentellement transférée dans cet autre monde soit détruite, je n'ai rien fait contre la souillure des Carillons.

» J'ignore comment se structureront vos mémoires, et quelles constructions imaginaires se substitueront à votre véritable passé. Mais ces créations s'enracineront dans vos esprits à tous, parce que le sort d'oubli servira en quelque sorte de « fédérateur ». Au mieux, le monde que vous allez quitter restera dans la mémoire collective sous la forme d'une légende ― ou d'une forme très spécifique de fiction. En tout cas, c'est ce que j'espère.

» Mais je ne peux pas me fier exclusivement à la Chaîne de Flammes et à la souillure des Carillons. S'il reste des pratiquants de la magie chez vous

― et il en restera ―, comment être sûr qu'ils ne trouvent pas un moyen de préserver le don ?

Richard posa une main sur l'épaule de sa soeur.

― Vous serez mon arme secrète... Génération après génération, vous contribuerez à la disparition totale de la magie. Au début, vous resterez loin des fidèles de l'Ordre. Mais avec le temps, comme toujours, le brassage des populations se fera, et il ne faudra pas plus d'un siècle pour que le don lui aussi ait disparu de vos mémoires.

» Dans ce qui sera un jour le royaume des Piliers de la Création, nul ne naîtra plus avec une étincelle de pouvoir.

» Ici, nous entretiendrons la flamme du don, faites-nous confiance.

» Étant insensible à la magie, tu ne m'oublieras pas, ma chère soeur. Mais peu à peu, tu te demanderas si tu as vraiment vécu tout cela, et ce que tu transmettras à tes enfants ressemblera déjà beaucoup à un mythe.

Richard se tourna vers Tom.

― Toi, tu n'es pas un trou dans le monde...

― Je sais, mais j'aime Jennsen et je veux rester avec elle. Tout endroit où nous sommes ensemble est un paradis, seigneur Rahl, et nous serons heureux, je n'en doute pas. Je brûle d'envie de construire un monde où les gens comme Jennsen ne seront plus des curiosités mais des êtres humains normaux, tout simplement.

» Seigneur, relevez-moi de mes obligations envers vous. Ainsi, je pourrai protéger votre soeur et ses semblables dans notre nouveau monde.

Richard sourit et tapa dans les mains de son garde du corps.

― Je n'ai pas à te rendre ta liberté, Tom, parce qu'il y a longtemps que tu me suis de ton propre chef. Et je te serai éternellement reconnaissant d'avoir rendu Jennsen heureuse.

Tom se tapa du poing sur le coeur, puis il osa donner l'accolade à Richard.

Excités à l'idée d'entamer une nouvelle vie, Owen, Anson et Marilee serrèrent les mains de Richard, l'homme qui leur avait appris à prendre la vie à bras-le-corps.

― Je t'aime..., souffla Jennsen en étreignant son demi-frère. Merci de m'avoir enseigné à apprécier cette existence. Même si je finis par t'oublier, tu resteras à tout jamais dans mon coeur.

Suivie par une multitude invisible, Jennsen s'enfonça dans la blancheur étincelante du portail.

De nouveau seul dans le vide immaculé, Richard saisit la poignée de son arme pour la retirer de la boîte d'Orden ― une façon, en fait, d'enlever la clé de la serrure.

Tout s'était passé comme il l'avait prévu, à l'exception d'une seule chose : celle qui lui tenait le plus à coeur.

Le champ stérile indispensable pour que la magie d'Orden agisse avait été souillé. Kahlan ayant su qu'il l'aimait, elle ne redeviendrait jamais ellemême.

― Tu es une personne comme on en rencontre rarement, Richard Rahl, dit soudain la plus belle voix du monde.

Richard se retourna pour découvrir Kahlan, dont les yeux verts brillaient de mille feux. Sur ses lèvres flottait le sourire exclusivement réservé à son mari.

La main encore fermée sur la poignée de son arme, le Sourcier se pétrifia.

Kahlan avança et lui passa un bras autour du cou.

― Je t'aime...

Totalement désorienté, Richard enlaça sa femme et l'attira vers lui.

― Je... Je ne comprends pas. Le champ stérile a été souillé par la préconnaissance, et...

― Rien à fiche ! J'étais protégée.

― Comment ça, protégée ?

― Puisque j'étais retombée amoureuse de toi, je n'avais nul besoin d'un champ stérile. Dès que je t'ai vu derrière les barreaux, dans ton chariot, mon coeur a chaviré. Et chacun de tes actes, depuis, est en accord avec l'homme que tu es : celui que j'ai aimé dès notre rencontre, et que j'ai épousé dans le village du Peuple d'Adobe.

