Chapitre 36

Kahlan se demanda ce que voulait dire la fillette. Depuis peu, elle savait Richard capable de déclencher une guerre à lui tout seul. Mais s'aventurer dans le royaume des morts et en revenir vivant ? C'était un peu trop, même pour lui.

Cela dit, ce n'était ni le lieu ni le moment d'en débattre.

Regardant autour d'elle, Kahlan chercha une brèche éventuelle dans la marée de combattants. Si Jagang mourait, ou simplement s'il s'évanouissait, ses trois prisonnières auraient une toute petite chance de lui échapper.

Était-ce si certain que cela ? Qu'advenait-il du pouvoir d'un être tel que lui lorsqu'il perdait conscience ? Quand on pouvait marcher dans les rêves, continuait-on d'exercer son contrôle mental tandis qu'on rêvait ou dormait soi-même ?

Tant de questions sans réponse...

De toute façon, même si l'empereur ne pouvait pas utiliser les Rada'Han, il restait le problème des soudards déchaînés. Pour une fois, être invisible servait plutôt les intérêts de Kahlan. Mais Nicci et Jillian ne bénéficiaient pas de cet avantage. Une femme comme l'ancienne Maîtresse de la Mort et une petite fille « appétissante » telle que Jillian ― pour les amateurs de chair tendre ― ne se faufileraient pas parmi ces hommes sans éveiller leur lubricité.

Et Nicci semblait avoir une confiance aveugle en Richard...

― Vous croyez vraiment qu'il pourra nous sortir d'ici ? demanda Kahlan à son amie.

― Avec mon aide, oui... Je connais un moyen de nous évader...

De toute évidence, Nicci n'était pas femme à croiser les doigts et à fermer les yeux ni à se nourrir de vains espoirs. Durant son calvaire, sous le pavillon de Jagang, elle ne s'était jamais raccrochée à des illusions. Encline à regarder la réalité en face, elle savait s'avouer vaincue quand c'était le cas.

Bref, si elle affirmait connaître une façon de fuir ce piège, c'était tout bêtement la vérité. À travers une brèche dans la muraille de combattants, Kahlan aperçut de nouveau Richard. Passant sous la garde d'un adversaire, il lui traversa le ventre avec sa lame, la dégagea en un éclair et, dans le même mouvement, vint percuter le visage d'un second agresseur avec le pommeau de l'arme.

― Ce sera peut-être notre seule chance, dit Kahlan.

Nicci tendit le cou pour voir où en était Richard, puis elle regarda de nouveau l'empereur, au centre de son bouclier humain.

― Oui, c'est maintenant ou jamais ! Mais il y a ces fichus colliers !

― Si Jagang est distrait par autre chose, il ne pensera peut-être pas à les utiliser.

Nicci riva sur Kahlan un regard qui en disait long sur l'inanité d'un tel espoir.

― Écoutez-moi bien, dit-elle. Si les choses devaient mal tourner, je ferai mon possible pour que Jillian, Richard et vous ayez une chance de vous en tirer.

(Elle leva un index impérieux.) Si nous en arrivons là, saisissez cette chance, c'est compris ? Surtout, ne gaspillez pas une possibilité qui m'aura coûté si cher. D'accord ?

Kahlan n'aimait pas envisager que Nicci puisse se sacrifier pour sauver ses trois amis. Richard et Jillian, ça passait encore... Mais pourquoi accordait-elle moins d'importance à sa vie qu'à celle d'une Inquisitrice amnésique ?

― Si vous me promettez d'agir ainsi en dernière instance, après épuisement de toutes nos options... Franchement, je préférerais que nous nous en sortions tous les quatre.

― Je n'ai qu'une vie et j'y tiens, déclara Nicci. Ça vous suffit, comme garantie ?

Kahlan sourit puis posa une main sur l'épaule de Jillian.

― Ne t'éloigne pas de moi, mais ne me traîne pas dans les jambes si je dois utiliser mon couteau. Et en cas de besoin, n'hésite pas à te servir du tien.

Jillian acquiesça.

Sans plus attendre, Kahlan l'entraîna vers le terrain de Ja'La, visant la zone où elle avait vu Richard pour la dernière fois. Nicci ferma la marche, tous les sens aux aguets.