» Quand tu m'as offert la réplique de Bravoure, j'ai su que je ne me trompais pas. Une oeuvre d'art reflète l'âme de son créateur. Elle révèle ses idéaux, et tout ce qui lui est cher. Un homme si fortement épris de noblesse et si respectueux de l'indomptable volonté humaine partageait obligatoirement ma passion de la vie. Le reste était facile à déduire...

Même s'il sentit une larme rouler sur sa joue, Richard eut un grand sourire.

― Je suis allé dans le royaume des morts rechercher les souvenirs volés par la Chaîne de Flammes ― un sort soustractif. Lors de ce voyage, j'ai découvert que ta mémoire serait restaurée uniquement si tu le désirais de toutes tes forces. Dans la réplique de Bravoure, j'ai instillé tout ton passé.

» En acceptant ce bagage, tu rends la mémoire à tous ceux qui ont souffert du sort d'oubli. La Chaîne de Flammes n'existe plus dans notre monde, Kahlan.

Et c'est grâce à toi !

Kahlan regarda Richard un long moment ― droit dans les yeux.

Puis le Sourcier embrassa la femme qui était tout pour lui. Sa compagne, son amie et son amante...

Kahlan, pour qui il était allé dans le royaume des morts.

Et surtout, pour qui il en était revenu.

Tandis qu'il s'immergeait dans ce baiser depuis si longtemps désiré, le Sourcier retira sa lame de la boîte d'Orden.

Le portail se referma.

À tout jamais, avec un peu de chance...

Quand Richard ouvrit les yeux, Kahlan et lui étaient revenus dans le royaume des vivants.

Chez eux.

Souriant, Zedd regardait les deux amoureux.

― Inutile de t'excuser, mon garçon.

― Où as-tu pris que je m'excusais ?

Le vieil homme fit signe aux deux époux de ne pas se soucier de lui.

― Après si longtemps, tu as parfaitement le droit d'embrasser ta femme. Je sais depuis toujours que vous êtes faits l'un pour l'autre.

» Cela dit, je regrette un peu que tu aies mis si longtemps à nous tirer de la mouise...

Richard foudroya du regard le Premier Sorcier.

― Désolé de t'avoir incommodé... Si tu m'avais mieux formé, j'aurais peut-

être été moins obtus.

― J'ai dû être un bon professeur, au contraire... Pour être franc, tu t'es bien débrouillé, fiston !

― Richard, dit Nathan en approchant, as-tu conscience de ce que tu viens de faire ?

― Eh bien, je pense, oui...

― Tu as contribué à réaliser les prophéties, mon garçon !

Richard fronça les sourcils.

― Quelles prophéties ?

― Celles qui évoquent le Grand Vide.

― Désolé, mais je ne comprends plus... Bien au contraire, je viens de nous épargner cette menace.

― Allons, es-tu aveugle, mon descendant ? Ne viens-tu pas de créer un monde où la magie n'existe pas ? Pour les prophéties, c'est le néant absolu, parce qu'elles sont incapables de se projeter dans un univers d'où est absent le don.

Mais les prédictions nous ont avertis de ce que tu ferais. En créant des mondes jumeaux, tu as matérialisé la fourche présente dans les prophéties. Le Grand Vide, c'est l'endroit où tu as envoyé nos ennemis !

Richard eut un soupir agacé.

― Si vous le dites, Nathan...

― Quelque chose m'échappe dans tout ça, intervint Zedd. Comment as-tu su que l'Épée de Vérité était la clé pour ouvrir la bonne boîte d'Orden ?

Selon toi, le Grimoire des Ombres Recensées était une fausse clé, parce que les Inquisitrices sont apparues bien après le pouvoir d'Orden. Mais ton arme aussi fut créée ensuite. Où est la différence ?

― L'épée m'a rendu insensible au sort d'oubli. Sachant que les boîtes sont les ennemies acharnées de la Chaîne de Flammes, il paraît assez évident que cette arme est liée à la magie d'Orden. Le pouvoir qu'elle contient est une partie de celui d'Orden. Lorsque les soeurs ont activé la Chaîne de Flammes, ma main reposait sur la poignée de l'épée. C'est ça qui m'a sauvé, Zedd. Quand je t'ai fait toucher mon arme, tu as de nouveau pu voir Kahlan. Et tu n'as pas été le seul à vivre cette expérience. Les choses devenaient de plus en plus limpides...

― C'est toi qui le dis ! Ton épée a été créée après la magie ordenique !

― C'était un truc, grand-père !

― Pardon ?

― Qu'y avait-il de mieux pour protéger un pouvoir si extraordinaire ? Un truc était beaucoup plus efficace qu'un système magique compliqué à l'extrême et franchement extravagant. Le Grimoire des Ombres Recensées était parfait pour abuser les gogos.

» Quelqu'un m'a dit un jour qu'un truc proprement exécuté était bel et bien de la magie. Ce quelqu'un, c'était toi, Zedd !

» Les antiques sorciers ont dû bien s'amuser en créant ce grimoire rempli d'absurdités. Derrière cet écran de fumée, ils entendaient dissimuler l'Épée de Vérité, autrement dit, la véritable clé. Le livre était un leurre qui nous a tous envoyés sur une fausse piste.

» La véritable clé ― ma lame ― contient une magie complémentaire de celle d'Orden. Des centaines de sorciers l'ont investie du pouvoir requis. Il est possible qu'elle ait été créée plus tard, cela dit, rien n'est moins sûr, mais la magie dont elle est investie appartient bien à la tradition ordenique. La réponse à toutes nos questions était sous notre nez, comme c'est souvent le cas.

» L'arme étant un trésor inestimable, comment s'étonner qu'elle ait été placée sous la responsabilité du Premier Sorcier ?

» Zedd, tu fus un bon gardien pour mon arme. Car tu as trouvé le véritable Sourcier de Vérité, et tu lui as remis son bien.

» Choisir le bon Sourcier était déterminant, parce qu'il fallait quelqu'un qui aime la vie et les gens pour faire tourner la lame au blanc. Un être capable de sélectionner la bonne boîte grâce à la magie de son épée...

» Seul un authentique Sourcier de Vérité peut manier l'épée et contrôler le pouvoir ordenique.

» C'est lié à la première phrase du Livre de la Vie. « Ceux qui sont venus ici pour haïr doivent à présent partir, car avec leur haine, ils ne trahissent qu'eux-mêmes. » L'Épée de Vérité a besoin de compassion pour tourner au blanc. La haine est incapable de ce miracle. C'est une des défenses les plus solides de la magie ordenique. Et si l'arme est conçue ainsi, c'est pour pouvoir servir de clé aux boîtes d'Orden.

» La haine n'a aucune emprise sur le pouvoir d'Orden. Elle ne fait pas partie de la solution, en d'autres termes. C'est tout le sens de cette phrase du Livre de la Vie. Dès qu'on a saisi le concept, tout devient limpide.

― Oui, oui, d'une simplicité enfantine, marmonna Zedd tout en se grattant furieusement la tête.

Nathan claqua des doigts et se tourna vers le vieux sorcier.

― Maintenant, je comprends mieux une autre prophétie des plus étranges !

― Laquelle ? demanda Zedd.

― Celle qui dit qu'un être qui n'est pas né dans ce monde le sauvera un jour...

Désormais, ça me semble beaucoup plus logique.

― Sans blague ? railla Zedd. Moi, je n'y comprends toujours rien !

― Aucune importance... Nous verrons ça dans le détail plus tard...

Ignorant le prophète, Zedd dévisagea intensément son petit-fils.

― Il reste beaucoup de réponses à trouver, mon garçon. Mon rôle, car je reste le Premier Sorcier, est de connaître tous les détails afin de déterminer si tu n'as pas commis quelques erreurs sur des points bien spécifiques. Tu as pu te tromper dans certains calculs, et nous devons...

― Zedd, j'ai dû trancher dans le vif, par manque de temps. Parfois, on doit agir très vite, et il est impossible d'envisager toutes les éventualités. Ce sont des situations où les détails finissent noyés dans la masse, et personne n'y peut rien.

» Parfois, il vaut mieux agir d'instinct, même si c'est générateur d'imperfections, que d'attendre une situation idéale qui ne se présentera jamais.

Les « si » et les « j'aurais peut-être dû » viennent ensuite, et ils n'apportent pas grand-chose. Il fallait intervenir, je m'en suis chargé et j'ai fait de mon mieux avant qu'il soit trop tard.

Zedd sourit puis serra gentiment l'épaule de son petit-fils.

― Tu t'en es bien tiré, mon garçon. Rudement bien, même...

― Oui, on peut le dire ! renchérit Nicci.

Tous se retournèrent pour la voir approcher, radieuse comme jamais.

― Je viens de jeter un coup d'oeil dans les plaines d'Azrith. Il n'y a plus trace de l'armée de l'Ordre. Il reste quelques hommes, comme Bruce, qui préfèrent la liberté à la foi aveugle.

Un cri de joie collectif salua cette nouvelle. C'était vraiment fini, et à tout jamais...