Alors que Kahlan avait fait une dizaine de pas, le général Karg, perché sur un énorme destrier, déboula de la marée humaine, dans son dos. Très mécontent qu'on encombre son chemin, le cheval hennissait méchamment.

Karg évalua la situation en un clin d'oeil. Puis il se tourna vers son escorte de gardes d'élite. Plusieurs centaines d'hommes aguerris au combat et armés jusqu'aux dents. La manière dont ils se frayaient un chemin parmi les soudards avait de quoi glacer les sangs. Dans leur sillage, ils laissaient des blessés éventrés, des morts décapités et toute une collection de membres tranchés net.

Derrière eux, à la chiche lueur de quelques torches, le combat continuait à faire rage. Désormais, les hommes se fichaient de qui ils affrontaient, amis ou ennemis, et encore plus de la cause qu'ils étaient censés défendre. Le seul mot d'ordre restait « chacun pour soi » et tout le monde lui obéissait ― à part les gardes d'élite, parfaitement conscients de la situation et de l'identité de leurs adversaires.

― Des soeurs approchent, dit Nicci, c'est la lueur de leurs torches que nous voyons. Il nous reste peu de temps. Essayez d'éviter les soldats, afin de ne pas les affronter.

Kahlan fit signe qu'elle avait compris, puis elle continua son chemin. Nicci avait un plan qui semblait très sérieux. Pour que Richard les trouve, les trois fugitives devaient avancer dans l'axe de l'endroit où il les avait vues la fois précédente.

Kahlan entendait contourner le « front » où s'opposaient les soudards et les gardes d'élite, puis entrer sur le terrain et marcher à la rencontre de Richard en évitant autant que possible toute confrontation avec les combattants triés sur le volet qui luttaient pour défendre leur empereur et ne reculaient devant rien qui fût susceptible de leur gagner un avantage.

Karg sauta à terre au milieu des gardes spéciaux qui ferraillaient depuis un bon moment.

― Où est Jagang ? cria-t-il.

― Il a été blessé par une flèche, répondit un officier. Mes hommes le protègent. Les gars, écartez-vous pour laisser passer le général !

Toujours agenouillé, Jagang était maintenant soutenu par deux colosses accroupis à ses côtés. Pâle comme un mort, il restait néanmoins conscient et plus dangereux qu'un serpent.

Une main refermée sur la hampe de flèche qui saillait de sa poitrine, il suivait l'évolution du combat, guettant sans doute une occasion propice de se dégager d'un piège mortel.

― Une flèche ? s'écria Karg. Au nom de la Création ! comment est-ce arrivé ?

Un officier saisit le général par sa cotte de mailles et le tira vers lui.

― Ton héros lui a tiré dessus !

Le regard brûlant de haine, Karg plaqua la lame d'un couteau sur la gorge de l'homme.

― Bas les pattes, misérable !

L'officier obéit, mais ses yeux aussi brillaient de colère.

― Et maintenant, que racontes-tu au sujet de mon « héros » ?

― Ton marqueur peint en rouge ! C'est lui qui a pris Son Excellence pour cible.

― Si c'est vrai, je le tuerai de mes mains.

― Si nous ne l'avons pas taillé en pièces avant.

― Comme tu préfères, capitaine ! Je me fiche de qui l'éventrera, pourvu qu'il crève comme un chien et ne fasse plus de dégâts. Quand ce sera fini, qu'on m'apporte sa tête, pour que je sois sûr qu'il n'est plus de ce monde.

― C'est comme si c'était fait, grogna l'officier.

Ignorant superbement les rodomontades de ce crétin, Karg entreprit de pénétrer au coeur du bouclier humain.

― Aidez l'empereur à se relever ! cria-t-il. Nous allons le ramener sous son pavillon, où des soeurs s'occuperont de lui. Ici, nous ne pouvons pas l'aider.

Personne n'émit d'objection. Des gardes remirent Jagang debout, puis glissèrent chacun une épaule sous ses bras pour le soutenir.

― Karg..., souffla l'empereur.

― Oui, Excellence ?

― Tu tombes vraiment à pic... Je crois que tu as mérité ta récompense... pour une nuit ou deux.

Karg eut l'ombre d'un sourire, puis il se tourna vers les soldats d'élite.

― En route !

Jillian sur un flanc et Nicci sur l'autre, Kahlan continuait à avancer au milieu de la foule de brutes assoiffées de sang.

Dans son dos, les gardes qui soutenaient Jagang se mirent en mouvement.

Devant eux, les hommes amenés par Karg s'ouvraient un chemin à coups d'épée et de hache.

Terrorisée à l'idée de retourner sous le pavillon, Kahlan surveillait du coin de l'oeil la progression des sauveteurs du tyran. En même temps, elle tentait d'apercevoir Richard ― sans succès, hélas.

Tandis que les soudards continuaient à s'étriper, les gardes de Jagang adoptèrent une formation en fer de lance pour s'enfoncer dans la cohue et regagner aussi vite que possible le centre de commandement.

Tous les porteurs de torche ayant détalé, seule la lueur des flambeaux apportés par les soldats d'élite illuminait encore la scène. Cette lumière étant de plus en plus lointaine, Kahlan s'avisa qu'elle ne distinguait plus le terrain de Ja'La. Dans les ténèbres, même l'imposante silhouette du Palais du Peuple perché au sommet du haut plateau n'était plus visible.

Pour se repérer, Kahlan n'eut bientôt plus que les illuminations du chantier, dans le lointain.

Une série d'explosions et d'éclairs signalèrent soudain aux trois fugitives que des Soeurs de l'Obscurité approchaient. Volant à la rescousse de Jagang, elles n'hésitaient pas à carboniser des centaines d'hommes sur leur passage.

Mais des centaines de milliers d'hommes s'étaient massés dans le stade et autour. Si certains étaient morts, tous les autres étaient encore présents, et les sauveteurs de Jagang auraient du mal à leur échapper.

Les trois fugitives avaient le même problème, sans l'avant-garde de plusieurs milliers de soldats dont bénéficiait Jagang. En l'absence d'arguments de ce type, elles n'avaient qu'une solution : passer inaperçues.

La capuche de leur manteau relevée, elles avançaient à petits pas, la tête humblement rentrée dans les épaules. Si elles ne se faisaient pas remarquer, tout était possible. Mais Kahlan seule avait un véritable avantage sur l'ennemi...

Un ignoble sourire sur les lèvres, Karg jaillit soudain des ténèbres et saisit Nicci par le bras.

― Te voilà enfin ? (Il rabattit la capuche du manteau pour mieux dévisager sa proie.) Tu viens avec moi ! (Il fit signe à un de ses hommes d'approcher.) Occupe-toi de la gamine ! Puisque nous allons donner une petite fête, je voudrais offrir de la chair fraîche à mes braves.

Jillian cria quand un colosse l'arracha à Kahlan ― sans voir celle-ci ― et la força à emboîter le pas au général.

La petite tenta de poignarder le type, mais il la désarma d'un geste nonchalant.

Kahlan décida de suivre le ravisseur de Jillian. Elle allait lui enfoncer son arme entre les omoplates lorsqu'une main puissante se referma sur son poignet.

Le sixième ange gardien, celui qu'elle avait perdu de vue. Manque de chance, c'était le plus intelligent. Moins négligent que ses camarades, il avait toujours ses armes.

Alors que Nicci et Jillian s'éloignaient de plus en plus de Kahlan ―

involontairement, mais ça ne changeait rien au résultat ―, le soldat lui tordit le bras dans le dos et la força à ouvrir les doigts puis à lâcher son arme.

Kahlan lui décocha une ruade avec l'espoir de toucher une partie très sensible de son corps, le forçant ainsi à la lâcher. Elle rata sa cible et la pression de plus en plus forte que le colosse exerça sur son bras la contraignit à ne plus résister. Très content de lui, il la poussa dans la direction empruntée par le groupe de l'empereur.

Très vite, elle aperçut une crinière de cheveux blonds ― Nicci n'était pas très loin devant.

La main qui serrait son poignet s'ouvrit soudain pour remonter le long de son avant-bras et le serrer dans un étau incroyablement puissant.

Se sentant tirer en arrière, vers les ténèbres et la fureur, Kahlan comprit qu'elle allait devoir se défendre contre un violeur.