Kahlan accueillit Nicci en la serrant dans ses bras. Puis elle s'écarta un peu et regarda en souriant l'ancienne Maîtresse de la Mort.

― Tu as tout fait pour me ramener à Richard, mon amie... C'est une extraordinaire preuve d'amour, et tu seras à jamais une soeur pour nous deux.

― Richard m'a appris le sens du verbe « aimer »... Parfois, placer les désirs de l'autre avant les siens est la seule solution. J'aime Richard, tu le sais très bien, Kahlan, et pourtant, je suis heureuse de vous voir ensemble. Votre bonheur est une source de joie pour moi... (Nicci se tourna vers Richard et prit un air mortellement sérieux.) J'aimerais bien savoir comment tu as pu créer un jumeau de notre monde, l'envoyer très loin d'ici et y exiler tous nos ennemis...

― Dans les grimoires de théorie ordenique, j'ai lu que le portail créé lors de l'ouverture de la boîte pouvait « infléchir la magie » afin qu’elle s'oppose au sort d'oubli. Ça m'a donné une idée...

Richard sortit de sa poche son carré de tissu blanc.

― Tu vois la tache noire ? C'est une goutte d'encre...

― Et alors ? demanda Zedd, curieux comme à l'accoutumée.

Richard déplia le mouchoir.

― Quand le morceau de tissu est plié, la tache et sa jumelle se touchent.

Lorsqu'on le déplie, elles se retrouvent à l'opposé l'une de l'autre.

» Le pouvoir d'Orden est capable d'infléchir ― voire de courber ― la réalité.

C'est ce principe qui permet de neutraliser la Chaîne de Flammes. En un sens, j'ai utilisé cette magie pour « décalquer » notre monde à l'autre bout de l'Univers. Le portail, c'est tout simplement le carré de tissu plié, si vous voyez ce que je veux dire... Les exilés n'ont pas franchi une grande distance, mais quand j'ai retiré la lame de la boîte, ils ont été propulsés très loin de nous.

― En somme, tu as déplié le mouchoir, c'est ça ? résuma Zedd. Le « portail » a momentanément plié l'Univers pour rapprocher ses extrêmes, puis les distances ont été rétablies après le départ des exilés.

― Tu apprends vite, dit Richard, se moquant gentiment du vieil homme.

Zedd lui flanqua une tape sur l'épaule.

Richard approcha de Verna et lui prit la main.

― C'est Warren qui m'a inspiré cette idée... Tout au début, c'est lui qui m'a dit que les boîtes d'Orden étaient un passage qui permettait de traverser le royaume des morts. Sans lui, je n'aurais jamais été mis sur la bonne voie.

Nous lui devons une fière chandelle.

Des larmes aux yeux, Verna passa une main dans le dos du Sourcier pour lui témoigner sa reconnaissance.

Richard saisit l'amulette qu'il portait autour du cou et la brandit pour que tous la voient.

― Ce bijou qui appartenait à Baraccus est une illustration de la danse avec les morts. C'est bien plus qu'une façon de se battre et qu'une philosophie de vie. Cet emblème m'a permis d'aller dans le royaume des morts et d'en revenir. C'est une partie du legs de Baraccus, mais il y a autre chose...

» Cette amulette représente spécifiquement le coup de grâce, soit l'ultime mouvement de la danse. Et il était indispensable pour ouvrir la bonne boîte d'Orden.

Kahlan passa un bras autour de la taille de son mari.

― Baraccus serait fier de toi, dit-elle.

― Nous le sommes tous, renchérit Zedd.

― Plus qu'on peut le dire, ajouta Nicci, resplendissante.

Zedd eut un sourire que Richard ne lui avait plus vu depuis longtemps. De nouveau « entier », il était redevenu le grand-père, le conseiller et l'ami que le Sourcier adorait.

― Ce que les antiques sorciers ont tenté avec la grande barrière, au sud, et ce que j'avais à l'esprit en invoquant les frontières, tu as réussi à le faire, mon garçon !

» Tu nous as débarrassés d'une menace, mais en laissant une chance à la vie.

S'ils le désirent, les enfants de nos ennemis pourront tirer la leçon qui s'impose des erreurs et des crimes de leurs parents. S'ils tournent le dos à la haine, le monde que tu leur as offert peut devenir un jardin fertile et heureux.

» Nos anciens adversaires ont maintenant le choix entre dix siècles de ténèbres ou un retour à la lumière difficile mais exaltant. C'est plus que ce qu'ils nous auraient concédé, en cas de victoire...

» Tu as donné une chance à deux mondes, Richard. Avec la force de ta conviction, mais sans jamais t'abandonner à la haine...