Levant les yeux, elle...

... découvrit que c'était Richard qui la tenait par le bras.

Le temps ralentit son cours et les yeux gris du seigneur Rahl sondèrent jusqu'à l'âme de la prisonnière.

De si près, les peintures de guerre se révélaient terrifiantes. Mais le sourire qu'affichait Richard était le plus doux et le plus compatissant que Kahlan eût jamais vu.

Pétrifiée, Kahlan dut faire un effort conscient pour se forcer à respirer. Tout aussi paralysé, Richard la regardait en souriant comme un enfant.

Baissant les yeux, la prisonnière vit enfin où était passé le garde qui lui serrait le poignet. L'homme gisait sur le sol, sa tête faisant avec ses épaules un angle pas naturel du tout. À première vue, il ne respirait plus. Bien entendu, avec le nombre de cadavres qui jonchaient le sol, un de plus ou de moins ne faisait aucune différence. Surtout quand il s'agissait d'un soudard de base.

Sauf que celui-ci avait été capable de voir Kahlan...

Soudain, la prisonnière se souvint que sa nouvelle amie et sa protégée étaient dans de très sales draps.

― Il faut sauver Nicci et Jillian ! Le général Karg les a capturées.

Richard n'hésita pas un instant.

― On y va ! Reste auprès de moi, surtout...

Cette fois, le Sourcier dut se frotter à des gardes d'élite, plus à des soldats mal dégrossis. Curieusement, ça ne fit aucune différence. Toujours très serein, il continua sur sa lancée, évitant les ennuis quand il le pouvait et taillant ses ennemis en pièces s'il le fallait.

Esquivant une attaque pourtant très vive, il trancha net le bras de son agresseur, rattrapa au vol l'épée qu'il avait lâchée et la lança à Kahlan.

Elle serra fermement la poignée de l'arme et ne tarda pas à l'utiliser pour ouvrir le ventre d'un homme qui bondissait sur Richard.

Tenir une épée et être en mesure de se défendre elle-même était une expérience grisante. Se battant de conserve, les deux jeunes gens se frayèrent un chemin parmi l'élite de l'armée de l'Ordre.

Quand ils l'eurent rattrapé, Karg se retourna comme si un sixième sens l'avait averti. Lâchant Nicci, il se tourna vers son ancien marqueur, prêt à se battre.

Voyant qu'il entendait régler cette histoire tout seul, les gardes d'élite se désintéressèrent de la question.

― Eh bien, Ruben, on dirait que..., commença le général.

Richard frappa, décapitant sans cérémonie un des officiers supérieurs de l'armée adverse.

Il n'avait aucun besoin de faire un sermon aux gens qu'il tuait. Quand il se battait, seul le résultat comptait. Il ne cherchait pas à se gagner l'approbation de ses adversaires. Les éliminer lui suffisait.

Ayant vu ce qui s'était produit, un garde tenta d'attaquer Richard par-derrière. Au passage, Nicci égorgea le type d'un geste vif et précis. Les yeux écarquillés de surprise, l'homme porta les mains à son cou, tomba à genoux puis s'étala face contre terre.

Alertés, d'autres hommes se ruèrent sur le marqueur des rouges. Face à tant de guerriers expérimentés, Richard allait devoir mobiliser tout son talent.

Mais il ne ferraillait pas seul. Désormais invisible pour tout le monde, Kahlan vola à la rescousse du seigneur Rahl. Stupéfiés, des hommes tombèrent sous les coups d'une épée qui semblait combattre toute seule.

Formant une équipe des plus redoutables, Richard et Kahlan taillaient littéralement en pièces la crème de l'armée de l'Ordre.

Nicci s'engagea aussi dans la mêlée. Avec la même idée en tête ― échapper aux gardes et fuir le camp ―, les trois amis se battaient comme des lions.

― Il faut atteindre la rampe ! cria Nicci à Richard.

Le Sourcier retira sa lame du ventre d'un adversaire et fronça les sourcils.

― La rampe ? Tu es sûre ?

― Oui !

Richard n'insista pas. Il continua à frapper, mais modifia sa trajectoire, couvrant Jillian à chaque pas afin que personne ne puisse la blesser ou la capturer.

Durant cette marche sanglante, Kahlan prit soin de rester assez loin de Richard, afin qu'ils aient tous les deux assez d'espace pour manoeuvrer.

Ne la voyant pas, la majorité des ennemis se ruait sur Richard, sans doute parce que Nicci leur semblait moins menaçante. Tirant tout le profit possible de son invisibilité, Kahlan se chargea de protéger les arrières de ses deux amis ― et elle veilla particulièrement à la sécurité de Jillian.

Alors qu'un colosse menaçait de couper l'enfant en deux avec son épée, une lame lui traversa le torse et il mourut avant d'avoir compris ce qui lui arrivait.

Dès que l'agresseur se fut écroulé, Kahlan se retrouva face au visage souriant d'un homme aux très étranges yeux jaunes.

― Je suis là pour t'aider, jolie dame ! lança-t-il.

Dans le noir, l'arme de l'inconnu brillait comme une étoile.

S'il portait un uniforme de l'Ordre, l'homme n'en était pas un zélateur, ça semblait évident. Lorsqu'un nouveau garde voulut s'en prendre à Jillian, il s'interposa, fit décrire un arc de cercle à sa lame et fit sauter la calotte crânienne de sa cible. Dans un geyser de sang et de matière cervicale, l'homme partiellement décapité s'écroula comme une masse.

L'oeil attiré par la scène, Richard vint se camper devant l'escrimeur aux yeux jaunes. Fou de rage, celui-ci leva son épée et l'abattit à une vitesse phénoménale.

Si incroyable que ça paraisse, Richard ne broncha pas.

Kahlan se demanda pourquoi il acceptait ainsi la mort. Car un coup pareil ne lui laissait aucune chance de s'en tirer.

La lame qui venait de découper le crâne d'un homme se comporta d'une incroyable façon. Au moment de toucher Richard, elle changea de direction ― comme si elle était animée par une volonté propre, ou qu'elle vienne d'être déviée par un bouclier invisible.

L'inconnu frappa de nouveau, mais une fois de plus, son arme refusa de lui obéir.

― C'est mon épée ! cria-t-il, fou de rage.

Kahlan ne comprit pas le sens de cette affirmation ― surtout en un moment pareil.

Elle n'eut pas le temps de s'appesantir sur la question. Sans pousser un cri, Nicci porta soudain les mains à son cou. Puis elle s'écroula, basculant en arrière comme si la foudre venait de la toucher.

Un groupe de soldats d'élite chargea Richard. Face à tant d'adversaires, il fut obligé de faire face avec des moyens plus classiques que précédemment.

Malgré la perfection de sa technique, le nombre restait une variable déterminante et il dut céder du terrain, s'éloignant très nettement de Kahlan.

La prisonnière voulut prendre à revers les gardes qui fondaient sur Richard, mais l'inconnu aux yeux jaunes la saisit par le bras.

― Il faut partir ! Richard ne va pas mourir. Grâce à lui, nous avons une chance.

― Je refuse de le...

Comme si sa tête explosait, Kahlan eut l'impression que ses yeux allaient jaillir de leur orbite. Lâchant son arme, elle porta les mains à son cou et tenta d'arracher le collier qui la torturait. Malgré toute sa détermination, elle ne put s'empêcher de crier. Même quand on ne voulait pas faire plaisir à ses ennemis, il était parfois impossible de se maîtriser...

Comme Nicci, elle tomba à genoux.

― Viens, jolie dame ! cria l'inconnu. Il faut partir !

Kahlan n'était plus en état de se relever et encore moins de marcher. À vrai dire, elle parvenait à peine à respirer.

À travers ses larmes de douleur, elle vit la fureur de Richard, qui tentait en vain de la rejoindre.

Mais de plus en plus d'ennemis fondaient sur lui, résolus à châtier le marqueur qui avait humilié l'empereur et déclenché une émeute.

Même si chacun de ses coups faisait mouche, Richard était contraint de reculer.

Kahlan s'étala de tout son long, face contre terre. La douleur la paralysait totalement, désormais. Elle ne parvenait même plus à lever une paupière.

― Viens ! Partir ! cria l'inconnu en la prenant par le bras.

Voyant qu'elle ne réagissait pas, il décida de la traîner avec lui.